Pronostics crypto pour 2022 : crash du bitcoin, envolée de la DeFi, durcissement réglementaire

L’exercice divinatoire vaut ce qu’il vaut, mais, après l’année historique qu’ont vécu les crypo-actifs, appréhender les différents scénarios d’évolution du marché s’avère utile.

Quand on croit deviner, souvent, on se trompe. L’univers du bitcoin a jusqu’à présent offert, pour principale certitude, l’incertitude de son expansion. Mais l’année qui se termine semble marquer une étape charnière dans l’évolution des cryptomonnaies et autres actifs numériques. Les seuls montants stratosphériques des transactions sur les plateformes d’échange, 15.000 milliards de dollars, donnent une mesure relative de la masse critique.

Même si à l’heure d’écrire ces lignes, le BTC rougit et lutte pour rester aux alentours des 50.000 $ l’unité, rappelons qu’il avait entamé 2021 sous le seuil des 30.000 $. Cela représente une croissance de l’ordre de 70%, contre par exemple +24% pour les actions européennes (indice Stoxx 600) ou -7% de rendement depuis le début de l’année pour l’or (GLD).

Évidemment, les performances passées n’accordent aucune garantie sur de futures performances. Et malgré l’adoption progressive par des banques de Wall Street (qui cèdent au syndrome FOMO, la peur grandissante de rater l’opportunité), les introductions en Bourse remarquées d’entreprises crypto, les ETF liés au bitcoin, l’année 2022 s’annonce déjà comme un nouveau tour de montagnes russes.

La volatilité, la concurrence désordonnée d’altcoins et de protocoles de finance décentralisée (DeFi), le sursaut de conscience des régulateurs tout autour de la planète, semblent affaiblir les perspectives pour le bitcoin et par contagion annoncer un ralentissement du marché crypto.

Nouveau plongeon du bitcoin

L’histoire devrait se répéter, selon les prédictions d’analystes recueillies par CNBC. Le bitcoin devrait enregistrer une (très) forte baisse dans les mois à venir. Par rapport à son sommet historique (ATH) atteint en novembre dernier à près de 69.000 $, le BTC a perdu 30% de sa valeur et traverse un marché durablement baissier (ce que Wall Street surnomme « bear market » à partir d’une correction négative de 20%).

Certains experts prédisent un effondrement bien au-delà, vers les 10.000 dollars, en se remémorant du précédent « crypto winter » de 2018, lors duquel le prix était tombé de 20.000 à 3.000 $ en l’espace de quelques mois.

Les défenseurs de « la cryptomonnaie reine » assurent que cette fois-ci tout a changé car le marché s’est institutionnalisé. Un argument persistant en faveur de l’investissement dans le bitcoin cette année a été que l’actif digital constituait une couverture contre l’inflation créée notamment par les mesures de relance des gouvernements.

Reste aussi à voir comment l’assèchement progressif des liquidités injectées par les banques centrales nuira à cette classe d’actifs à part entière que sont devenues les cryptos.

Les ETF au comptant feront des heureux

Présenté comme le Graal par des gestionnaires de fonds d’investissement, l’arrivée sur le marché américain d’un premier fonds négocié en Bourse adossé sur le BTC au comptant (spot-Bitcoin ETF) devrait avoir un impact déterminant sur la tenue du marché en 2022.

Car, contrairement aux ETF basés sur les contrats à terme (futures) sur le bitcoin, un ETF directement lié au prix du bitcoin constituerait une nouvelle porte d’entrée dans la crypto pour des millions d’investisseurs particuliers. Un ETF reposant sur les futures apparaît comme peu adapté au commerce de détail compte tenu par exemple des coûts élevés de renouvellement des contrats.

Les arguments en faveur des ETF crypto au comptant ne manquent plus, principalement parce que le marché semble désormais assez mature pour pouvoir les supporter. D’ailleurs, le géant des placements Fidelity l’a déjà initié au Canada sur la place torontoise.

« Il n’y a aucune raison que cela ne puisse pas être dupliqué 10 ou 100 fois sur les marchés des États-Unis. Et bien qu’elle ait été réticente à le faire, la SEC pourrait approuver ce genre d’ETF bitcoin ou crypto en 2022 », assure James Ledbetter, ancien rédacteur en chef de Inc. et éditeur de la newsletter fintech FIN.

L’Internet décentralisé et ses propres monnaies

Au fur et à mesure que l’industrie crypto a évolué, la dominance du bitcoin a mécaniquement diminué, et d’autres monnaies numériques ont donc gagné en importance à l’instar de l’ether. C’est une tendance qui devrait perdurer en 2022, estiment les analystes, parce que des investisseurs en quête de rendements supérieurs, explorent de nouvelles niches dans le marché crypto.

Le solana (SOL), le polkadot (DOT), le cardano (ADA) ne sont que quelques noms de cryptomonnaies à garder à l’œil l’année prochaine. Des blockchains et protocoles informatiques jouant de nouveaux rôles pourraient plus largement cannibaliser la capitalisation de marché du BTC.

La finance décentralisée (DeFi), recréant les produits financiers traditionnels en l’absence des intermédiaires classiques, et les organisations autonomes décentralisées (DAO), ces nouveaux types de communautés sur Internet, constituent les domaines avec le plus grand potentiel de croissance, dixit les experts.

DeFi et DAO ne sont que des facettes d’un phénomène de transition digitale plus large surnommé web3 ou web 3.0, rythmé dernièrement par une polémique entre gourous de la tech tels qu’Elon Musk et Jack Dorsey.

Si ce n’est en 2022, l’industrie crypto pourrait à moyen terme ringardiser les géants de la tech qui ont tenté de s’accaparer les bénéfices du bitcoin. Meta (ex-Facebook) n’a toujours pas réussi à commercialiser son prototype de cryptomonnaie, la Diem (ex-Libra), annoncée comme révolutionnaire en 2019. Tandis que sa vision corporate opportuniste du métavers donne des haut-le-cœur aux acteurs de la crypto.

Réglementation, quitte ou double ?

La pression réglementaire s’est déjà sensiblement alourdie cette année. La Chine a (re)tenté de mener les cryptos à la baguette, en vain. L’Union européenne a (doucement) progressé dans l’élaboration de son cadre pour les crypto-actifs. En Belgique, notre ministre des Finances a récemment finalisé un projet de loi crypto pour mieux contrôler les acteurs sur son territoire. Même Binance, la plus grande crypto-bourse du monde, longuement décriée pour ses pratiques discutables, a prêché en faveur de plus de réglementation à l’échelle mondiale.

Les analystes s’attendent évidemment à ce que la réglementation constitue un enjeu clé en 2022. Les gouvernements, en particulier celui des États-Unis, vont s’attaquer aux zones d’ombre dans les législations et structurer les missions de surveillance et de contrôle.

Dans le viseur des autorités, les stablecoins à l’instar du Tether, la plus grande cryptomonnaie adossée à une devise nationale (en l’occurrence le dollar américain), seront biopsiés pour évaluer la solidité économique des modèles et leurs dangers pour le système financier.

La DeFi et ses kyrielles de protocoles fintech encore largement inauditables attireront de plus en plus l’attention, à mesure que des centaines de milliards de dollars viennent gonfler leur valeur cumulative. La « banque des banques centrales », la BIS, a déjà annoncé la couleur.

Bref, on ne risque pas encore de s’ennuyer dans la crypto en 2022.

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