Le “Donald Trump tchèque” dans le collimateur de Bruxelles

Un rapport juridique confidentiel de la Commission européenne met en cause le Premier ministre tchèque eurosceptique, Andrej Babiš. Il affirme que Babiš se trouve en situation de « conflit d’intérêt », dans la mesure où les officiels publics et les politiciens n’ont pas le droit de percevoir des fonds européens. Or, sa holding aurait perçu des dizaines de millions d’euros de subventions depuis sa première élection.

Sa holding, Agrofert, aurait perçu 82 millions d’euros de subventions de l’Union européenne en 2018. On reproche à Babiš d’être demeuré le beneficiaire effectif du conglomérat, ce qui est illégal, aussi bien au regard de la Constitution tchèque, que du droit européen. Et les officiels de la Commission reexaminent désormais les dizaines de millions d’euros qui lui ont été accordés depuis l’année 2013, année où Babiš s’est présenté pour la première fois à des élections.

Le « Donald Trump tchèque »

Le « Donald Trump tchèque », ainsi qu’on le surnomme, est aussi le second homme le plus riche du pays, avec une fortune estimée à 3,5 milliards d’euros, selon Forbes. Il a commencé sa carrière comme négociant d’engrais, et a réussi à bâtir un véritable empire. Sa holding, Agrofert, possède pas moins de 230 sociétés des secteurs agricole, alimentaire et chimique, entre autres. Babiš, qui est aujourd’hui âgé de 64 ans, est aussi propriétaire de 2 des plus gros titre de presse du pays et de sa principale chaîne de radio.

Selon le journal britannique The Guardian, qui a eu communication de cette analyse juridique confidentielle, les juristes de la Commission ont uniquement examiné si Babiš avait enfreint le code financier de 2018 concernant les subventions de l’Union européenne. Mais l’avis juridique évoque également la possibilité d’autres conflits d’intérêts, à l’époque où il était ministre des Finances, au regard d’un règlement antérieur. S’il s’avérait effectivement que ces fonds avaient été attribués indûiment, les contribuables tchèques pourraient devoir rembourser leur totalité.

Babiš réfute les accusations

Babiš a réfuté toutes ces allégations dans un email qu’il a adressé au Guardian. Il met en cause Transparency International, à l’origine de la plainte auprèsd de la Commission qui a débouché sur cette étude, l’accusant de « répandre des absurdités ». Il affirme que l’analyse de l’UE repose sur les mêmes « mensonges ». De même, il a joint une déclaration de trois pages émanant de deux administrateurs d’Agrofert, indiquant que Babiš n’avait aucun contrôle sur Agrofert ou des sociétés associées, et qu’il n’avait pas enfreint les lois tchèques ou slovaques.

Ce n’est pas le seul dossier brûlant concernant des subventions européenne pour le Premier Tchèque. En effet, Babiš a été mis en cause dans une affaire de fraude aux subventions européennes remontant à 2007. Son établissement hôtelier Čapí Hnízdo (« Nid de Cigogne ») aurait alors reçu 2 millions d’euros de subventions européennes. Là encore, le magnat nie et évoque « un complot organisé » pour des motifs poilitiques.

Un eurosceptique

Le Premier ministre tchèque est à la tête du pays depuis les élections de décembre 2017. L’année dernière, après 9 mois d’impasse politique, son parti ANO (qui signifie « oui ») a formé une coalition minoritaire avec les sociaux-démocrates, bénéficiant du soutien du parti communiste.

Ironiquement à l’égard des reproches qui lui sont faits actuellement, Babiš est un eurosceptique qui a construit sa carrière politique sur ce sentiment prévalent dans son pays. En effet, bien que la République tchèque soit devenue le pays le plus riche de l’ancien bloc communiste, avec un niveau de vie supérieur à celui du Portugal ou de la Suède, la population tchèque ressent une grande défiance à l’égard de l’UE. Les Tchèques ont cultivé une grande aversion pour toute forme de contrôle externe. Nombre d’entre eux considèrent donc l’UE comme une structure socialiste avec des règles strictes et arbitraires imposées d’en haut.

En raison de la complexité de ce dossier, il faudra attendre « plusieurs semaines, voire plusieurs mois » avant de savoir si le procureur suivra effectivement les préconisations de la police tchèque, et si celles-ci se solderont effectivement par un acte d’accusation.

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