Pourquoi plus de la moitié des Américains ont perdu des points de QI au siècle dernier

Dans une nouvelle étude, des chercheurs américains ont découvert que plus de la moitié des Américains de notre époque avaient perdu des points de QI il y a quelques dizaines d’années. « Choquant », commente un des auteurs. La coupable: l’essence au plomb.

Tout au long du 20e siècle, apparue dans les années 1920 et interdite aux Etats-Unis en 1996, l’essence au plomb a détérioré la santé des Américains, et particulièrement celle des enfants, exposés aux gaz d’échappement. Ce n’est pas une information en soi. Ce qui est nouveau, en revanche, c’est que des chercheurs en psychologie clinique à l’université de Duke, et de l’université d’État de Floride ont réussi à déterminer avec plus de précision l’ampleur exacte du phénomène. Et les résultats ont été encore plus alarmants que ce à quoi ils s’attendaient.

À l’aide de données publiques sur les niveaux de plomb dans le sang des enfants américains, l’utilisation d’essence au plomb et les statistiques démographiques, ils ont calculé l’impact sanitaire qu’a eu le plomb tout au long de la vie de chaque Américain qui vivait en 2015.

Déficience intellectuelle

En 2015, donc, plus 170 millions d’Américains (soit plus de la moitié) présentaient des niveaux cliniquement préoccupants de plomb dans le sang lorsqu’ils étaient enfants. Ce qui a fait baisser leur QI.

D’après les calculs des chercheurs, l’essence au plomb a réduit le QI cumulé du pays de 824 millions de points. C’est-à-dire près de trois points par personne. Il s’agit d’une moyenne. Les personnes nées entre le milieu et la fin des années 1960, pourraient avoir perdu jusqu’à six points de QI. Chez certaines d’entre elles, la réduction du QI pourrait avoir été encore plus importante.

C’est loin d’être anecdotique. Des personnes avec des capacités cognitives inférieures à la moyenne (QI inférieur à 85) peuvent finalement en être venues à être classées comme ayant une déficience intellectuelle (QI inférieur à 70).

« Choqué, même si je m’y étais préparé »

La perte de points de QI n’est bien sûr malheureusement pas le seul effet de l’essence au plomb sur la santé. Les chercheurs citent des problèmes tels qu’une réduction de la taille du cerveau, une plus grande probabilité de maladie mentale ou encore une augmentation des maladies cardiovasculaires à l’âge adulte.

« Le plomb peut atteindre la circulation sanguine lorsqu’il est inhalé sous forme de poussière, ingéré ou consommé dans l’eau », a expliqué Aaron Reuben, doctorant en psychologie clinique et auteur principal de l’étude. « Dans la circulation sanguine, il est capable de passer dans le cerveau à travers la barrière hématoencéphalique, qui est assez efficace pour empêcher beaucoup de substances toxiques et d’agents pathogènes d’entrer dans le cerveau, mais pas tous. »

« J’ai franchement été choqué », a commenté Michael McFarland professeur de sociologie et coauteur de l’étude. « Et quand je regarde les chiffres, je suis encore choqué, même si je m’y étais préparé ».

Disparités raciales

Les chercheurs se préparent à poursuivre leur travail. Ils vont notamment analyser et mettre en évidence les disparités raciales de l’exposition au plomb pendant l’enfance. D’après eux, les enfants noirs ont été davantage exposés que les enfants blancs, et en ont donc davantage souffert.

En outre, il s’agira par la suite d’explorer en profondeur les conséquences sur le long terme de cette exposition au plomb sur la santé du cerveau. Il a en effet déjà été constaté que les adultes fortement exposés pendant leur enfance pouvaient connaître un vieillissement cérébral accéléré.

Notons que même si l’essence au plomb a été interdite aux USA et en Europe il y a une bonne vingtaine d’années et a disparu dans le monde l’an passé (en théorie), la population mondiale reste exposée au plomb. Dans des proportions moins importantes qu’au siècle dernier, certes, mais parfois toujours potentiellement graves. L’OMS cite ainsi toute une série d’activités susceptibles de contaminer l’environnement et par conséquent d’exposer les humains à ce métal toxique. On retrouve notamment « l’exploitation minière, la métallurgie, les activités de manufacture et de recyclage, et, dans certains pays, l’usage persistant des peintures, de l’essence et du carburant d’aviation au plomb ».

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