Pourquoi l’Allemagne tient-elle tant à plaire à la Chine?

La façon dont la Chine a récemment pris le pouvoir à Hong Kong restera sans doute gravée dans l’histoire, tout comme le Covid-19. Maintenant que l’épidémie semble être contenue en Chine, peut-être l’UE devrait-elle ouvrir les yeux. 

Depuis le 1er juillet, l’Allemagne a pris la présidence tournante de l’UE pour une période de 6 mois. Et le retour d’Angela Merkel n’a pas été des plus discrets. La façon dont elle a porté l’Allemagne durant l’épidémie lui a valu des éloges dans le monde entier. Aujourd’hui, personne au sein de l’UE ne semble mieux placé pour relancer l’économie, à l’exception de la Chine. 

Il ne faut pas critiquer la Chine 

Le ministre allemand des Affaires étrangères, Heiko Maas, a appelé les Allemands travaillant à Hong Kong à ne pas critiquer la prise de pouvoir autoritaire du régime chinois. Ce jeudi, on pouvait également lire dans le magazine en ligne Politico que Peter Altmaier, le ministre fédéral de l’Économie et de l’Énergie, s’était aussi montré favorable au fait qu’il ne faille pas adopter une position trop ‘dure’ envers la Chine. ‘Quiconque agit de la sorte ignore les conséquences économiques qui peuvent en découler’, avait déclaré le ministre allemand de l’Économie.

Depuis 2016, la Chine devance les États-Unis et peut se targuer d’être le partenaire commercial le plus important de l’Allemagne. L’année dernière, nos voisins ont en effet exporté pour plus de 96 milliards d’euros de marchandises vers la Chine.

Angela Merkel est pourtant de plus en plus critiquée pour la façon dont elle collabore avec la Chine. La Chancelière allemande affirme malgré tout que ces ‘bonnes relations’ avec la Chine s’inscrivent dans le cadre d’une entente stratégique avec l’UE. Cet argument pourrait néanmoins être un raccourci, car ces liens se révèlent plus bénéfiques pour l’Allemagne que pour toute l’Europe. Le journal Frankfurter Allgemeine a d’ailleurs récemment révélé que les constructeurs automobiles allemands sont devenus tellement dépendants du marché chinois que leurs ventes du deuxième trimestre ont compensé les pertes occasionnées par la pandémie. 

Les entreprises allemandes restent silencieuses. On comprend pourquoi…

Il en est de même du côté des entreprises. Il ne faut (presque) rien attendre du secteur automobile allemand. Le constructeur automobile Daimler – qui est détenu à 10% par le milliardaire chinois Li Shufu, un membre éminent du parti communiste dans son pays – prêche la neutralité politique. Quant à Volkswagen, elle vend 40% de ses voitures en Chine. Le groupe chimique allemand BASF a également entamé la construction d’un site à Guangdong, dont le budget se chiffrerait à 10 milliards de dollars. 

Alors que de nombreux pays se détournent du géant chinois des télécommunications Huawei, qui tente d’implanter sa technologie 5G presque partout, l’Allemagne n’a pas souhaité se prononcer. Le pays a déclaré reporter sa décision à la fin de l’été. En octobre dernier, le journal allemand Handelsblatt avait rapporté qu’Angela Merkel était personnellement intervenue en faveur de Huawei dans le choix des fournisseurs du réseau allemand de la 5G.  Le média avait également affirmé que la Chancelière craignait en réalité une rupture avec la Chine. Le média avait alors déclaré que son intervention à ce niveau était exceptionnelle.

L’effet Merkel

Cette semaine, The Economist a publié un tableau montrant l’augmentation des exportations allemandes sous l’égide d’Angela Merkel. Un modèle économique axé sur l’exportation a été développé au cours des 14 dernières années, ce qui mène inévitablement à une relation de dépendance. Cela signifie que l’Allemagne n’a pas adopté une politique étrangère stratégique, car cela pourrait mettre ses intérêts commerciaux en péril. 

Les spécialistes étrangers européens se demandent dès lors où se situe l’Europe, dans le cadre de ce rapport ambigu entre la Chine et l’Allemagne.

La Chine et l’UE se sont rencontrées 29 fois au cours des 8 dernières années pour conclure un accord commercial. Mais la Chine ne voit plus l’Europe comme une superpuissance. Les Chinois attendent simplement les résultats des élections américaines pour prendre position. Si l’UE veut mener une politique étrangère efficace à l’égard de la Chine, sa conduite ne devra pas être dictée par  la manière dont l’Allemagne se positionne. 

La nouvelle loi sur la sécurité nationale imposée par Pékin, qui permet de réprimer quatre types de crimes contre la sécurité de l’État, ne semble pas être une priorité à Berlin. Il est également prévu, dans les mois à venir, que Merkel étudie le positionnement de l’UE par rapport à la Chine. La Chancelière souhaiterait négocier des conditions commerciales plus favorables (notamment la fin du protectionnisme chinois et la protection européenne des droits de propriété).

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