Les marchés sont dans le vert en ce début d’année. Mais le célèbre économiste Mohammed El-Erian met en garde : un regain du covid, un pouvoir d’achat en berne, une inflation résistante et des taux intérêt élevés plus longtemps pourront mettre des bâtons dans les roues des indices boursiers et des actions.
« Les marchés doivent garder un œil sur quatre facteurs de risque », avertit Mohammed El-Erian

Pourquoi est-ce important ?
Après une année catastrophique, les marchés boursiers commencent l'année sur des notes positives, notamment grâce l'amélioration de certains éléments dans l'économie. Ce rallye est-il parti pour durer ?Les faits : Une belle reprise à la bourse, en ce début d’année.
- « Les marchés financiers ont entamé la nouvelle année dans un état d’esprit optimiste, soutenu par un alignement insaisissable de perspectives de croissance mondiale plus fortes, une baisse de l’inflation et des banques centrales moins restrictives », décrit le célèbre économiste d’Allianz et président du Queen’s College de l’Université de Cambridge, Mohammed El-Erian, dans une opinion publiée par Bloomberg.
- L’inflation américaine continue en effet à ralentir depuis un pic en juin. En décembre, elle affichait 6,5%. En Europe, c’est depuis le mois d’octobre que l’inflation ralentit, quoique plus lentement (9,2% en décembre pour la zone euro).
- Un ralentissement qui laisse entrevoir, maintenant encore plus qu’avant, la fin des hausses des taux d’intérêt aux marchés, et laisse même imaginer la réussite d’un atterrissage en douceur. C’est-à-dire une baisse de l’inflation, sans récession. En Europe, c’est aussi la chute des prix de l’énergie qui calme les craintes de récession.
- Cette idée donne de l’entrain aux bourses. Depuis le début de l’année, l’Euro Stoxx50 a gagné près de 9%. Le S&P 500 a gagné plus de 4% et le Nasdaq plus de 6%. Une belle reprise après une année qui a été synonyme de lourdes chutes.
L’essentiel : Mais il y a un mais. Mohammed El-Erian met en garde contre quatre vents contraires potentiels, qui pourraient inverser la tendance.
- 1/ La fin du zéro-covid et la réouverture de la Chine. Le risque d’un regain de cette infection potentiellement mortelle dans le monde aurait un impact sur l’économie mondiale et les marchés, en particulier à cause de l’explosion des cas de coronavirus en Chine dès l’abandon des règles, il y a deux mois.
- « En plus de soulever des questions sur la durabilité de l’approche politique actuelle, cela augmente également le risque que de nouvelles mutations du virus se propagent depuis la Chine », note l’expert.
- Pour l’heure, aucune vague d’infections n’a encore été constatée dans le monde, ou du moins en Occident, malgré de premières peurs. En Chine, où les infections semblent avoir dépassé un pic, l’économie est en train de redémarrer.
- 2/ Les épargnes des Américains fondent. Le pouvoir d’achat des consommateurs américains s’érode. Les aides de l’époque Covid ainsi que l’argent mis de côté durant cette période sont entièrement consommés. Avec la hausse des taux d’intérêt, la charge de la dette augmente également. Voilà un risque pour l’économie américaine et sa croissance, les consommateurs en étant la colonne vertébrale.
- Le risque serait en plus décuplé si le marché du travail venait à fléchir. Or, pour l’instant, malgré de grandes coupes dans les effectifs, il tient bon. Mais les observateurs estiment généralement que le chômage va augmenter cette année.
- 3/ Une inflation plus têtue qu’on ne le pense. El-Erian estime que l’inflation américaine devrait stagner autour de 4%, toujours à cause des chaines d’approvisionnement. Pour mémoire, l’inflation cible est de 2%. Il observe que c’est maintenant le secteur des services qui est accablé par l’inflation.
- Il n’est pas le seul à s’attendre à ce que l’inflation reste élevée et ne continue pas son ralentissement de manière linéaire. Peter Vanden Houte, économiste en chef d’ING, avertissait mardi dans nos pages que l’inflation de base (qui exclut l’énergie et les denrées alimentaires) était toujours en hausse, ce qui laisse deviner des effets de second tour, du moins en Belgique. L’économiste en chef de la BCE, Philip Lane, avertissait récemment qu’il fallait s’attendre à un regain d’inflation en Europe à cause de la hausse des salaires à venir.
- 4/ La Fed vs. le marché. « Si les banques centrales baissent effectivement les taux plus tard cette année, la force motrice serait les inquiétudes liées à la récession, quelque chose qui exercerait également une pression sur les ménages et les entreprises », écrit El-Erian. Ces inquiétudes de récession auraient bien sûr aussi un impact sur les marchés. « Je doute que la Fed soit aussi enthousiaste que les marchés au sujet de l’assouplissement considérable des conditions financières de cette année. »
- Voilà une réponse directe à l’espoir du marché que la Fed pourrait assouplir ses politiques. El-Erian n’est d’ailleurs de loin pas le seul à rappeler que les taux ne baisseront pas de sitôt. La Fed elle-même le répète souvent.
- Reste à voir si c’est encore juste cette idée qui alimente les marchés qui, comme à plusieurs reprises en 2022, risque de mener vers une rechute. Mais il se pourrait aussi que l’amélioration de la tendance générale dans l’économie, via les signes précoces indiqués plus hauts, tire les cours vers le haut.