Les évacuations continuent à Kaboul, mais la tension monte. Les occidentaux craignent une attaque de type attentat-suicide, ou tir de missile. Une seule certitude : tout le monde n’aura pas une place dans un avion pour échapper aux talibans.
Le pont aérien qui relie Kaboul au reste du monde -et qui constitue la seule voie de salut crédible pour beaucoup d’habitants- est devenu une grande course contre la montre. Et les aiguilles tournent pour chacun des protagonistes : les talibans contrôlent les voies d’accès à l’aéroport, mais ne perturbent pas l’évacuation. Ils semblent laisser aux occidentaux jusqu’au 31 août pour quitter le pays pour de bon. Quant aux Américains, ils espèrent respecter ce planning, mais le président Biden laisse planer le doute sur un prolongement de l’agenda.
Rien n’est possible sans les Américains
Quant aux soldats et officiels de nombreux pays mobilisés à Kaboul pour évacuer leurs ressortissants et autant d’Afghans menacés par le régime islamiste que possible, leur situation dépend entièrement de l’implication américaine, selon le Haut représentant de la diplomatie européenne Josep Borrell: « Les mesures de contrôle et de sécurité des américains sont très fortes. Nous nous sommes plaints. Nous leur avons demandé de montrer plus de flexibilité. Nous n’arrivons pas à faire passer nos collaborateurs. Mais si les Américains partent, les Européens n’ont pas la capacité militaire d’occuper et de sécuriser l’aéroport […] et les talibans prendront le contrôle. Mais il sera impossible de faire sortir de Kaboul tous les afghans qui ont besoin de protection. C’est inimaginable, Il ne faut pas raconter d’histoires. Il y a des priorités. Nous voulons faire sortir nos ressortissants et les collaborateurs afghans. »
Pour rappel, l’armée américaine a déployé pas moins de 6.000 soldats pour sécuriser l’aéroport de Kaboul, et d’autres bataillons attendent en renfort depuis les pays du Golfe. D’autres pays, comme la Grande-Bretagne ou le Canada, ont fait appel à leurs forces spéciales pour évacuer leurs ressortissants, mais avec des effectifs bien plus limités.
Menace terroriste et missile sol-air
Or, nul ne sait ce qui se passera si ces troupes sont encore présentes après le 31 août, ni même si cette trêve tacite se prolongera jusque là. Les talibans semblent vouloir s’octroyer une certaine légitimité internationale, ce qui ne se combine pas aisément à l’intransigeance, mais nul ne sait si tous les leaders du mouvement parlent d’une même voix. En outre, les occidentaux craignent surtout des attaques menées des cellules ayant fait allégeance à Daech ou à Al-Qaïda qui pourraient s’être infiltrées dans les rangs talibans, et qui pourraient cibler l’aéroport.
Si une attaque conventionnelle reste possible, les pires craintes des militaires occidentaux présents reposent plutôt sur un attentat-suicide au sein même de l’aéroport. Selon The Times, les militaires américains et britanniques présents (environ 900) ont peur de devenir une cible privilégiée. Et cette menace contraint fortement la tenue des opérations, car une attaque contre un avion au décollage n’est pas non plus exclue : des armes antiaériennes circulent en Afghanistan, du type des missiles Stinger américains. C’est pourquoi seuls des appareils militaires, équipés de leurres qu’il lâchent au décollage, peuvent arriver à Kaboul et en repartir, avec des délais particulièrement courts au sol qui ne favorisent pas la tenue des évacuations. Les avions civils mobilisés par les Américains servent, eux, à prendre en charge les réfugiés depuis des terrains sûrs dans les pays du Golfe, ou encore au Pakistan dans le cas de la Belgique.
Nul ne sait comment se terminera cette grande opération, alors que la tension monte. Mais les aiguilles tournent, tant pour les soldats qui peuvent se retrouver dans une bataille rangée à chaque instant, que pour les Afghans qui, à chaque avion, voient s’amincir leurs chances d’échapper aux talibans.
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