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Les États-Unis accusent l’OPEP de « s’aligner sur la Russie », mais eux non plus ne jouent pas cartes sur table

Les États-Unis accusent l’OPEP de « s’aligner sur la Russie », mais eux non plus ne jouent pas cartes sur table
Mohammed ben Salmane et Joe Biden – Getty Images

Face aux perspectives de ralentissement de l’économie mondiale, les pays de l’OPEP+ ont mis leur menace à exécution. Et ils ont même doublé la mise : le cartel produira 2 millions de barils par jour en moins. Certains les accusent de vouloir faire remonter artificiellement les prix, les États-Unis pensent carrément qu’ils font le jeu de la Russie. Pourtant, au même moment, les États-Unis songent à garder leur production de pétrole pour eux.

Nouveau conflit diplomatique entre les États-Unis et l’OPEP+ (le cartel des pays producteurs de pétrole et ses alliés, dont la Russie). En cause, la décision du cartel de réduire sa production de 2 millions de barils par jour. C’est deux fois plus que les prévisions. La raison évoquée par l’Arabie saoudite et ses alliés est la perspective d’une récession pour l’économie mondiale.

La réaction des États-Unis a fusé : « Il est clair que l’OPEP+ s’aligne sur la Russie avec l’annonce d’aujourd’hui », a déclaré Karine Jean-Pierre, porte-parole de la Maison Blanche, à bord d’Air Force One. La visite de Joe Biden en Arabie saoudite il y a quelques mois aura été un véritable camouflet

Par cette réduction de l’offre, il est clair que les pays de l’OPEP+ ont l’intention d’augmenter les prix du pétrole. Depuis leur sommet cette année, les prix ont effectivement chuté de 32%. Le but de la manœuvre est de ramener le baril de Brent à 100 dollars.

Et forcément, ce n’est pas mal vu par la Russie, qui ne pourra bientôt plus écouler son pétrole en Europe. Les importations de l’or noir de Poutine ont déjà chuté de quelque 60 % dans l’UE et au Royaume-Uni par rapport à la période d’avant-guerre. Et l’embargo de 90% prendra cours à partir de décembre. De l’autre côté, il ne semble pas que l’Asie soit en mesure d’avaler la production excédentaire de la Russie. En d’autres mots, la Russie surproduit.

Politique ou technique ?

Du côté de l’OPEP, on se défend de toute manipulation géopolitique. Le ministre de l’Énergie des Émirats arabes unis, Suhail al-Mazrouei, a déclaré que la réduction de la production était « technique et non politique », à l’issue de la réunion, à Vienne.

Du côté du ministre saoudien de l’Énergie, le prince Abdulaziz ben Salmane, on dit simplement s’adapter au marché : « Nous agirons et réagirons à ce qui se passe dans l’économie mondiale de la manière la plus responsable et la plus réactive. »

S’il ne fait aucun doute que les pays de l’OPEP manipulent l’offre pour faire rebondir les prix, l’impact d’une réduction de 2 millions de barils est toutefois limité. Pourquoi ? Parce que ces derniers mois, la production de pétrole était déjà en dessous des objectifs annoncés. L’OPEP n’est en fait jamais parvenue à atteindre ses objectifs et était même en sous-production de 3 millions de barils par jour au mois d’août. Il s’agit donc bien aussi d’une réduction technique qui s’accorde mieux avec la réalité.

Selon les calculs de Bloomberg, qui s’appuie sur les chiffres de septembre, une réduction de 880.000 barils pourrait être plus réaliste. C’est moins que les 2 millions, mais ça va quand même faire grimper les prix et mettre sous tension le marché.

Les États-Unis et les midterms

D’autant que les États-Unis ne jouent pas vraiment cartes sur table. S’il est vrai que l’Oncle Sam a puisé dans ses réserves stratégiques pour inonder le marché de pétrole et tenter de faire baisser les prix, les choses sont en train de changer.

Le gouvernement américain étudierait la possibilité d’une interdiction des exportations de carburant. La mesure couvrirait le diésel, l’essence et d’autres produits pétroliers raffinés. La raison est ici interne : la fin des exportations devrait garantir un approvisionnement plus important pour les consommateurs américains et donc une réduction des prix à la pompe. Un élément qui est loin d’être un détail, à l’approche des élections de mi-mandat, le 8 novembre, qui redistribuera les cartes dans les assemblées législatives. Les États-Unis avanceront comme argument que l’OPEP+ ne lui laisse pas le choix.

Coincés au milieu du jeu de quilles, les Européens n’ont que leurs yeux pour pleurer.

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