Après un début d’invasion bien plus compliqué que prévu, Vladimir Poutine avait nommé un général bien connu à la tête de ses troupes en Ukraine. Mais depuis deux semaines, Alexandre Dvornikov a disparu des radars. Est-il toujours en poste ? Rien n’est moins sûr.
À la mi-avril, le président russe avait désigné Alexandre Dvornikov pour prendre la tête de l’offensive russe en Ukraine. Avec un CV long comme le bras, aussi impressionnant qu’inquiétant pour les civils ukrainiens, le général avait pour mission de remettre de l’ordre dans les attaques plutôt chaotiques des premières semaines de guerre.
Cette nomination avait retenti comme un aveu d’échec de la part de Vladimir Poutine. Ses troupes avaient initialement pris quatre axes distincts pour envahir l’Ukraine, sans réelle coordination. Et sans réel succès. Le général Dvornikov devait leur permettre de recentrer leurs efforts sur l’est de l’Ukraine.
L’arrivée du « boucher de Syrie » à la tête de l’offensive russe avait également impliqué un autre élément: la Russie était désormais prête à ce que la guerre s’éternise.
Il devait remettre de l’ordre
Un mois et demi après sa nomination, le bilan de Dvornikov est mitigé. Parmi ses succès, on retrouve la prise de la ville de Marioupol (Donetsk), créant potentiellement un pont terrestre entre la péninsule de Crimée contrôlée par la Russie et le sud. En outre, les troupes russes ont réussi des percées dans l’est, s’emparant notamment ces derniers jours d’une partie de Severodonetsk (Louhansk). Cette ville, faite centre administratif du Donbass ukrainien depuis que les séparatistes pro-russes ont pris la partie orientale du bassin houiller en 2014, était un des grands objectifs des Russes.
Mais sous Dvornikov, les troupes russes ont également convenu quelques déconvenues. Elles ont notamment perdu la deuxième ville d’Ukraine, Kharkiv. Dans d’autres zones du nord et de l’est du pays, les Russes ont dû battre en retraite, parfois même jusqu’à leur propre frontière.
Mais le moral des troupes russes toujours aussi entamé
Globalement, d’après un responsable du Pentagone interrogé par le New York Times, le rythme pris par les troupes russes en Ukraine est « laborieux et progressif ». Ce qui les épuise: la force de combat globale de l’armée aurait déjà diminué d’environ 20%.
Avant la nomination de Dvornikov, les troupes russes évoluaient sans commandant central sur le terrain. Les décisions étaient prises depuis Moscou. Cela s’est traduit par des problèmes de logistique et de moral. Et une tentative ratée d’envahir toute l’Ukraine. Si le « boucher de Syrie » est parvenu à mettre en place un processus plus rationnel, il n’a pas réussi à gommer le profond défaut induit par des premières semaines catastrophiques. À savoir, d’après les responsables américains, un moral des troupes russes bien entamé.
Par exemple, explique le New York Times, « les pilotes russes continuent de faire preuve de la même aversion au risque qu’au cours des premières semaines de la guerre : ils traversent la frontière pour lancer des frappes et reviennent rapidement sur le territoire russe, au lieu de rester dans l’espace aérien ukrainien pour interdire l’accès à leurs adversaires ». Résultat: la Russie n’aurait toujours pas établi une quelconque supériorité aérienne.
L’invasion « ne se déroule pas de manière particulièrement différente à l’est et à l’ouest parce qu’ils n’ont pas été en mesure de changer le caractère de l’armée russe », a déclaré au quotidien new-yorkais Frederick W. Kagan, senior fellow et directeur du Critical Threats Project à l’American Enterprise Institute. « L’armée russe présente des failles profondes qu’elle n’aurait pas pu réparer au cours des dernières semaines, même si elle avait essayé. Ces failles sont profondes et fondamentales. »
Disparition
Si elles sont mieux organisées qu’au début de la guerre, les troupes russes en Ukraine, toujours bien marquées par des débuts ratés, piétinent. Et il est difficile de dire si cela va s’arranger pour elles. Car les responsables américains interrogés par le New York Times ont indiqué que Dvornikov n’avait plus donné signe de vie depuis deux semaines. Ce qui conduit déjà certains à se demander s’il n’a pas déjà été démis de ses fonctions.
L’avenir des troupes russes apparaît d’autant plus incertain qu’un certain Vladimir Poutine semble s’obstiner à vouloir jouer un rôle très important dans la guerre en Ukraine. D’après Evelyn Farkas, ancienne haute fonctionnaire du Pentagone pour l’Ukraine et la Russie dans l’administration Obama, a déclaré que le président russe s’impliquait toujours énormément dans le combat. Or, « si vous avez des présidents qui s’ingèrent dans le ciblage et les décisions militaires opérationnelles, c’est une recette pour un désastre », conclut-elle.