L’Allemagne et la France lancent une offensive pour charmer Poutine, leurs alliés restent sans voix

L’Allemagne et la France ont appelé à une nouvelle stratégie européenne d’engagement plus étroit avec la Russie. Une demande faite au lendemain du sommet entre le président américain Joe Biden et Vladimir Poutine à Genève.

Pourquoi est-ce important ?


Les sommets de l'UE avec Poutine ont été suspendus depuis que la Russie a annexé la Crimée, en Ukraine, en 2014. Le nouveau rapprochement proposé avec Moscou risque d'inquiéter certains États membres de l'UE, tels que les pays baltes et la Pologne, qui ont une frontière commune avec la Russie et qui souhaitent adopter une ligne plus dure avec le Kremlin. Les objections à une normalisation des relations sont nombreuses: pensez à l'affaire Navalny, à la Biélorussie, à la ligne autocratique du plus grand pays du monde, etc. Auparavant, la construction du gazoduc controversé Nord Stream 2 (initialement bloquée par les Américains, qui n'ont cédé que récemment lorsqu'ils ont vu que la construction était en voie d'achèvement) a déjà impliqué un dégel des relations entre la Russie et l'Allemagne. Pendant ce temps, la chancelière Angela Merkel entame ses derniers mois politiques, et on peut s'attendre à ce qu'elle s'exprime plus librement.

Que s’est-il passé ?

  • Lors d’une réunion à Bruxelles en début de semaine, les ambassadeurs d’Allemagne et de France ont pris les autres États membres de l’UE au dépourvu en faisant de nouvelles propositions concernant les relations avec le Kremlin.
  • Des diplomates ont rapporté qu’Angela Merkel, la chancelière allemande, souhaitait que l’UE envisage d’inviter le président russe à un sommet avec les dirigeants européens. Cette initiative a été soutenue par le président français Emmanuel Macron, révèle le Financial Times.
  • L’Allemagne estime que le sommet Biden-Poutine constitue un modèle pour les futures relations avec la Russie. Angela Merkel rencontre régulièrement Vladimir Poutine, et s’est entretenue avec lui par téléphone en début de semaine, mais elle préconise une formule qui permette à l’UE de parler d’une seule voix sur la Russie.
  • Ces derniers jours, Mme Merkel a mené des consultations étroites avec ses alliés européens. Ainsi, M. Macron et le Premier ministre italien Mario Draghi se sont tous deux rendus à Berlin pour des entretiens. Le secrétaire d’État américain Antony Blinken s’est également rendu dans la ville cette semaine pour des entretiens avec le gouvernement allemand.
  • « Macron a soutenu la proposition allemande et s’est engagé à respecter le plan visant à avoir un dialogue avec la Russie en coordination avec les autres membres de l’UE, sans compromettre les exigences de l’UE sur diverses questions », a déclaré un haut fonctionnaire français.
    • Auparavant, les dirigeants européens avaient abordé l’avenir des relations avec la Russie lors de leur sommet en mai. Ils avaient chargé la Commission européenne de présenter des propositions sur la manière de procéder.
      • Toutefois, le projet franco-allemand est beaucoup plus conciliant que l’analyse de la Commission de la semaine dernière, qui mettait en garde contre une « spirale négative » dans les relations UE-Russie et la nécessité de contrer les « actions malveillantes ».

Et maintenant ?

  • Le texte proposé aux autres États membres, qui, s’il est adopté, fera partie des conclusions du sommet d’aujourd’hui et de demain, réaffirme la volonté de l’UE de s’engager « de manière sélective » avec la Russie dans des domaines d’intérêt commun.
  • La Commission et le service diplomatique de l’UE sont encouragés à élaborer des « propositions et leviers concrets » à cette fin. Les sujets pourraient inclure le climat, l’environnement, l’Arctique, la coopération transfrontalière, la santé, l’espace, la lutte contre le terrorisme et les domaines de politique étrangère, notamment la Syrie et l’Iran.
  • Néanmoins, le texte souligne également la nécessité pour l’UE de répondre de manière coordonnée aux « activités malveillantes » de la Russie, et appelle Bruxelles à élaborer des options pour d’éventuelles sanctions économiques.
  • Un haut diplomate de l’UE a déclaré que l’initiative franco-allemande avait provoqué une « puanteur » parmi les collègues de l’UE, qui ont exprimé leur frustration face à l’intervention de dernière minute à la veille du sommet. « Ce n’est pas la façon dont les choses doivent être traitées », a-t-il déclaré.
  • Un autre fonctionnaire d’un État membre de l’UE a qualifié l’intervention de « pas très utile » et un troisième a déclaré qu’il était « encore en train d’analyser » l’action surprise.

Quid du Kremlin ?

La proposition a été faite un jour après que Mme Merkel ait rencontré M. Poutine pour marquer le 80e anniversaire de l’invasion de l’Union soviétique par les nazis.

Au cours de la conversation, indique le Kremlin, « il a été souligné que le fait de surmonter l’hostilité mutuelle et de parvenir à la réconciliation entre les peuples russe et allemand est crucial pour l’avenir de l’Europe d’après-guerre, et que garantir la sécurité sur notre continent commun n’est désormais possible que grâce à des efforts conjoints. »

« Les parties sont convenues de poursuivre leurs contacts personnels », a ajouté le Kremlin.

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