La visite de l’OMS à Wuhan: une farce ou une vérification basée sur les faits ?

Après quelques atermoiements, la mission de l’OMS au cœur de l’origine du virus a débuté. L’équipe de scientifiques a pu visiter le labo qui suscite les théories les plus folles.

Il faut remonter au printemps dernier. Jusque-là, la version officielle était que le virus est apparu sur un marché de Wuhan. Le pangolin fut évoqué, puis mis de côté. À ce jour, la seule chose dont on est à peu près certain, c’est que le nouveau coronavirus est passé de l’animal à l’homme par une chauve-souris.

Son origine pourrait-elle se trouver dans un accident de laboratoire ? Ce qui était une thèse complotiste passe alors un cap. Pour cause, les accusations proviennent de l’administration Trump et en particulier du secrétaire d’État, Mike Pompeo. Deux ans plus tôt, deux rapports de l’ambassade américaine à Pékin pointaient du doigt des ‘expériences risquées qui étaient menées dans un labo de Wuhan’. Sa scientifique principale, la chercheuse connue sous le nom de ‘Batwoman’, dément avec force.

Shi Zhengli, la scientifique en chef de l’Institut de virologie de Wuhan – CCTV

‘Excellent scénario de film’

L’administration américaine, qui n’est pas avare en fake news, est toutefois suivie par des scientifiques de premier plan. D’autres nuancent: l’origine naturelle du virus est la piste privilégiée.

L’OMS veut toutefois en avoir le cœur net. Tout chasseur de virus vous le dira: pour connaitre un virus, il faut déterminer le patient zéro. Elle envoie à Wuhan non sans quelques difficultés une équipe d’une dizaine de chercheurs le mois dernier. Cette semaine, l’équipe a visité l’Institut de virologie de Wuhan, le laboratoire incriminé.

Lors d’un entretien avec l’AFP, le scientifique de l’équipe Peter Ben Embarek explique qu’il ne croit pas vraiment en cette thèse: ‘Si nous commençons à suivre et à chasser les fantômes ici et là, nous n’irons jamais nulle part. Toutefois, la visite de l’Institut a été une étape importante pour comprendre d’où viennent ces histoires’, explique cet expert en sécurité alimentaire, actif à Pékin pour le compte de l’OMS depuis une dizaine d’années.

Peter Ben Embarek, membre de l’équipe de l’OMS – Isopix

Il faut savoir que l’Institut de virologie de Wuhan dispose effectivement de labos de haute sécurité P3 (où dorment de nombreux coronavirus) et même P4 pour les virus les plus dangereux (comme Ebola). Peter Ben Embarek estime avoir eu ‘des discussions très franches’ avec ses interlocuteurs chinois, utiles ‘pour comprendre’ leur position sur ‘un certain nombre d’affirmations vues et lues dans les médias’. Mais pour le chef de la délégation, les accusations dont fait l’objet le laboratoire constituent surtout ‘un excellent scénario pour des films et des séries’.

Visite guidée

Même son de cloche chez le professeur Dwyer, qui fait également partie de l’équipe de l’OMS. Interrogé par ITV, il affirme que tout ce dont il a été témoin sur place ne lui avait donné aucune raison de s’inquiéter par rapport à un problème de sécurité. Il a toutefois admis qu’il s’agissait d’une courte visite, de quelques heures seulement.

L’équipe de scientifiques est trimbalée depuis quelques jours à différents endroits. Notamment le désormais célèbre marché de Wuhan, épicentre de la pandémie d’après l’autre thèse. Peu de choses à voir toutefois, et impossible pour eux de rassembler des preuves par eux-mêmes. Ils sont obligés de s’appuyer sur des sources d’informations chinoises. L’équipe est aussi passée par une exposition qui explique comment la Chine a fait face (avec efficacité) au virus. Tout ceci fait dire à certains que cette visite est une énorme mascarade. Ce n’est pas la première fois que les accusations d’une OMS manipulée par la Chine, qui la finance pour partie, surgissent.

Institut de virologie de Wuhan – Isopix

Mais le professeur Dwyer insiste: cette visite n’est pas une farce. Il estime toutefois qu’elle n’est pas une fin en soi et qu’il faudra des années pour déterminer l’origine exacte du SRAS-cov-2.

Et si vous alliez voir ailleurs ?

L’équipe de 13 scientifiques en est à peu près à la moitié de son périple à Wuhan dans la province de Hubei, en Chine centrale.

Cette visite – sérieuse ou inutile – est toutefois critiquée par des épidémiologistes de premier plan en Chine. Ils suggèrent de mener les mêmes enquêtes dans d’autres pays. Les scientifiques de l’OMS feraient bien de se rendre aux États-Unis ou en Europe.

‘Ils devraient fixer un calendrier, selon lequel ils peuvent collecter des échantillons de sang de patients datant même de 2019, en particulier ceux qui ont souffert de pneumonie, pour voir s’il y a quelque chose de suspect’, a déclaré jeudi Zeng Guang, épidémiologiste en chef du Centre chinois de contrôle et de prévention des maladies (CDC chinois) au Global Times. On se souvient que des scientifiques chinois avaient déjà lancé la rumeur que le virus était apparu en Italie en septembre 2019 déjà.

‘Tout pays qui a signalé des épidémies en 2019 devrait faire l’objet d’une enquête’, a déclaré mercredi Lu Hongzhou, codirecteur du centre clinique de santé publique de Shanghai à l’Université de Fudan et membre du groupe national d’experts sur le traitement du COVID-19. Pour Feng Duojia, président de la China Vaccine Industry Association, ‘Wuhan n’est qu’un arrêt pour la recherche de l’origine du virus, et ces experts ne devraient pas s’attendre à trouver une réponse ici. De plus, c’est scientifiquement impossible, car il y avait des cas trouvés dans d’autres pays avant même que l’épidémie de Wuhan ne soit signalée’, a-t-il déclaré.

Un rapport est attendu par le groupe d’experts après sa visite de Wuhan, dans lequel il déclinera les scénarios les plus probables.

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