La Turquie mène une campagne pro-guerre contre Chypre

Le président turc Recep Tayyip Erdogan a toutes les raisons du monde de favoriser l’animosité de son pays à l’égard de la Grèce et de Chypre. Cette stratégie lui permet en effet de détourner l’attention sur les problèmes auxquels son propre pays est confronté. C’est la thèse de Yiannis Baboulias, analyste du site Foreign Policy. 

L’exploitation des tensions avec la Grèce et Chypre est une tactique à laquelle la Turquie a régulièrement eu recours au cours des dernières décennies, mais cette fois-ci, les dirigeants turcs semblent avoir dépassé le stade de la simple rhétorique agressive.

Un gisement de gaz naturel à titre de hache de guerre

Ankara semble en effet envisager d’exploiter un gisement de gaz naturel situé à l’est de la Méditerranée, considéré comme faisant partie des eaux territoriales de Chypre.

En effet, depuis 1974, Chypre est scindée en deux parties : une partie grecque et une autre turque. La Turquie s’est fermement opposée aux activités grecques et chypriotes dans la zone économique exclusive (ZEE) revendiquée par l’administration chypriote grecque, en affirmant que cette zone empiète sur le plateau continental turc. Selon Ankara, l’exploitation des ressources énergétiques autour de l’île reviendrait à violer les droits des Chypriotes turcs, qui contrôlent le nord de Chypre.

De plus, l’achat prévu d’un système de missile russe S-400 par la Turquie est une autre source de tensions. Suite à cette commande, les Etats-Unis ont menacé d’exclure la Turquie du programme d’achat d’avions de combat F-35, et ont averti d’autres sanctions possibles. Selon l’OTAN et les Etats-Unis, le système de missile russe est incompatible avec celui des F-35, ce qui poserait une menace pour la sécurité de l’Occident.

Une attitude motivée par une cuisante défaite électorale

Selon le site, l’attitude agressive d’Erdogan est margement motivée par le revers électoral cuisant que le parti AKP du président turc a essuyé lors des élections locales de fin mars. Outre de nombreuses grandes villes, l’AKP a perdu Istanbul, la ville qui a élu Erdogan maire en 1994, et qu’il allait utiliser comme tremplin pour étendre son pouvoir. La perte d’Istanbul a même conduit ce dernier à imposer de nouvelles élections dans la ville.

« La Turquie n’a jamais permis à Chypre de bénéficier des réserves de gaz naturel dans ses eaux sans une certaine forme de confrontation, mais désormais, Ankara remet systématiquement en question le statu quo dans les régions égéenne et de la Méditerranée orientale », écrit le Foreign Policy. Et compte tenu que le président turc tend à s’éloigner d’organisations occidentales telles que l’UE et l’OTAN, tout en rapprochant de plus en plus son pays de la Russie, on ne sait pas vraiment quelles sont ses intentions réelles.

L’efficacité de l’OTAN dans la balance

La cheffe de la diplomatie de l’UE, Federica Mogherini, a déjà exprimé sa préoccupation face aux projets de la Turquie dans la région, et exhorté le pays à modérer ses ambitions. Mais cela ne devrait guère émouvoir Erdogan. Mevüt Çavuşoğlu, son ministre des Affaires étrangères, a déjà riposté en adressant un courrier à Mogherini dans lequel il affirme que le soutien de l’Union européenne à l’égard des Chypriotes grecs sous prétexte de solidarité avec ses États membres était contraire au droit international.

« En cas de conflit avéré avec la Turquie, toute hésitation de la part des alliés chypriote et grec ne ferait que renforcer les doutes quant à l’efficacité de l’OTAN », conclut le Foreign Policy.

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