La menace des Houthis redirige le trafic maritime de mer Rouge autour de l’Afrique : une première depuis 1869

Alors que la réponse militaire à la menace des Houthis se prépare, les navires marchands fuient la mer Rouge. Ils préfèrent contourner l’Afrique, comme avant le percement du canal de Suez. Un détournement du trafic maritime qui ne sera pas sans conséquences économiques.

Pourquoi est-ce important ?

Le canal de Suez, un bel exemple de chantier pharaonique qui en valait la peine. Alors que l'idée courait depuis l'Antiquité (il y a eu un canal Nil - mer Rouge à l'époque), son ouverture en 1869 a permis de réduire considérablement la durée de la navigation entre l'Europe et l'Asie. En reliant la Méditerranée et la mer Rouge, on évite de devoir contourner l'immense continent africain, comme devaient le faire les explorateurs et les marchands des siècles précédents. Mais ça, c'est quand tout se passe bien.

Plutôt le tour de l’Afrique que les risques de la mer Rouge

Ça n’était déjà pas drôle en 2021. Un porte-conteneur de 400 mètres de long avait obstrué le canal de Suez pendant six jours, perturbant grandement le trafic maritime mondial. Ça l’est encore moins maintenant avec une menace armée en mer Rouge, assez dangereuse pour inciter une réponse militaire internationale.

  • Depuis la fin novembre, les rebelles houthis, d’obédience majoritairement chiite et alliés à l’Iran, ont déclaré la guerre à Israël en solidarité avec le Hamas. Ils ont promis de s’en prendre à tout navire israélien passant en mer Rouge.
  • Dans les faits, ils semblent attaquer tout cargo passant à portée. Fin du mois dernier, ils ont véritablement pris à l’abordage depuis un hélicoptère un navire appartenant au Royaume-Uni et exploité par le Japon. Depuis, les attaques se multiplient, mais plutôt que de nouveaux détournements, ils privilégient les tirs de roquettes ou de drones explosifs.
  • Dans des eaux qui voient passer 40% du fret mondial, cela n’est pas sans conséquences. De nombreux armateurs et magnats de l’industrie refusent de risquer leurs navires et leurs cargaisons en mer Rouge. Et ce fameux raccourci creusé par des mains humaines au XIXe siècle se retrouve évité par les navires comme Charybde et Scylla.

La majorité des navires qui, en temps normal, s’engageraient dans la mer Rouge puis le canal se retrouve à opter pour la bonne vieille route maritime de Marco Polo : contourner l’Afrique par le cap de Bonne-Espérance. Un détour de 10 à 14 jours de mer, pour un cargo moderne. Délai auquel s’ajoute une consommation de carburant largement majorée.

Le domino houthis et la pyramide économique mondiale

  • Économiquement, le domino houthis entraine tout dans sa chute. C’est d’abord un immense manque à gagner pour l’Égypte. Le pays tire cinq milliards par an de droits de douane grâce au canal de Suez.
  • Mais cela pourrait aussi faire remonter des prix du pétrole qui étaient prédits à la baisse jusqu’aux premiers mois de 2024, au moins. À cause de la consommation croissante de fioul d’une part, mais aussi à cause de l’incertitude que cela crée sur le trafic des pétroliers de l’autre.
  • Enfin, cela peut mener à une augmentation globale des prix du fret maritime, à cause des trajets plus longs et des assurances plus élevées. Un peu comme lors de la reprise post-pandémique, qui avait vu le prix du container exploser.
  • Combien de temps durera la situation ? Difficile à dire. Les USA ont déjà réuni une coalition de dix pays pour intervenir militairement en mer Rouge. Et des navires français, britanniques et américains ont déployé leurs moyens d’interception des projectiles. Mais économiquement, le mal est fait.
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