La guerre en Ukraine montre une fois de plus que la Turquie est un partenaire difficile, mais surtout inévitable, pour l’Occident.
Jeudi, le président turc Erdogan n’a pas visé la Suède ou la Finlande, mais la Grèce. Il l’accuse de militariser ses îles méditerranéennes. Selon Erdogan, la Grèce a établi une présence militaire dans la mer Égée. Cela constituerait une violation des traités qui garantissent le statut non armé des îles. Le dirigeant turc fait valoir que les îles ont été cédées à la Grèce à condition qu’elles restent démilitarisées. « Je ne plaisante pas, je suis sérieux. Notre nation est déterminée », a déclaré le président truc.
Ce n’est pourtant qu’une des nombreuses controverses dans lesquelles Erdogan est trop heureux de s’impliquer. La guerre en Ukraine montre une fois de plus que sans la Turquie, l’Occident n’avance pas beaucoup.
De nombreux pays de l’OTAN maudissent le fait que, après le conflit syrien et la crise des réfugiés, Erdogan joue à nouveau les premiers rôles. Mais ils n’ont pas d’autre choix que de danser sur sa mélodie. Le président turc le sait. Il n’hésite donc pas à jouer de la position géographique exceptionnelle de son pays pour faire valoir ses propres intérêts. La Turquie a des frontières avec huit pays, dont l’Iran, l’Irak et la Syrie, et possède un total de 6.530 km de côtes.
Le blocus naval russe de l’Ukraine
La Turquie revendique désormais également un important rôle de médiateur dans la lutte pour la levée du blocus naval russe de l’Ukraine. Selon le président ukrainien Zelensky, 20 à 25 millions de tonnes de céréales sont bloquées.
La visite du ministre russe des Affaires étrangères, Sergey Lavrov, à Ankara mercredi n’a pas donné suscité beaucoup d’espoir. Comme il y avait peu de nouvelles à rapporter, la presse internationale s’est concentrée sur un fait divers : un journaliste ukrainien a demandé à Lavrov quels biens volés par la Russie en Ukraine auraient déjà pu être vendus. Lavrov a paré l’attaque comme à son habitude: ce ne sont pas les Russes, mais les Ukrainiens qui sont les éternels voleurs.
Si Moscou est clairement responsable du blocus des ports ukrainiens, Lavrov a également reproché aux Ukrainiens de ne pas être en mesure d’exporter leurs céréales. Mais la levée de ce blocus ne peut être réalisée que par la Turquie.
Malgré l’absence de progrès, il est clair que l’ouverture des ports, le déminage des côtes et l’escorte des cargos en mer Noire ne peuvent être assurés que par la Turquie. C’est le seul État de l’OTAN qui dispose de forces navales suffisantes pour sécuriser les ports ukrainiens. La Turquie a également le droit de maintenir une flotte plus importante en mer Noire pendant une période plus longue. C’est une conséquence de la convention de Montreux de 1936. Celle-ci a donné à la Turquie le contrôle du Bosphore et des Dardanelles et réglemente également les activités militaires dans la région.
Ici, l’affaire kurde n’a qu’une importance marginale
Erdogan exploite sans scrupules tous ces problèmes. Comme le montre la question de l’adhésion de la Suède et de la Finlande à l’OTAN. Cette demande est bloquée depuis des semaines afin de forcer des concessions de la part des partenaires de l’OTAN. Le président turc accuse la Suède de soutenir la guérilla du PKK et son organisation sœur syrienne. Mais la cause kurde n’a qu’une importance marginale ici. Erdogan est principalement préoccupé par l’aide en armement que les États-Unis fournissent depuis des années aux Kurdes syriens dans leur lutte contre la milice djihadiste État islamique. Ceci malgré toutes les protestations d’Ankara. Erdogan espère profiter de la situation pour obtenir le feu vert de Moscou et de Washington à une nouvelle offensive contre les Kurdes syriens. Une chose que la Russie veut faire payer cher à Erdogan.
Pourtant, Erdogan n’hésite jamais à rompre avec ses partenaires commerciaux les plus proches. Si ça peut lui apporter des avantages. Cela ne l’empêche pas non plus de se proposer comme partenaire, encore et encore. Le contrôle des frontières extérieures de l’UE en est le meilleur exemple. Là encore, les partenaires de l’OTAN n’ont d’autre choix que de donner à Erdogan ce qu’il demande.
(OD)