Êtes-vous Pfizer, Moderna ou plutôt AstraZeneca ? Comment les marques pharmaceutiques ont réussi à définir notre identité, ce que même Apple n’a jamais pu faire

Les plus grands gagnants de la crise du coronavirus sont connus. Les géants pharmaceutiques n’ont peut-être pas gagné beaucoup d’argent avec la production de vaccins. Toutefois, ce qu’ils ont perdu en raison d’une politique de prix plus conservatrice, ils l’ont récupéré plus d’une fois grâce à l’augmentation de l’actif immatériel le plus important de toute entreprise : leur marque. Après tout, les vaccins ont rendu au citoyen vacciné le bien le plus précieux : la liberté.

Pour de nombreuses entreprises, les actifs immatériels tels que la propriété intellectuelle et la valeur de la marque ont beaucoup plus de valeur que les actifs matériels tels que les bâtiments et les usines. La valeur de la marque joue donc un rôle essentiel dans la valorisation. Il est clair qu’Apple ou Google sont plus que de simples distributeurs de billets. Ce sont aussi des marques qui ont un public fidèle qui leur donne du sens.

Les marques les plus précieuses au monde

Il existe même un classement officiel qui mesure la valeur de chaque marque en dollars. Il est réalisé par Interbrand, un cabinet de conseil anglais qui aide les entreprises sur leur stratégie de marque.

Il ne surprendra personne que cette liste soit menée par Apple – avec une valeur de marque estimée à 322 milliards de dollars – suivie par Amazon, Google, Microsoft et Samsung. Des marques telles que Mercedes, Nike, Tesla mais aussi Spotify figurent dans cette liste.

Les entreprises pharmaceutiques en plein marasme

Ce qui frappe d’emblée, cependant, c’est qu’une seule marque pharmaceutique figure dans le top 100 : Johnson & Johnson. L’industrie pharmaceutique a mauvaise presse depuis des années, car le coût des soins de santé dans la plupart des pays occidentaux a dérapé et devient progressivement inabordable. Avec le vieillissement de la population, ce défi budgétaire va encore s’accroître. Une partie de la responsabilité est déjà imputée à ce qu’on appelle péjorativement le Big Pharma.

Qui ne se souvient pas de l’émeute autour du traitement de la petite, produit par Zolgensma, qui a coûté la bagatelle de 1,9 million d’euros, et de la réaction frénétique du suisse Novartis qui n’a rien trouvé de mieux que d’organiser une loterie pour éviter que son nom ne soit encore plus traîné dans la boue ?

Critiques légitimes et injustifiées

La critique est en partie justifiée, d’autant plus que l’industrie pharmaceutique n’hésite pas à encourager les médecins à prescrire des médicaments. En Belgique, chaque citoyen dépense 3.550 euros par an pour les soins de santé, dont près de 600 euros pour des médicaments. Il est clair qu’il s’agit d’un marché lucratif.

D’autre part, l’industrie pharmaceutique a manifestement raison lorsqu’elle affirme que l’innovation et le développement de produits coûtent très cher et que les plus grandes entreprises pharmaceutiques occidentales sont des sociétés privées où la maximisation du profit est centrale.

Cependant, la crise du Coronavirus a réussi à effacer temporairement toutes ces critiques et à rafraîchir complètement la réputation du secteur. Les géants pharmaceutiques se sont soudainement débarrassés de leur mauvaise image, celle des profits aux dépens du contribuable.

Le Coronavirus, médicament miracle pour la réputation de l’industrie pharmaceutique

Pour tous ceux qui ont déjà reçu un vaccin, la visite dans le centre de vaccination a été un véritable plaisir. Ce qui frappe le plus, c’est l’ambiance formidable et le professionnalisme qui y règnent. Tout se passe bien et les bénévoles sont pleins d’enthousiasme pour aider leurs semblables. Tout est gratuit et tout le monde est poli avec beaucoup de bienveillance, autant de qualités qui nous font cruellement défaut dans la société trépidante d’aujourd’hui.

L’euphorie de la vaccination

L’expérience est telle que plusieurs chroniqueurs parlent d’euphorie vaccinale, un rush qui survient après plus d’un an de quarantaine obligatoire, comme si l’on s’était échappé d’une prison. Après tout, ces clichés nous rendent à tous le plus grand bien que nous connaissons dans la société post-industrielle : la liberté. La liberté de retourner dans la rue, de profiter des choses simples de la vie dans un restaurant, mais aussi la liberté de voyager. La liberté est le bien immatériel le plus élevé pour chaque individu. Pour les entreprises pharmaceutiques, cela se traduit par l’augmentation exponentielle de leur propre actif immatériel : leurs marques.

Les marques pharmaceutiques comme des tatouages

Aux amis et à la famille, nous ne demandons pas s’ils ont été vaccinés. Non, nous leur demandons s’ils sont Pfizer, Moderna ou plutôt AstraZeneca, ce que nous ne ferions même pas si nous sondions la marque de leur PC. Nous n’avons jamais demandé à quelqu’un s’il était Apple ou Dell, même si ces marques sont parmi les plus fortes au monde.

Qui aurait imaginé que nous commencerions à nous adresser les uns aux autres par les noms de marque de certaines entreprises milliardaires, qui jusqu’à très récemment étaient dans le marasme ?

Il n’y a pas encore Pfizer ou Moderna sur le bras de cette femme, mais l’impression que le vaccin a faite sur la psyché humaine peut être prise au pied de la lettre.

Jamais, aussi longtemps que vous vivrez – comme si un tatouage était gravé dans votre cerveau – vous n’oublierez à qui vous devez votre liberté. Ni Alexander De Croo ni Frank Vandenbroucke – qui en reçoivent un peu trop peu de mérite, il faut le dire – n’y sont parvenus mais Pfizer, Astrazeneca, Moderna et J&J. Tous – oh ironie – parrainés avec l’argent du contribuable. Une très belle affaire.


L’auteur Xavier Verellen est actif dans l’industrie de l’Internet des objets. Son premier livre, Human Park, sortira bientôt.

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