En Wallonie, le MR ne peut pas se permettre la particip-opposition

Juin 2017: le cdH lâche le PS et choisit de remplacer son partenaire par le MR. Le PS et Paul Magnette l’avaient logiquement très mal vécu à l’époque. Quatre ans plus tard, les socialistes et Ecolo songent néanmoins de plus en plus à faire vivre au MR le même sort. La bonne ambiance au sein de la majorité wallonne est révolue. La division affichée au sein des libéraux suite au vote en force du décret fiscal de Jean-Luc Crucke (MR) ouvre la tentation de la particip-opposition.

Dans l’actu: le MR se réunit ce lundi pour un bureau de parti qui va chauffer.

Le détail: Crucke est toujours en danger.

  • Le calme après la tempête ? Pas vraiment. Vendredi, après de longues discussions et des sourires crispés, le ministre des Finances wallon est parvenu à faire passer son décret. Jean-Luc Crucke a joué le tout pour le tout en mettant sa démission dans la balance. Les députés libéraux et le président Georges-Louis Bouchez ne pouvaient se permettre de porter le poids d’une crise gouvernementale. Ils ont accepté de voter le texte alors que les amendements apportés étaient dérisoires et d’ordre technique.
  • Le président du MR ne l’a pas nié ce week-end sur RTL-TVi: « Le MR a voté ce texte, sans enthousiasme, car il fallait préserver la stabilité du gouvernement. » Il n’en demeure pas moins remonté contre le ministre Crucke qui pour lui l’a joué solo: « Être ministre, c’est un honneur que l’on tient grâce à sa famille politique. On n’est pas élu ministre, on est désigné. »
  • Dans les faits, les députés libéraux wallons appuyés par Bouchez tentent depuis longtemps de faire entendre raison au ministre du Budget. Mais ce décret pour « une fiscalité plus juste » est le bébé politique du ministre wallon, qui veut marquer cette législature de son empreinte. Il a déjà affirmé qu’il ne comptait pas en rester là et prévoit d’autres textes, ce qui n’est pas l’option envisagée par Bouchez.
  • Ce lundi, ce sera la grande explication. « On ve se dire les choses », témoigne un libéral en coulisses. Le chef de groupe des députés Jean-Paul Wahl estime lui « que cette séquence va laisser des traces ».
  • On comprend dans les propos du président du MR que le ministre Jean-Luc Crucke est en danger: « Tous ceux qui travailleront dans un esprit d’équipe, dans la défense de l’intérêt général et en particulier dans l’intérêt des classes moyennes, auront ma confiance. La confiance, ce n’est pas un chèque en blanc, ça se gagne au quotidien. »
  • D’autres comme Daniel Ducarme, sur DH Radio, apportent leur soutien: « Certains ont fait tourner la musique que Jean-Luc Crucke était moins libéral que les autres. Jean-Luc Crucke, c’est surtout un libéral qui est soutenu au-delà du MR, par la population. Il est troisième derrière nos deux vices-premiers dans les sondages. »
  • L’ancien rival de Bouchez à la présidence dit « avoir mal à son parti », et est heurté d’avoir vu « ses amis du mouvement qui se confrontaient publiquement », ajoutant que « le MR n’est pas divisé mais bien un peu tendu ce matin. » 

L’essentiel: Bouchez ou la tentation de reprendre la main.

  • Deux lignes s’opposent au sein du MR et on sait clairement de quel côté sont Bouchez et les députés wallons. Le président va-t-il aller jusqu’à retirer sa confiance à son ministre ? Cela alimenterait une nouvelle crise. Si le MR a fini par accepter le décret, c’est justement pour l’éviter.
  • Ceci dit, le président du MR pourrait profiter de cette séquence pour réaffirmer la ligne du parti et s’immiscer dans la politique wallonne qui lui échappait jusque-là. Le Montois pourrait alors adopter sa stratégie de la particip-oppostion qu’il mène au fédéral: louer les réformes qui vont dans le sens du parti et rejeter les réformes portées par les autres partis de la majorité (nucléaire, réforme fiscale, etc.).
  • Sauf que cette stratégie a ses limites en Wallonie: le MR est bien plus indispensable au fédéral qu’il ne l’est en Wallonie. Ecolo et le PS pourraient même se permettre de gouverner à deux ou d’intégrer le cdH pour assoir leur majorité de substitution. Alors que l’échelon wallon avait jusque-là pu éviter les disputes de majorité, les Etats-majors écologistes et socialistes réfléchissent à cette possibilité. Une épée de Damoclès sur les potentiels futurs débordements.
  • En Wallonie, le MR devra jouer les équilibristes : entre affirmer ses fondamentaux, recadrer son ministre, tout en ne se fâchant pas trop avec ses deux autres partenaires. Des partenaires qu’a tenté de ménager Bouchez sur RTL-TVi : « Le MR a toujours respecté et respectera toujours ce qui est conclu dans l’accord de politique régionale. Nous travaillons dans le respect de nos partenaires (…). Elio Di Rupo a été d’une correction exemplaire. À ce titre, il mérite parfaitement son poste de ministre-président. »

Et de futurs débordements potentiels, il y en aura, à commencer par le vote du budget avant la fin de l’année par le même ministre Crucke. Les finances wallonnes sont plus mauvaises que jamais. La crise sanitaire couplée aux inondations a plongé les comptes dans le rouge. Il est nécessaire de faire un effort budgétaire pour le reste de la législature sans les finances par de nouvelles taxes. Une équation qui nécessite donc moins de dépenses, ceci en plein contexte de relance. Bonne chance.

Le bureau de parti

Comme prévu, le MR n’a pas voulu afficher de divisions à la sortie du bureau de parti. Le ministre Crucke reste en place mais ressort certainement affaibli. Une tempête surtout médiatique, comme le suggèrent certains libéraux? Les commentaires off the record dans la presse de ces derniers jours montrent l’inverse: il a bien été question de crise au sein du parti.

Le bureau de parti a décidé de lancer une nouvelle procédure formelle en cas de litiges au sein du parti: Willy Borsus, vice-président du gouvernement wallon Ministre de l’Économie devra, devra au préalable être consulté, rapporte la RTBF.

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