Des grèves contre notre prospérité

Les syndicats du rail ont annoncé quatre jours de grève pour novembre et décembre, sous forme de deux grèves de 48 heures. Les syndicats demandent « l’arrêt de l’augmentation de la productivité au détriment du personnel ferroviaire ». C’est en soi assez étrange : le rail belge n’est pas vraiment reconnu pour sa qualité, son efficacité et sa productivité, et pourrait bien bénéficier d’une amélioration de ce dernier point. Et dans un contexte plus large, cela devient encore plus étrange, car l’amélioration de la productivité est pratiquement le seul facteur qui pourrait renforcer notre prospérité dans les décennies à venir.

Qualité insuffisante sur les rails

Nous avons un réseau ferroviaire bien développé dans notre pays. Selon la dernière analyse du Forum économique mondial (WEF), la Belgique est à la quatrième place en termes de densité du réseau ferroviaire à l’échelle mondiale. Cependant, en termes d’efficacité des services ferroviaires, nous ne sommes qu’à la 36ᵉ place. Et cela est certainement insuffisant par rapport au budget que nous consacrons au rail. Les analyses à ce sujet sont plus difficiles à trouver, mais Boston Consulting a régulièrement publié un « indice de performance ferroviaire » pour l’Europe jusqu’en 2017, qui pouvait être comparé aux dépenses publiques pour le rail.

Leur dernière analyse a montré que nous dépensons beaucoup pour le rail en Belgique. Seuls la Suisse, l’Autriche et le Luxembourg déboursent plus. En revanche, en Belgique, la qualité n’est que moyenne. Dans de nombreux pays, dont l’Allemagne, la France, les Pays-Bas et les pays scandinaves, la qualité du rail est supérieure, tandis que les dépenses publiques sont inférieures. Il est peu probable que nous ayons beaucoup progressé dans ce type d’analyses depuis 2017. Une véritable réflexion sur l’efficacité et la productivité est nécessaire. De fortes réactions syndicales à des petites avancées vers plus d’efficacité rendent cela très difficile.

La productivité est le moteur de notre prospérité

La productivité est parfois perçue négativement, probablement parce qu’elle est souvent interprétée comme « travailler plus dur ». En réalité, il s’agit plutôt de travailler plus intelligemment : produire davantage avec le même nombre (ou moins) de personnes. Un exemple frappant est notre agriculture. Elle produit aujourd’hui beaucoup plus qu’il y a 100 ans avec beaucoup moins de personnes. Et ce n’est pas parce que les agriculteurs travaillent plus dur, mais plutôt parce qu’ils disposent de meilleures machines, de meilleurs engrais, de meilleures graines, d’une meilleure planification… Un processus similaire est en cours dans toute notre économie et est au cœur de notre prospérité. De plus, pour augmenter cette dernière, une croissance continue de la productivité est essentielle.

Une activité économique accrue, et donc une plus grande prospérité, peut être obtenue en faisant travailler davantage de personnes (ou plus longtemps) ou en augmentant leur production par personne (ou par heure travaillée – c’est-à-dire leur productivité). Étant donné que le nombre de personnes en âge de travailler dans notre pays va diminuer dans les années à venir, et compte tenu de l’attention croissante portée à l’équilibre entre travail et vie personnelle, qui s’accompagne généralement d’une préférence pour travailler moins, la croissance future de la prospérité dépendra principalement de l’augmentation de la productivité. Concrètement, tout ce que nous voulons réaliser dans les décennies à venir en termes de salaires plus élevés, de pensions et d’allocations plus élevées, d’investissements supplémentaires, de réduction du temps de travail… devra être financé par une augmentation de la productivité.

Miser sur une croissance plus forte de la productivité

La croissance de la productivité dans notre pays ralentit depuis des décennies. Si nous ne parvenons pas à inverser cette tendance dans les années à venir, notre prospérité risque de diminuer à long terme. Nous pourrions alors avoir du mal à maintenir notre État-providence actuel. Nous devons donc davantage miser sur une croissance plus forte de la productivité, dans l’ensemble de notre économie (y compris au sein du gouvernement). La digitalisation est prometteuse pour réaliser d’importants gains, mais cela ne se fera pas tout seul et nécessitera de grands changements dans notre économie. Bloquer ces changements nuira à notre prospérité future. Faire la grève contre l’augmentation de la productivité revient simplement à faire la grève contre notre prospérité.


L’auteur Bart Van Craeynest est le chef économiste de Voka et l’auteur de « België kan beter« 

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