De plus en plus de signes de relâchement de la main de fer sur la tech chinoise apparaissent, mais un revirement de la politique est-il vraiment possible?

Au cours des 18 derniers mois, Pékin a imposé diverses restrictions à ses entreprises technologiques. Depuis quelques semaines, des signes de relâchement apparaissent. Mais selon des experts, le secteur ne pourra jamais plus retourner à la situation d’avant.

Depuis la fin 2020, la Chine rend la vie dure à son secteur technologique : lois antitrust, protection des données (que la Chine considère comme un enjeu de sécurité nationale), limitation des entrées en bourse, voire demandes de partage des détails des algorithmes. Ces mesures ont fait perdre l’équivalent de 2.000 milliards de dollars aux entreprises de la tech. Pékin estimait que les plateformes du numérique avaient trop de puissance.

Avec ces différentes régulations, des géants comme Alibaba et Tencent se sont vite trouvés mal en point, surtout sur les marchés boursiers étrangers où ils sont cotés. Les investisseurs se sont vite débarrassés de leurs actifs et les cours des actions ont chuté depuis.

Sauf que ces entreprises ont un apport économique important pour l’Empire du Milieu, et le pays pourrait en ce moment, en plein ralentissement à cause de la crise sanitaire, avoir besoin d’un coup de pouce. Pékin commence alors tout doucement à lâcher les rênes. Dans cette optique, des dirigeants chinois ont tenu une réunion avec des représentants du secteur de la tech mardi. Après la réunion, le vice-premier ministre Liu He a annoncé vouloir « soutenir le développement sain de l’économie des plateformes » et soutenir leurs entrées en bourse à l’étranger, jusque-là fortement contraintes, rapporte Reuters.

Ce signe de relâchement fait écho à un signe précédent : après une récente réunion du Politburo, un des principaux organes derrière les décisions politiques, le président Xi Jinping annonçait aussi vouloir soutenir le « développement sain ». Ainsi, les signes pour un relâchement de la main de fer commencent à s’accumuler, mais pour des experts, il ne faut pourtant pas se leurrer : la Chine ne rendra pas la liberté d’avant aux entreprises.

Pas de retour en arrière

« Je pense que les grandes entreprises technologiques auront une période de grâce pendant les six prochains mois peut-être », explique l’analyste spécialisé dans la tech Linghao Bao, de Trivium China, sur les ondes de CNBC. « Cependant, il ne s’agit pas vraiment d’un revirement sur la répression technologique, les perspectives à long terme n’ont pas encore changé. Parce que Pékin est déjà arrivé à la conclusion que c’est une mauvaise idée de laisser les grandes entreprises technologiques se déchaîner, car cela crée une concurrence déloyale sur le marché… la richesse sera concentrée au sommet et commencera à influencer la politique. »

Pour Charles Mok, chercheur invité au Global Digital Policy Incubator de l’université de Stanford, le mal est déjà fait, et il sera très difficile, voire impossible, de retourner la confiance des investisseurs étrangers. « Même s’il y a des revirements, il sera peut-être trop tard pour réparer les dégâts. Par exemple, même s’ils autorisent davantage de cotations à l’étranger, la confiance des investisseurs est déjà perdue, et l’examen minutieux et l’hostilité du marché étranger ne peuvent pas non plus être inversés », s’exprime-t-il, cité par le média économique américain.

Il ne croit pas non plus que la forte régulation du secteur va s’arrêter, notamment car les motivations derrière n’ont pas changé, comme le contrôle des données qui sortent du pays. L’expert ne mâche pas ses mots, et compare la politique de régulation à celle mise en place contre le covid : « Cela semble très similaire aux débâcles auxquelles ils sont confrontés avec le zéro-Covid. Vous savez que c’est mal, mais vous ne pouvez pas l’admettre, vous ne pouvez pas faire marche arrière, et vous ne pouvez que faire semblant et espérer que tout ira bien ».

Les marchés ont tout de même bien accueilli les annonces de Liu He, dans un premier temps. Mardi, les actions technologiques chinoises ont pu profiter de quelques hausses. De son côté, la banque JP Morgan estime que les risques ont « diminué ». Elle a d’ailleurs amélioré ses estimations pour certains acteurs numériques. Reste à voir quel jeu la Chine joue vraiment : veut-elle donner un véritable soutien au secteur (et à son économie en général), ou veut-elle renflouer les caisses, via des belles promesses, le temps de passer la crise actuelle, et ensuite laisser tomber les relâchements?

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