En septembre, l’Inde recensait près de 100.000 cas de coronavirus par jour. Aujourd’hui, les chiffres fluctuent entre 10.000 et 15.000 cas. Le pays n’a pourtant pas confiné sa population pendant cette période. Alors quel est le secret du deuxième pays le plus peuplé du monde ?
L’Inde, contrairement à de nombreux pays du monde, n’a connu qu’une seule et même grande vague de contaminations au Covid-19. Elle a débuté en avril avec 1.000 cas quotidiens annoncés. Et le pays a atteint son apogée en septembre 2020 avec près de 100.000 cas de coronavirus chaque jour. Aujourd’hui, la situation n’est pas totalement maîtrisée, mais le nombre de contaminations oscille entre 10.000 et 15.000 cas, soit près de 10 fois moins qu’il y a 6 mois.
Le plus étrange est que l’Inde a confiné sa population en avril. Dès juin, le pays a commencé à déconfiner avec une fin totale des restrictions en septembre. Depuis, la population n’a plus connu de règles aussi strictes : seuls la distanciation sociale et le port du masque sont obligatoires. Toute l’économie a rouvert et il est possible de voyager dans tout le pays, mais pas à l’étranger.
Immunité de groupe ?
Plusieurs experts pensent que cette baisse est peut-être due à une immunité de groupe qui s’est formée dans la population, principalement dans les grandes villes. Il y a en effet eu un grand nombre de personnes exposées à ce virus, qui ont pu créer des anticorps. Au moins 11 millions d’Indiens ont été testés positifs au coronavirus, dont 150.000 sont morts. Cela laisse tout de même 950.000 personnes qui peuvent être immunisées.
Le Conseil indien de la recherche médicale (ICMR) a réalisé des tests sérologiques dans la population. En août dernier, le taux de personnes avec des anticorps n’étaient que de 6 à 7%. En janvier, ce nombre avait plus que triplé, atteignant 22% d’Indiens immunisés. Cette augmentation est impressionnante, et dans les grandes villes, cette immunité aurait pu ‘considérablement réduire’ le nombre de contaminations, selon le Dr Hemant Shewade, spécialiste de la médecine communautaire.
Mais cela n’est pas suffisant pour parler d’une immunité de groupe. Pour cela, il faudrait que 60% de la population soient protégés par des anticorps résultant d’une infection précédente ou d’un vaccin.
Pour l’instant, près de 12 millions de doses ont été administrées, selon les chiffres de Bloomberg. Cela ne représente même pas 1% de la population. En outre, la vaccination n’a commencé que début janvier. Cela n’explique donc pas pourquoi les chiffres ont tant baissé à la fin de 2020.
‘L’immunité collective n’est pas quelque chose que nous pouvons envisager pour tout le pays’, explique Shahid Jameel, virologue et directeur de la Trivedi School of Biosciences de l’Université Ashoka. Ce sont les grandes villes qui sont bien plus protégées que les zones plus rurales.
Population jeune
Une autre théorie, utilisée également en Afrique, est que la population indienne est composée majoritairement de jeunes. 50% de la population a moins de 28 ans. Comme le Covid-19 est une maladie qui provoque des formes graves chez les personnes âgées, il est possible que de nombreux jeunes n’aient pas été comptabilisés. S’ils font une forme asymptomatique, ils n’iront pas se faire tester et n’entreront pas dans les chiffres publiés par le gouvernement. Le virus circulerait donc bien plus qu’on ne le pense.
En outre, le nombre de tests effectués en Inde a quelque peu baissé récemment. Plus de 10.000 tests étaient effectués chaque jour dans les derniers mois de 2020, selon Covid19India qui recensent les chiffres officiels. Aujourd’hui, il n’y a pas plus de 8.000 tests quotidiens.
Immunité innée ?
Il existe enfin un dernier facteur, appelé ‘l’hypothèse de l’hygiène’, explique Jameel à CNN. Selon cette théorie, les pays où l’hygiène est extrêmement présente, le système immunitaire est moins fort, moins combatif. Il peut donc être victime plus facilement d’un nouveau virus. Mais dans les pays où l’hygiène est encore très difficile, la population possède une certaine immunité innée. Cela pourrait empêcher les formes de Covid-19 sévères.
En outre, bien qu’il s’agisse du deuxième pays le plus peuplé du monde, dans les zones rurales, les citoyens ont de l’espace. ‘Environ 70% des Indiens vivent dans des zones rurales, où vous constaterez que la ventilation est meilleure et les bulles des gens sont plus petites’, indique Raman Gangakhedkar, ancien scientifique en chef de l’épidémiologie et des maladies transmissibles à l’ICMR. Dans ces régions, la population ne prend pas les transports en commun, reste beaucoup dans leur village et ne côtoie au final que peu de gens. Il est donc possible que les infections aient surtout circulé en ville et que les villages soient pour l’instant épargnés.