A-t-on sous estimé l’Afrique dans sa gestion de la crise du coronavirus?

Dès que l’épidémie a été classée comme pandémie, tous les yeux se sont braqués sur l’Afrique. Si les riches pays d’Europe, d’Asie et d’Amérique ne pouvaient pas ‘survivre’ à une telle crise, comment le pourraient les pauvres pays africains? Et pourtant aujourd’hui, le continent semble relativement bien s’en sortir.

Souvenez-vous: mi-mars, l’OMS tirait la sonnette d’alarme sur la catastrophe sanitaire qu’allait provoquer le coronavirus en Afrique. L’Organisation mondiale de la Santé demandait aux pays africains de se préparer au pire le plus rapidement possible. La banque mondiale et le FMI se sont même réunis pour apporter une aide financière aux États. Un moratoire sur la dette a même été annoncé dans la foulée.

Mais près de deux mois plus tard, la catastrophe annoncée n’a pas eu lieu. 63.015 cas de coronavirus ont été détectés sur le continent africain. 2.283 personnes en sont mortes. Il peut y avoir des doutes sur la justesse de ces chiffres, mais les autres continents n’y échappent pas non plus. L’épidémie reste sur papier beaucoup moins importante qu’aux Etats-Unis, qu’en France ou qu’en Italie. 3 pays pourtant bien plus petits que l’Afrique.

Gestion de la crise

Peut-on donc en conclure que les autorités des 54 pays d’Afrique ont mieux géré la crise sanitaire que chez nous?

Un lockdown rapide

Quand les États africains ont vu les ravages du covid-19 en Europe et en Asie, ils ont vite pris les devants. Dès la mi-mars, la plupart des pays ont fermé leurs frontières pour éviter que le virus n’entre sur leur territoire. Certains ont aussi fermé les écoles. D’autres ont interdit les rassemblements religieux. Les mesures d’hygiène ont aussi été renforcées.

Cela n’a pas empêché que le virus ne fasse son apparition dans 53 des 54 Etats du continent. Les zones les plus touchées comme l’Afrique du Sud, l’Egypte ou la Tunisie ont dû mettre en place un confinement plus strict.

Une meilleure préparation

L’Afrique n’en est pas à sa première épidémie. En 2014 et 2015, elle a dû faire face à une importante épidémie d’Ebola, un virus bien plus mortel que le SRAS-Cov-2. Les services sanitaires, même s’ils sont peu développés, connaissent par cœur les mesures de sécurité: mise en quarantaine des patients atteints et précautions prises lors des soins. Même la communication avec la population a aussi été améliorée pour promouvoir les gestes barrières qui évitent la propagation de la maladie.

La crise sanitaire provoquée par Ebola a permis aussi aux gouvernements africains de mieux évaluer les capacités de réponses lors d’une épidémie. En 5 ans, ils ont pu ainsi développer les services de soin de santé. 35 pays ont d’ailleurs fait appel à l’OMS pour les aider.

A contrario, la peur de services de soin de santé de moindre qualité a aussi pu jouer un rôle. À l’instar des pays de l’Europe centrale et orientale, moins touchés par la pandémie, la peur de se faire contaminer a pu provoquer des réflexes de prudence.

Entre-aide

Lorsque la pandémie a été déclarée, l’Organisation mondiale de la santé a directement apporté son aide aux pays africains pour que des mesures préventives soient mises en place. Ainsi des messages radios et télévisés ont été diffusés pour renseigner le public sur la maladie et sur les règles à respecter pour éviter la propagation. Des milliers de tests et du personnel de santé ont aussi été envoyés.

Les pays se sont habitués à collaborer et à s’entre-aider, au contraire de l’Europe et des Etats-Unis qui ont eu parfois des comportements bien égoïstes. Ainsi en Afrique, les régions les moins touchées aident celles qui sont fortement contaminées en leur donnant des masques ou en prêtant leur laboratoire pour faire les tests. La coopération scientifique fonctionne aussi très bien pour tenter d’apporter un vaccin ou un traitement le plus rapidement possible.

Un environnement favorable

Toutefois, même si les pays ont réagi tôt et qu’ils ont pu compter sur l’aide d’organisations internationales pour être mieux préparés au choc, ce sont aussi des facteurs extérieurs qui ont permis d’éviter une terrible crise.

Une population jeune

Dans l’épidémie de covid-19, ce sont les personnes de plus de 60 ans qui sont particulièrement vulnérables. Cela explique en partie que des pays comme l’Italie, avec un âge médian de 45,1 ans, ou l’Espagne, où la moitié de la population a plus de 42 ans, soient particulièrement touchés par la maladie.

Tout le contraire de l’Afrique. En 2015, 41% de la population du continent avait moins de 14 ans, selon les chiffres des Nations Unies. Et l’espérance de vie de la population ne monte pas au-dessus des 65 ans, selon l’Institut national d’études démographiques situé en France.

Les jeunes, même s’ils sont atteints pas le virus, réagissent beaucoup mieux et risquent moins de faire des complications. Il est d’ailleurs fortement possible qu’il y ait une sous-estimation du nombre de cas, car la plupart des malades seraient en réalité asymptomatiques.

Une densité de population plus faible

Plus il y aura de personnes sur une petite superficie et plus le virus pourra se propager. C’est pour cette raison que le respect de la distanciation sociale est important. Des foyers de covid-19 vont plus facilement se former dans des villes densément peuplées, explique l’OMS.

En Afrique, il y en moyenne 40 habitants au km². Évidemment dans certaines villes en Afrique du Sud, en Égypte, au Maroc ou en Algérie, la densité de population est entre 50 fois et 200 fois plus élevée. Ce sont d’ailleurs ces pays qui sont les plus touchés par le virus.

En comparaison, l’Italie compte 200 habitants au km², en Espagne, ils sont 93 par km² et en Belgique, 374 personnes vivent sur le même km².

Moins de déplacements

Outre le fait que la plupart des pays ont fermé leur frontière, les Africains voyagent aussi beaucoup moins que les Européens, les Asiatiques ou les Nord-Américains. Cela a permis d’éviter qu’un trop grand nombre de voyageurs ne ramènent le virus dans leur pays après avoir visité la Chine, l’Italie ou les États-Unis.

Risques liés au coronavirus

L’Afrique semble rassembler de nombreux avantages pour éviter une importante épidémie de coronavirus sur le continent. Cependant, la situation socio-économique est bien plus précaire.

La santé de la population est beaucoup plus fragile à cause d’autres maladies comme le VIH qui sévit toujours énormément sur le continent ou à cause de la famine, notamment en Afrique Australe où 45 millions de personnes risquent de manquer de nourriture cette année.

La pauvreté est aussi un problème qui va être exacerbé par le coronavirus. Certaines personnes vont perdre leur travail, car les entreprises seront fermées ou car le tourisme se sera effondré. Avec des conséquences en chaîne: ils ne pourront plus s’acheter de nourriture et n’auront plus accès aux soins de santé.

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