La semaine dernière, l’histoire s’est écrite sur les marchés pétroliers, puisque pour la première fois le prix du baril de brut WTI (West Texas Intermediate) est passé sous zéro. Et cela a des conséquences pour les pays producteurs, notamment la Russie qui tire plus de 30% de son PIB des exportations de pétrole et de gaz.
Les prix du pétrole devraient rester bas au moins jusqu’à la fin du mois de juin. La crise provoquée par le Covid-19 a réduit la demande mondiale de 30%. Cela a entraîné un manque d’espace de stockage disponible, qui a fait s’effondrer les prix. Il y a tout simplement trop de pétrole pour le moment. L’accord ‘historique’ de l’OPEP+, visant à réduire la production, n’a pas non plus fait grande impression sur les marchés.
Ce qui s’avérait être au départ une stratégie astucieuse semble maintenant se retourner contre les Russes. Début mars, Moscou avait annoncé qu’elle ne répondrait pas à la demande saoudienne de réduire davantage la production afin de stimuler les prix déjà bas. Le prix du baril de pétrole brut avait immédiatement plongé de 10%.
En inondant les marchés de pétrole bon marché, les Russes voulaient surtout frapper les États-Unis. Une période prolongée de prix bas – la seule stratégie pour remettre l’économie mondiale sur les rails une fois l’épidémie de coronavirus sous contrôle – profiterait en effet à l’Arabie saoudite, qui représente deux tiers de la production de l’OPEP, et à la Russie sur le long terme. Tout simplement parce que leurs coûts de production par baril sont beaucoup plus faibles qu’aux USA. Une stratégie élaborée, qui semble maintenant se retourner contre la Russie.
Brut de l’Oural
Le prix du pétrole russe – le brut de l’Oural – est déterminé sur la base du Brent, et non sur celle du West Texas Intermediate, qui est une variante moins chère. Le Brent résiste raisonnablement bien pour l’instant, mais la Russie souffre bien sûr du malaise général sur les marchés pétroliers.
Le pétrole brut de l’Oural est à un peu moins de 2 dollars en dessous du prix du baril de Brent. C’est le niveau le plus bas depuis 1999, lorsque Vladimir Poutine est arrivé au pouvoir. Bien que cette évolution ait un impact significatif sur le Trésor russe, la situation n’est pas non plus catastrophique. Le budget russe est établi sur la base de la hausse des prix du pétrole. Lorsque le baril vaut 50 dollars, l’État prélève une taxe interne de 50%. Si ce prix tombe à 25 dollars, alors cette taxe descend à 24%, selon les calculs d’Ernst & Young. Chaque dollar de moins sur un baril de pétrole engendre un trou de 1,5 milliard d’euros dans le budget russe. Et celui-ci est à l’équilibre quand le baril de brut de l’Oural vaut 50 dollars.
Le fonds d’État russe NWF sert de tampon
La question est donc de savoir combien de temps la Russie peut-elle survivre avec un baril à 10 dollars. Et bien, Moscou n’a pas à s’inquiéter. Au fil des ans, une réserve financière a été constituée sous la forme d’un fonds d’État. Ce fonds national russe (NWF) contient quelque 130 milliards d’euros de liquidités, tandis que le pays dispose également de 500 milliards d’euros en or et en devises étrangères.
Selon le ministre russe des Finances, Anton Siluanov, le pays peut s’en sortir avec les prix actuels du pétrole jusqu’en 2024. Même si les prix n’augmentent pas au cours des 24 prochains mois, le fonds souverain russe constituera toujours un tampon suffisant.
Pourtant, le pays prend ses précautions. Suite à la crise du Covid-19, le pays dépense beaucoup moins en mesures de soutien que les pays occidentaux: 2,5% du PIB. Ce chiffre est à comparer aux 11% des États-Unis et aux 4% en moyenne de l’UE.
Vladimir Poutine veut éviter que le Trésor russe ne soit vide en 2024, lorsqu’il entamera un cinquième mandat ou qu’il laissera le pouvoir à son successeur. La crise de 2008 a servi de leçon…
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