Branle-bas de combat en Italie: pourquoi le « yacht de Poutine » risque de filer entre les doigts de la police

Au cœur d’une enquête menée par la police italienne, le superyacht « Scheherazade » se préparerait à reprendre la mer après plus de huit mois d’immobilisation. Il est soupçonné d’appartenir à Vladimir Poutine lui-même, mais sans preuve formelle, impossible de le retenir plus longtemps en Italie.

Long de 140 mètres, le Scheherazade fait partie des plus grands et des plus luxueux yachts du monde. Et aussi l’un des (si ce n’est LE) plus mystérieux dans sa catégorie: son propriétaire est inconnu. Depuis le mois de septembre de l’an dernier, il est amarré au chantier naval de Marina di Carrara, en Toscane.

Depuis son arrivée en Italie, les rumeurs vont bon train. Certains ont entendu parler russe à bord, et ils ne se sont pas trompés. De l’aveu de son capitaine (Guy Bennett-Pearce, britannique), environ 70% du Scheherazade est russe. En outre, lors des deux derniers étés, le superyacht a navigué vers Sotchi. D’aucuns en concluent que son propriétaire vient lui aussi de Russie.

D’après des militants proches d’Alexei Navalny, c’est le président russe lui-même qui en est le propriétaire. À Marina di Carrara, les habitants en sont eux aussi convaincus: ils surnomment le Scheherazade « le yacht de Poutine ». Mais son capitaine le nie farouchement, assurant ne l’avoir jamais rencontré ni même vu. En revanche, Guy Bennett-Pearce n’exclut la possibilité que le propriétaire soit russe, mais il refuse d’en donner l’identité car il dit être soumis à un « accord de non-divulgation étanche » que lui et l’équipage du navire auraient été tenus de signer.

Une enquête « très complexe »

Début mars, la police financière de Marina di Carrara a ouvert une enquête au sujet du Scheherazade. Si la rumeur qui le prête à Poutine semble folle, les autorités veulent tout de même la vérifier. Et si ce n’est pas le président russe lui-même qui en est le propriétaire, cela pourrait être un autre oligarque sanctionné par l’Union européenne vis-à-vis de la guerre en Ukraine. Auquel cas la police italienne devrait le saisir.

Deux mois plus tard, le mystère n’a toujours pas été résolu. Une source de la police financière a déclaré que l’enquête était « très complexe » en raison d’un réseau de sociétés qui dissimuleraient le véritable propriétaire du superyacht, rapporte le Guardian.

Or, le temps presse. Remis en état dans le chantier naval toscan depuis septembre, le Scheherazade devait normalement reprendre la mer en 2023. Ce qui laissait encore de nombreux mois aux policiers italiens pour terminer leur enquête. Mais d’après le New York Times, le navire a été sorti de la cale sèche et mis à l’eau ce mardi. Ce qui annonce, a priori, un départ imminent.

Voilà les enquêteurs lancés dans une course contre la montre. Tant qu’ils n’ont pas pu déterminer l’identité de son propriétaire, le Scheherazade est libre de quitter l’Italie comme bon lui semble. Et de possiblement revenir en Russie (ou dans un autre pays plus sûr), où il sera évidemment hors d’atteinte.

Notons enfin que d’après une enquête du journal italien La Stampa, le superyacht appartiendrait à un certain Eduard Khudainatov, ami de Poutine. Ancien président de la société pétrolière étatique russe Rosneft. Un oligarque qui, lui, ne figure pas sur la liste des sanctions occidentales.

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