Ce vendredi, un centre de recherche de l’OMS a décidé de classer l’aspartame parmi la liste des produits « potentiellement cancérogènes ». Une décision à priori très embêtante pour le lobby de cet édulcorant. Et pourtant, il s’en réjouit. Décryptage.
Dans l’actu : l’aspartame classé comme « potentiellement cancérogène ».
- Le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), un organisme de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), a placé l’aspartame dans la catégorie des produits « potentiellement cancérogènes ».
- Dans le même temps, l’Association internationale des édulcorants (ISA) a applaudi la décision.
C’est grave, docteur ?
Le détail : qu’a-t-il été décidé et qu’est-ce que cela signifie ?
- Pour rendre sa décision, le CIRC s’est basé sur plus d’un millier d’études à travers le monde au sujet de l’aspartame. Il faut dire que la polémique autour de cet édulcorant destiné à donner un goût sucré à quantité d’aliments dure depuis des années.
- Notons que c’est la première fois que le CIRC évalue l’aspartame.
- Le CIRC a donc décidé de le classer dans la catégorie des produits « potentiellement cancérogènes« . C’est un cran au-dessus de ceux « non-classifiables comme cancérogènes » et deux en-dessous des catégories « probablement cancérogènes » et « cancérogènes ».
- Il indique avoir identifié des « preuves limitées de cancer chez l’homme » liées à l’aspartame, citant notamment le carcinome hépatocellulaire, un type de cancer du foie.
- Dans le même temps, une autre décision très importante a été rendue. Elle émane du Comité mixte FAO-OMS d’experts des additifs alimentaires (JECFA) et se base sur un examen indépendant mais complémentaire de celui réalisé par le CIRC.
- C’est la troisième fois que ce comité évaluait l’aspartame et il a confirmé ce qu’il avait déjà énoncé précédemment : la dose journalière admissible est de 40 mg/kg de poids corporel.
- Les données évaluées n’indiquaient pas de « raisons suffisantes » pour abaisser cette dose limite recommandée.
Les réactions : le lobby applaudit des deux mains.
- Cela pourrait surprendre, mais le lobby de l’aspartame a plutôt bien accueilli les décisions rendues par le CIRC et le JECFA. Mieux, il les « applaudit », selon le communiqué.
- « Le JECFA a une fois de plus réaffirmé la sécurité de l’aspartame après avoir mené un examen approfondi, complet et scientifiquement rigoureux », a déclaré la secrétaire générale de l’Association internationale des édulcorants (ISA), Frances Hunt-Wood. « L’aspartame, comme tous les édulcorants hypocaloriques ou sans calories, lorsqu’il est utilisé dans le cadre d’une alimentation équilibrée, offre aux consommateurs le choix de réduire leur consommation de sucre, un objectif de santé publique essentiel. »
- L’ISA a aussi souligné qu’en tant que produit « potentiellement cancérogène », l’aspartame se retrouve aux côtés de produits qui n’ont pas de mauvaise réputation pour autant comme le kimchi et d’autres légumes marinés ». « Le CIRC serait le premier à dire qu’il ne suggère pas aux gens d’arrêter d’utiliser le kimchi aux repas », ajoute le lobby.
- Précisons que cette catégorie du CIRC regroupe au total 323 produits, parmi lesquels on retrouve également l’essence ou la pilule à progestatif seul. Il y a donc de tout, vraiment de tout : la nuance se trouve dans la quantité.
La modération avant tout
Conclusion : que faut-il retenir ?
- Les évaluations rendues par le CIRC et le JECFA doivent avant tout être prises comme des signaux d’alerte.
- D’une part, il ne faut pas céder à la panique. Pour un adulte de 80 kg, la dose maximale d’aspartame recommandée par les experts de l’OMS correspond à 3200 mg par jour.
- Cela revient à boire de 10 à 16 canettes de soda light – si tant est qu’on n’ingère pas de l’aspartame via d’autres produits (yaourts et autres céréales dits allégés en calories, par exemple) durant la journée. On est donc a priori très loin des moyennes de consommation observées à travers le monde.
- D’autre part, il faut tout de même rester prudent. Le Dr Francesco Branca, directeur du département Nutrition, santé et développement de l’OMS appelle ainsi à mener des études supplémentaires pour « clarifier davantage la situation ».
- Et bien qu’il n’y ait pour l’instant pas de preuve « convaincante » de lien entre l’aspartame et le cancer chez l’homme, le Dr Branca procède à un rappel qui tombe sous le sens : buvez de l’eau plutôt que des sodas, light ou non.