Le président ukrainien s’est adressé devant le Congrès américain à l’occasion de son premier voyage d’État depuis l’invasion de son pays. Il s’est clairement donné pour objectif de raviver la flamme de la solidarité avec l’Ukraine. Mais celle-ci n’est pas forcément désintéressée.
« L’aide à l’Ukraine n’est pas de la charité, c’est un investissement » : Zelensky ne croit pas si bien dire…

Pourquoi est-ce important ?
La plus grande crainte des Ukrainiens - et le plus grand espoir de Poutine - est une érosion du soutien occidental à l'Ukraine. Celui-ci se chiffre en dizaines de milliards de dollars pour les seuls États-Unis. Mais l'oncle Sam peut espérer d'intéressants retours de cet investissements.Le contexte : « Freedom ain’t free » aiment à répéter les Américains. Or, alors que leur pays – comme le reste du monde -traverse une période économique difficile, avec la hausse des prix de l’énergie et une inflation vertigineuse, il est aussi le fer de lance de l’aide militaire à l’Ukraine.
- Le Congrès américain avait autorisé un total de 53 milliards de dollars d’aide militaire et civile en mai 2022. Quant aux envois de matériels, ils se sont encore diversifiés depuis, jusqu’aux fameux systèmes de missiles intercepteurs Patriot.
- Une générosité qui attire quelques critiques, majoritairement de la part des Républicains. « Nous devons arrêter de laisser Zelensky exiger de l’argent et des armes des contribuables américains alors qu’il essaie de nous entraîner dans la troisième guerre mondiale. Plus d’argent pour l’Ukraine. Il est temps de mettre fin à cette guerre et d’exiger la paix » tweetait ainsi Marjorie Taylor Greene, représentante du GOP pour la Géorgie.
- Le raz-de-marée républicain attendu aux élections de mi-mandat n’a finalement pas eu lieu. Un soulagement pour les Ukrainiens, même si la droite américaine n’est pas unanime sur la question. Mais cette opposition demeure.
Tirer les bénéfices d’une guerre sans la mener elle-même
Pourtant, les USA investissent finalement peu, pour un retour de bénéfices qui en vaut largement la peine.
- Le budget de la sécurité nationale des États-Unis dépasse largement les 800 milliards de dollars, tandis que le total des dépenses fédérales pour 2023 est estimé à 5.872 milliards de dollars.
- Dans ce contexte, l’aide militaire à l’Ukraine ne dépasse guère un ordre de grandeur qui gravite autour des 6% du budget américain de la défense, relève une étude du Center for Strategic and International Studies (CSIS), un think tank consacré à la géopolitique basé à Washington.
- Un coût somme toute modéré si on le compare avec ce que Washington est en train d’obtenir : une défaite militaire sans appel de la Russie, et ce sans confrontation directe ni la moindre goutte de sang versé sur un uniforme américain.
L’aide américaine à l’Ukraine reste probablement l’investissement le plus rentable que les États-Unis et leurs partenaires stratégiques aient fait récemment en matière de sécurité nationale, et un investissement dont les bénéfices dépasseront toujours les coûts.
Anthony H. Cordesman, « United States Aid to Ukraine: An Investment Whose Benefits Greatly Exceed its Cost« , Center for Strategic and International Studies (CSIS).
Il est faux de proclamer que les USA ont voulu cette guerre, ou qu’ils en seront les seuls bénéficiaires. Mais s’ils ne s’étaient pas engagés durablement derrière l’Ukraine, le monde serait très différent.
- Moscou aurait dans tous les cas été marqué du sceau de l’agresseur dans cette guerre. Mais la résistance ukrainienne, rendue possible par l’aide de Washington avant l’attaque et ininterrompue depuis lors, a fait choir l’armée russe de son piédestal de force irrésistible, largement construit sur du vent.
- L’OTAN se paie une nouvelle jeunesse et un nouveau but à son existence, tout en préparant une nouvelle extension vers le nord de l’Europe. Les adhésions de la Finlande et de la Suède doivent encore aboutir, mais la Pax Americana sur l’Europe reste une réalité d’autant plus tangible qu’une menace existe.
- Washington prouve à ses alliés que l’oncle Sam tient ses engagements. Un enjeu d’autant plus important en Asie, où le dragon chinois s’agite. Nul doute qu’à Pékin, on se dit que Taïwan serait une noix bien dure à croquer si la petite Ukraine peut résister ainsi à la Russie tant qu’elle obtient de l’aide américaine.
- Les sanctions imposées à la Russie n’auraient pas été aussi massives si la guerre n’avait duré que quelques jours, quelques semaines, voire quelques mois. Et leur impact sur l’économie russe en aurait été bien moindre.
- Économiquement, les USA s’en sortent d’ailleurs plutôt bien : outre que l’Europe est avide du GNL américain, les armes made in the USA profitent d’une campagne marketing phénoménale. La production de lance-missiles HIMARS n’arrive plus à suivre la demande, et toute l’Europe de l’Est veut remplacer son arsenal soviétique par des standards OTAN.
Pour une somme infime par rapport au prix d’une véritable guerre, les USA voient leur engagement payé par un K.O. total de la Russie sur la scène internationale, tant militairement qu’économiquement, sans parler de l’aspect diplomatique. Et l’usage du seul atout qu’il reste au Kremlin – son arsenal nucléaire – équivaudrait à un carton rouge dans les trois catégories.