Le procureur belge Michel Claise a lancé une 2e vague de perquisitions au Parlement européen, ce lundi. En tout, 20 perquisitions ont été menées contre 6 personnes dont 4 ont été arrêtées. Parmi elles, la vice-présidente du Parlement européen, la Grecque Eva Kaili, dont les avoirs ont été gelés en Grèce. Plus de 1,5 million d’euros ont déjà été saisis, probablement en pots-de-vin. La question que tout le monde se pose maintenant dans les enceintes du Parlement européen est la suivante : s’agit-il de quelques pommes pourries ou d’une maladie qui colle aux basques des eurodéputés ?
Le Qatargate a-t-il ouvert la boîte de Pandore européenne ?

Pourquoi est-ce important ?
Le lobbying est une pratique courante dans les couloirs du Parlement européen. Les lobbyistes ont d'ailleurs pignon sur rue, à Bruxelles ou à Strasbourg. Ce qui est moins courant, ce sont les gros sacs d'argent déposés dans les bureaux des eurodéputés. En tout cas, c'est ce que l'on pensait. Le Qatargate a-t-il ouvert la boîte de Pandore ?Dans l’actu : fait-on face à une corruption plus généralisée qu’on ne le pense ?
- Les langues commencent à se délier dans les enceintes du Parlement européen. Politico, généralement très bien informé sur la machinerie européenne, a récolté les témoignages de plusieurs eurodéputés et fonctionnaires.
- À commencer par le socialiste et donc membre du groupe européen S&D, dont sont issus les principaux suspects du Qatargate, le Français Raphaël Glucksmann (PS) : « Les tribunaux détermineront qui est coupable, mais ce qui est certain, c’est que ce n’est pas seulement le Qatar, et ce ne sont pas uniquement les individus qui ont été nommés qui sont impliqués. »
- Michiel van Hulten, un ancien législateur qui dirige aujourd’hui le bureau européen de Transparency International, estime aussi que le scandale est plus large, et qu’il « ne s’agit pas forcément de sacs d’argent. Il peut s’agir de voyages vers des destinations lointaines payés par des organisations étrangères – et en ce sens, le problème est plus répandu. »
- L’eurodéputé Marc Botenga (PTB), par communiqué, pense que « le Parlement européen est un lieu d’entre-soi où règne une culture de l’impunité ». Il ajoute : « Je crains que ce scandale ne dépasse ce que nous lisons dans la presse pour le moment (…). Toutes sortes de lobbies exercent leur influence au sein du Parlement européen. C’est monnaie courante. Il n’y a pas de réelle transparence. »
- L’eurodéputé et coprésident des Verts européens, Philippe Lamberts (Ecolo), se remémore une récente résolution sur les droits humains au Qatar : « S’il y avait un accord général pour qu’on ait un débat sur le sujet de la coupe du monde au Qatar, de nombreux socialistes s’opposaient à l’idée qu’il y ait une résolution. Lorsque la majorité a voulu cette résolution, les mêmes socialistes ont tout fait pour qu’elle soit aussi peu sévère que possible à l’égard du Qatar« , explique-t-il à la RTBF.
- Ursula Von der Leyen, la présidente de la Commission, s’est refusée à tout commentaire sur l’eurodéputée Eva Kaili, mais s’est dite favorable à la création d’un organe indépendant qui pourrait enquêter sur les actes répréhensibles dans tous les organes de l’UE.
L’essentiel : il n’y a aucun contrôle sérieux.
- Il n’existe aucun registre public qui consigne les rencontres étatiques avec les eurodéputés. En outre, le Parlement européen ne dispose d’aucune protection pour les lanceurs d’alerte en interne, alors que les eurodéputés ont récemment voté ce droit pour les citoyens de l’UE.
- Le Parlement, mais aussi les autres institutions européennes, sont une véritable plaque tournante à partir de laquelle d’anciens élus et de hauts fonctionnaires partent servir des intérêts privés.
- La machinerie européenne reste opaque, sans réel contrôle des élus et des fonctionnaires, qui bénéficient généralement d’une immunité juridique.
À noter : ce que gagne un eurodéputé
- Les fortes rémunérations ne semblent en tout cas pas un frein assez solide à la corruption. Un eurodéputé gagne une rémunération de base de 8.995 euros bruts, soit 7.000 euros nets par mois, vu qu’ils bénéficient d’une fiscalité très avantageuse. Cette rémunération est agrémentée d’un montant de 324 euros par jour de présence à Strasbourg ou à Bruxelles. Ce montant est censé couvrir les frais du jour (hôtel, repas, etc.). Il y a également un montant de 4.576 euros par mois pour les frais de fonctionnement (abonnements internet et téléphonie, achats de matériel, location de bureaux, etc.). Quand il quitte le parlement, l’eurodéputé a droit à sa rémunération de base pendant autant de mois que d’années de mandat prestées.