La pandémie a été la force d’Ark Invest, la société d’investissement de Cathie Wood, et de ses différents fonds. Mais l’envolée spectaculaire en 2020 est aujourd’hui une corde autour de son cou, et le fonds principal de la société patauge. Les critiques sont de plus en plus virulentes.
La barre est éminemment symbolique, car la pandémie a été la force de l’ETF d’Ark Invest, appelé Ark Innvation. Ce fonds négocié en bourse comprend de nombreuses actions appelées « restez-à-la-maison », d’entreprises qui proposent des services en distanciel, comme Zoom, TelaDoc, DocuSign, qui ont cartonné durant la pandémie.
Ainsi, sur l’année calendrier 2020, les parts du fonds ont gagné 150%, passant de 50 à 125 dollars – une des meilleures performances boursières de l’année. L’évolution sur la pandémie même est encore plus impressionnante : en mars 2020, le cours a chuté comme tout le marché à l’annonce des confinements, mais dès le 20 mars l’ETF a commencé son ascension. Le marché a compris que les confinements n’allaient pas être une affaire de deux semaines, comme initialement promis, et a largement misé sur les actions reprises dans le fonds. De 37 dollars le 20 mars, la part est montée jusque 156 dollars le 12 février 2021, soit une hausse de plus de 320%.
Retour à la case départ
Mais ensuite, il a perdu son souffle. Au printemps 2021, les campagnes de vaccination ont accéléré leur cadence, et malgré quelques sursauts, la pandémie a pu être domptée en Occident, permettant aujourd’hui une vie « comme avant ». Avec cela, les différents services « en distanciel » ont également perdu leur intérêt : même s’ils sont encore beaucoup utilisés aujourd’hui, leur valeur boursière, qui a explosé avant de dégringoler à nouveau, est interprétée comme une bulle par des analystes.
Depuis, les investisseurs revendent leurs actions et elles perdent en valeur. L’ETF de Cathie Wood perd donc également en valeur. Juste avant la pandémie, la part valait 58 dollars, et en mars 2022, le cours avait atteint cette valeur à nouveau. Un léger sursaut avait eu lieu, mais ce mercredi le cours est retombé sous la barre, atteignant même 56 dollars. Depuis son pic en février 2021, l’ETF a donc perdu près de 65% de sa valeur.
Sans Tesla, l’hécatombe serait totale
Cathie Wood apprécie Tesla et l’imagination innovante d’Elon Musk, et dans les différents ETF qu’Ark Invest gère, les actions de Tesla celles qui sont présentes en plus grand nombre. En tout, Ark Invest possède 1,43 millions d’actions de Tesla, soit 10,4% de la totalité des actifs, selon les données de Bespoke Investment Group. Et contrairement aux autres actions présentes dans les portefeuilles, Tesla n’a pas perdu trop de plumes : Depuis son pic en novembre, l’action a perdu 18%. Soit relativement peu par rapport à la perte de 94% depuis le sommet que connaît Berkeley Lights, une entreprise spécialisée dans la biologie digitale.
Plus de la moitié des actions dans l’Ark Innovation ont perdu plus de 75% depuis leur sommet. Seule une action, du nom de Signify Health, est dans le vert depuis le début de l’année 2022 (même si la perte par rapport au pic est de 60%). En moyenne, les actions doivent gagner près de 350% pour regagner leur sommet. Berkeley Lights a le plus long chemin à parcourir, avec plus de 1.800%.
« Donnez-nous cinq ans »
Souvent interpellée par rapport à ces baisses spectaculaires, Cathie Wood rétorque, souvent avec le même argument, que sa stratégie paiera sur le long terme. Elle vise des résultats sur cinq ans, notamment.
Sur les ondes de Yahoo Finance, elle répond d’une manière similaire : « Je pense que plusieurs choses sont à l’œuvre. Tout d’abord, notre horizon temporel à long terme est pratiquement la première chose que nous disons, lorsque nous parlons à des investisseurs potentiels. »
Mais l’Ark paie-t-il vraiment sur cinq ans? En regardant son évolution sur cinq ans, on peut constater qu’il est effectivement dans le vert, à hauteur de 20%. Mais sur la même période, le S&P 500 (indice traditionnel que Cathie Wood critique souvent, car elle préfère miser sur des éléments plus « disruptifs ») a augmenté de plus de 90%.
Critiques virulentes
Morningstar, une entreprise de gestion d’actifs, a récemment revu à la baisse le statut de l’Ark Innovation de « neutre » à « négatif », notamment à cause de la gestion des risques et à cause de la capacité (ou non) à « naviguer l’espace qu’il veut explorer ». Et Robby Greengold, stratégiste pour l’entreprise, ne mâche pas ses mots.
« La société favorise des entreprises qui sont souvent non rentables et dont les cours boursiers sont fortement corrélés », s’exprimait-il dans une note sur le sujet. « Plutôt que de jauger les risques globaux du portefeuille et de simuler leurs effets dans diverses conditions de marché, la société utilise son passé comme un guide pour l’avenir et considère le risque presque exclusivement à travers le prisme de sa recherche ascendante sur les entreprises individuelles. »
« Wood a suggéré que la gestion des risques ne relève pas d’elle mais de ceux qui investissent dans les fonds d’ARK. Il est difficile de voir pourquoi il en serait ainsi », continue Greengold. « ARK pourrait faire plus pour éviter de graves ponctions de richesse, et son manque de prudence sur le sujet a fait du tort à de nombreux investisseurs ces derniers temps. Elle pourrait en blesser davantage à l’avenir. »
Il critique notamment le fait qu’Ark ait supprimé des différentes actions de son portefeuille, passant de 60, il y a encore moins d’un an, à 35. « La stratégie est effectivement devenue moins liquide et plus vulnérable à des pertes sévères… L’entreprise n’a pas de personnel chargé de la gestion des risques. »
Il ajoute encore que Cathie Wood s’accroche trop à l’envolée de l’Ark durant la la pandémie : « Depuis son ascension fulgurante en 2020, la stratégie a été l’un des fonds les moins performants aux États-Unis… Wood a depuis doublé son approche périlleuse dans l’espoir d’une répétition de 2020, lorsque les valeurs de croissance très volatiles avaient la cote. »