L’an dernier, AutoX est devenue la première entreprise à faire rouler en Chine ses voitures en mode entièrement autonome sans conducteur de sécurité. La société est à présent éclaboussée par une affaire qui révèle que la sécurité semble être le cadet de ses soucis.
Créée en 2016 par Xiao Jianxiong, un ancien professeur de vision par ordinateur et de robotique à l’université de Princeton (Etats-Unis), AutoX est basée à Shenzhen et possède un centre R&D en Californie. En janvier 2021, elle a pu lancer un service de robotaxis sans conducteur dans un quartier de Shenzhen. Une première en Chine. Un peu plus tôt, elle avait déjà reçu le feu vert pour lancer 25 véhicules autonomes sans conducteur sur les routes publiques de la ville dans le cadre d’un « test ».
Aux Etats-Unis, AutoX peut également tester ses voitures. L’an dernier, six d’entre elles ont roulé sur les routes américaines, en Californie.
AutoX s’est donc vue accorder pas mal de responsabilités. Pourtant, d’après des témoignages récoltés par le Financial Times, la sécurité est loin d’être au centre de ses priorités.
Une voiture trafiquée devant des milliers de spectateurs
Selon les informations du journal britannique, un épisode en particulier s’avère particulièrement gênant pour AutoX. Une démonstration effectuée en janvier 2019 à Las Vegas, à l’occasion du Consumer Electronics Show, un événement qui a rassemblé 175.000 personnes.
Présente lors de ce salon, AutoX avait lancé, sur quelques kilomètres, un de ses véhicules en mode autonome dans les rues de Sin City. A l’époque, l’entreprise avait été intimée de mettre un conducteur dans l’habitacle, pour des raisons de sécurité. Condition qui avait été respectée. Mais il y avait un mais.
Le patron de la société avait fait en sorte que les freins, le volant, l’accélérateur et le bouton de sécurité de la voiture soient désactivés. Autrement dit, il y avait un humain à l’intérieur, mais s’il y avait eu un problème, il n’aurait de toute façon pas pu reprendre le contrôle du véhicule.
« La voiture était trafiquée pour qu’elle ne se désengage pas », a déclaré au Financial Times une personne au fait de l’épisode, dont le récit a été confirmé par un autre ex-employé. « C’était extrêmement dangereux, il y avait des milliers de personnes dans les rues ce jour-là pour la conférence. Heureusement, rien n’est arrivé, mais quelqu’un aurait pu être blessé ».
Milieu ultra-concurrentiel
Depuis plusieurs années, de nombreuses startups se donnent pour objectif de concevoir des véhicules totalement autonomes. Le secteur a attiré près de 330 milliards de dollars d’investissements depuis 2010, selon McKinsey, les groupes les mieux financés comprenant Waymo (Alphabet), Aurora et Cruise (General Motors).
La concurrence faisant rage, Xiao Jianxiong aurait voulu s’assurer qu’aucune intervention humaine ne vienne entacher la démonstration. Cela aurait fait mauvais genre. En empêchant le conducteur de faire quelque chose, il n’y avait effectivement aucune chance pour qu’il intervienne. Au mépris de la sécurité des spectateurs.
L’objectif était bien sûr d’en jeter plein la vue aux investisseurs et aux médias. Trois mois plus tard, AutoX a bénéficié d’un investissement de 100 millions de dollars de la part d’un consortium comprenant Alibaba et le constructeur automobile public Dongfeng. L’année suivante, la société a obtenu un investissement d’un montant non divulgué de la part de la holding japonaise Soft Bank.
Autres accusations
Outre cet épisode, d’autres témoignages d’anciens employés révèlent que les responsables d’AutoX seraient prêts à tout pour accélérer le développement de leurs véhicules. Selon eux, les dirigeants de l’entreprise ont permis aux voitures de fonctionner d’une manière qui les rapprochait d’une collision potentielle afin d’obtenir des données vitales qui permettraient d’améliorer sa technologie. « Ils ont vraiment repoussé les limites », a déclaré un membre de l’équipe opérationnelle.
« La sécurité n’était pas une priorité absolue chez AutoX », a ajouté une autre personne, soulignant que les patrons de l’entreprise ont également fait pression sur l’équipe opérationnelle pour qu’elle teste les voitures sur la voie publique même si un dispositif de sécurité crucial n’avait pas été câblé ou ne fonctionnait pas.
AutoX n’a pas souhaité répondre à ces différentes accusations. En février, Xiao Jianxiong avait assuré au FT que la sécurité était sa « plus haute priorité ».