Vendredi, l’Allemagne a donné son avis officiel sur la proposition européenne de la taxonomie verte. Le pays est largement en faveur du gaz. La réponse de la Belgique se fait encore attendre. Des experts commissionnés par l’Europe concluent que ni le gaz ni le nucléaire ne sont des produits verts. Avec les tensions autour de l’Ukraine, la dépendance au gaz russe est de plus en plus critiquée.
L’Allemagne en avant toute pour le gaz dans la taxonomie verte européenne
Pourquoi est-ce important ?
Quelle énergie est verte, et laquelle ne l'est pas? C'est tout l'enjeu d'une proposition européenne sur la taxonomie des énergies, éligibles à des fonds publics. Le nucléaire par exemple, est vert pour certains car il n'émet pas de CO2 lors de la production d'électricité, mais pour d'autres il ne l'est pas car il produit des déchets radioactifs non recyclables et il est dangereux en cas d'accident. D'autres encore voient le gaz (fossile) comme une source d'énergie verte, au moins pour une transition pour quitter le nucléaire et/ou le charbon, alors que d'autres voient le gaz comme une source de pollution qui rejette beaucoup de CO2.Les pays membres de l’Union européenne avaient jusqu’à vendredi 21 janvier pour donner leur avis sur la proposition européenne. Plusieurs lignes de pensée se sont ainsi distinguées, d’un côté la France et les pays de l’Est veulent définir le nucléaire comme énergie durable, d’un autre côté l’Allemagne l’Autriche, ou encore le Luxembourg, sont contre.
Avec des nuances cependant : l’Autriche se dit opposée à la dénomination du gaz et du nucléaire comme énergie verte. Elle se dit prête à porter plainte à la Cour de Justice de l’Union européenne si le projet devait aboutir. Même si elle compte des alliés dans le volet anti-nucléaire, comme le Portugal, l’Espagne, le Portugal, le Danemark, l’Allemagne ou le Luxembourg, seul ce dernier veut la suivre dans une éventuelle plainte.
La position de l’Allemagne, première puissance économique du continent, a été rendue publique vendredi. Après maintes spéculations sur la réponse finale, le nouveau gouvernement socialiste-libéral-écologiste s’est mis d’accord : le nucléaire c’est non, le gaz c’est oui.
Le gaz, oui, mais comment?
Dans une lettre, envoyée le jour même du délai, relayée par Euractiv, le ministre de l’Economie Robert Habeck et la Ministre de l’Environnement Steffi Lemke (tous deux du parti écologiste Die Günen) expliquent leur idée pour le gaz. Ils demandent des assouplissements pour le gaz fossile, notamment la suppression de l’exigence de promouvoir le passage à des gaz avec moins de carbone, comme l’hydrogène et le biométhane.
Le gaz fossile, ils veulent l’utiliser comme « combustible dans des centrales électriques au gaz ultramodernes et efficaces », ce qui « constitue une passerelle pour une période de transition limitée », pour rapidement sortir du charbon. A court terme, il s’agirait d’une réduction des émissions de CO2.
Ils veulent aussi revoir les délais pour passer à d’autres gaz qui ont une plus faible teneur en carbone. « Les objectifs intermédiaires demandés pour la transition en matière de carburant, avec des taux de mélange de gaz décarbonés de 30% d’ici 2026 et de 55% d’ici 2030, ne sont pas réalisables dans des conditions réalistes », critiquent-ils. Les Allemands veulent alors que les introductions de ces nouveaux carburants soient plus des lignes directrices et moins des mesures contraignantes, et puissent être évaluées en temps voulu, en fonction du développement des différents carburants.
L’hydrogène propre n’est pas encore assez développé, dit le ministre. Selon des spécialistes ce serait même un non-sens de le brûler pour produire de l’électricité, car il faut déjà de l’électricité pour produire l’hydrogène vert. L’hydrogène bleu, d’un autre côté, est encore plus polluant que ce que l’on pensait.
En l’état, le texte européen prévoit que des subsides puissent être accordés pour la construction de centrales électriques au gaz, si et seulement si les centrales remplacent des centrales à charbon, et qu’elles émettent 55% de gaz à effet de serre en moins que les centrales précédentes. Chiffre irréaliste pour les Allemands, qui veulent aussi qu’une nouvelle centrale à gaz remplaçant une ancienne centrale à gaz puisse être considérée pour ce label de financements verts.
Les Verts et le gaz
Cette condition spécifique fait écho à la situation belge. La Belgique n’a plus de centrales à charbon depuis 2013. La Vivaldi veut sortir du nucléaire, en construisant des centrales à gaz, pour faire face aux 50% d’alimentation en électricité qui disparaîtront avec les centrales. L’augmentation des émissions de gaz à effet de serre est alors inévitable, et la majorité l’admet. Selon les règles du texte européen, les centrales belges ne pourront-elles pas bénéficier du label vert ? La réponse de la Belgique au texte européen n’a pas encore été envoyée, la Belgique étant souvent en retard dans ce type de dossiers européens.
Mais toujours est-il que l’avis des verts belges est similaire à celui des verts allemands : le choix du gaz pour la transition énergétique. Mais cette position ne fait pas l’unanimité auprès des différents partis écologistes européens. Les Autrichiens et les Luxembourgeois par exemple sont contre l’adoption du gaz. Les Finlandais, d’un autre côté, sont pour le nucléaire, et le pays a récemment lancé le premier réacteur EPR d’Europe.
Une fois les consultation des avis des pays terminées, le Parlement européen devra voter ce texte, et les divergences entre partis verts mèneront sans doute à des tensions dans le Parti vert européen, qui regroupe tous les partis nationaux au sein de l’hémicycle.
« Le gaz et le nucléaire ne sont pas verts »
Mardi, les experts de la plateforme sur la finance durable commissionnée par l’Union européenne ont donné leur avis. Ils indiquent que ni le gaz, ni le nucléaire ne peuvent être considérés comme des produits verts, rapporte La Libre Belgique. Pour le gaz, ils estiment qu’il émet beaucoup plus de gaz à effet de serre que le seuil de 100 g d’équivalent CO2 par kWh fixé dans la taxonomie verte, et les critère alternatifs proposés pour le gaz ne sont pas cohérents avec le texte, et ne sont pas assez durables. Le nucléaire va à l’encontre d’autres principes pour lutter contre le réchauffement climatique, comme la réduction de la pollution (déchets radioactifs) et la protection et la restauration des écosystèmes.
Les deux peuvent être considérés comme des sources énergétiques de transition, estiment pourtant les experts. Mais la volonté de construire des centrales nucléaires de nouvelle génération d’ici 2045 ne sera pas suffisante pour garder le réchauffement climatique en-deça des 1,5 degré Celsius.
Ukraine
Une nouvelle donnée entre également dans l’équation, et provoque de plus en plus de critiques envers le déploiement du gaz. Poutine a toujours été accusé de faire la pluie et le beau temps autour des prix du gaz, utilisant la ressource comme levier contre l’Europe si elle osait critiquer ses politiques, rendant ainsi les sanctions européennes plus faibles. L’Europe, notamment l’Allemagne, est fort dépendante du gaz russe. Mais dernièrement, les tensions sont particulièrement fortes avec la Russie, qui est accusée de vouloir envahir l’Ukraine. Une telle dépendance envers le pays avec lequel l’Europe est en « conflit » est alors vivement critiquée.