Les Verts finlandais ont changé d’avis sur le nucléaire: « On a laissé parler la science »

Le projet de la Commission de donner un label « vert » à l’énergie nucléaire dans la taxonomie européenne bouscule les chancelleries. L’Allemagne, et sans doute bientôt la Belgique, sont de plus en plus isolées.

Des milliards de subsides sont en jeu. Pour atteindre son objectif de neutralité carbone en 2030, puis en 2050, l’UE compte promouvoir les énergies renouvelables via une taxonomie. Parmi ces énergies peu émettrices en carbone, on retrouverait le nucléaire.

Du côté des Finlandais, le président des Verts au Parlement finlandais, Atte Harjannes, expliquait ce dimanche au quotidien allemand Die Welt que les écologistes avaient changé leur point de vue sur l’atome en 2020, disant se baser « sur la science » : « Bien sûr que [l’énergie nucléaire] est durable. La quantité de déchets est très faible par rapport à l’énorme quantité d’énergie neutre en CO2 que produit une centrale nucléaire. On peut stocker ces déchets en toute sécurité, contrairement aux gaz à effet de serre émis par une centrale à charbon ou à gaz », dont les propos sont rapportés par le Courrier International.

Pour Atte Harjannes, « la fin justifie les moyens ». Le nucléaire permettra à la Finlande d’atteindre la neutralité carbone autour de 2035, estime-t-il.

Allemagne

L’Allemagne ne compte pas changer de cap. Les trois centrales nucléaires allemandes restantes seront fermées d’ici la fin de l’année. C’est le fruit d’une décision enclenchée en 2011, après la catastrophe de Fukushima, au Japon, qui a été suivie de grandes manifestations contre l’atome en Allemagne. Symbole d’une vision diamétralement opposée, un député de la majorité du SPD a récemment comparé les pro-nucléaires aux antivax.

Depuis sa décision, l’Allemagne possède l’un des pires bilans carbone de l’Union. Si le pays a en effet déployé de manière importante les énergies renouvelables, celles-ci restent intermittentes. Ce qui fait que dans la réalité, l’Allemagne est obligée de puiser son énergie dans le charbon.

Souvent, la production énergétique ressemble à ça en Allemagne. Une production dominée par le charbon et le gaz, ce qui en fait l’un des producteurs de CO2 les plus importants en Europe. 11/01/2022 – Electricity Map.

Dans la nouvelle taxonomie, les Allemands ont poussé pour intégrer le gaz comme énergie « verte ». L’Allemagne compte en effet sur le gaz, plus propre que le charbon, pour tendre vers la neutralité carbone. Avec son projet Nord Stream 2 avec les Russes en ligne de mire.

L’Allemagne est de plus en plus isolée sur le nucléaire. La coalition qu’elle forme avec l’Autriche, l’Irlande, le Portugal, le Luxembourg et sans doute bientôt la Belgique, s’oppose à la France et aux pays d’Europe de l’Est, qui voient dans le nucléaire le moyen idéal pour se passer du charbon. La taxonomie, fruit d’un compromis, devrait donc classer le nucléaire et le gaz comme énergies vertes, l’un n’ira pas sans l’autre.

France et Belgique

En France, le candidat vert à la présidentielle Yannick Jadot, anti-nucléaire de longue date, est particulièrement discret sur la question, rapporte le Journal Du Dimanche. Car il sait qu’une majorité d’électeurs, même à gauche, supporte l’atome. Même au sein de la base des électeurs écologistes, les mentalités semblent avoir changé au sujet du nucléaire. C’est en tout cas la stratégie opérée par l’entourage du candidat EELV.

En Belgique, malgré un énième report de la décision d’acter la sortie du nucléaire en 2025, sous pression du MR, on voit mal comment les Verts ne pourraient pas aboutir dans une bataille qui aura duré 20 ans. L’accord de gouvernement mène à une sortie du nucléaire, une ministre écologiste (Tinne Van Der Straeten / Groen) a d’ailleurs été mandatée pour ça. Gageons qu’elle fera tout pour sécuriser l’approvisionnement, malgré les différentes contestations sur la construction de nouvelles centrales au gaz, qui doivent en partie compenser la sortie. En outre, il n’y a pas de majorité pour défaire la loi qui acte la sortie du nucléaire en 2025. Maigre consolation pour les libéraux: il est prévu d’engager un budget de 100 millions d’euros alloués à l’étude de très hypothétiques réacteurs de nouvelle génération.

C’est le chemin encouragé par la Commission également. Le commissaire au Marché intérieur et à l’Industrie Thierry Breton estime que l’Europe investira 500 milliards d’euros dans la nouvelle génération de centrales nucléaires d’ici 2050. L’Allemagne et la Belgique seront alors laissées au bord du chemin.

Les centrales nucléaires produisent actuellement un quart de l’électricité de l’UE, selon les chiffres d’Eurostat.

Au niveau mondial, rappelons que la Chine envisage de construire pas moins de 168 réacteurs dans les années à venir. Même le Japon a annoncé son intention d’en construire 11.

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