La plupart d’entre nous n’avaient même jamais entendu le mot métavers avant que le patron de Facebook ne change le nom de son entreprise en « Meta ». Mais les explications données depuis restent floues et très incomplètes.
— Tribune signée Jean-Marc Goossens, avocat spécialisé en blockchain et cryptomonnaies, co-fondateur de 4Blockchainers et de Art Can Die.
La plupart d’entre nous n’avaient même jamais entendu le mot métavers (metaverse en anglais) avant que le patron de Facebook ne change le nom de son entreprise en « Meta » et décide d’y investir 10 milliards de dollars. Depuis lors de nombreuses explications sont données mais il faut bien reconnaître qu’elles restent peu claires et même très incomplètes.
On explique généralement que le métavers est un monde virtuel dans lequel ses utilisateurs peuvent « s’immerger ».
Les films Tron (1982), Matrix (1999-2021) ou Ready Player One (2018) sont souvent donnés à titre d’exemples. Différents jeux vidéo en ligne qui développent des mondes virtuels comme Fortnite sont également souvent cités.
Ce qui a un point commun n’est cependant pas forcément identique et je pourrais donner de nombreux exemples de mondes virtuels dans lesquels une immersion est possible : la méditation, la lecture d’un bon livre permet de s’immerger dans un autre univers, écouter de la musique ou même la contemplation d’une œuvre d’art le permettent aussi.
Quelle est donc la nouveauté qui permet de distinguer ce métavers de nos autres mondes virtuels ?
L’utilité de la blockchain
C’est le droit de propriété décentralisé qui est possible grâce à la blockchain, on peut y acheter et vendre des biens. Ces biens numériques sont notre propriété absolue et nous pouvons les utiliser dans d’autres métavers. C’est cette caractéristique essentielle qui distingue les métavers des autres mondes virtuels.
La blockchain est une technologie qui permet de stocker et d’échanger des informations sans organe central de contrôle. En d’autres mots, elle n’est pas gérée par une autorité publique (ex: un état) ou privée (ex: une banque) mais par des milliers d’utilisateurs. Ceci garantit la transparence et la sécurité des données.
Les métavers sont des mondes virtuels numériques dans lesquels on interagit sous la forme d’un avatar. Tiré de la religion hindoue où les avatars sont les incarnations de Vishnou, le terme avatar désigne un personnage virtuel que l’utilisateur choisit pour le représenter graphiquement dans le métavers. C’est donc notre identité individuelle en ligne et nous allons de ce fait développer un attachement, un véritable lien émotionnel pour notre avatar.
Interactions phygitales
On va le personnaliser avec des vêtements et accessoires que l’on pourra acheter sous forme de NFT (certificats d’authenticité numériques). L’avatar et ses accessoires sont notre propriété (ceci est garanti et certifié par la blockchain) et nous pourrons les utiliser pour interagir dans d’autres métavers.
En 2021, il y a eu à peu près 80 milliards de dollars de biens virtuels achetés dans toutes sortes de métavers. Une partie de cette somme a été dépensée pour habiller des avatars, une autre partie, pour des articles, des équipements, des accès à des mondes. On estime que le marché des métavers pourrait atteindre 800 milliards de dollars d’ici 2024.
Des entreprises comme Nike, Adidas, Balenciaga, BMW et Ferrari créent aujourd’hui des environnements pour le métavers. En mai, un sac Gucci numérique s’est vendu plus de 4.000 dollars, dépassant même le prix de l’objet réel. On peut aussi imaginer que l’achat d’un bien réel (vêtement, accessoire de mode, voiture, etc) pourrait à l’avenir donner droit à un « coupon NFT » permettant d’interagir avec une version numérique du même bien dans différents métavers.
La croisée des mondes
Le métavers ne se limite cependant pas à des projets commerciaux. Il va englober par exemple aussi le travail, l’éducation et l’art. Les métavers pourront disposer de salles de réunion virtuelles où les participants pourront utiliser simultanément leurs ordinateurs du monde réel. Microsoft a récemment évoqué la création d’un métavers pour les entreprises basé sur Microsoft Teams.
Dans le domaine de l’enseignement, les écoles et universités sont susceptibles de créer leurs propres campus virtuels, ce qui permettra d’augmenter le nombre d’étudiants et d’améliorer l’éducation au niveau mondial.
Dans le domaine de l’art, des musées et galeries virtuels exposeront des œuvres uniques sous forme de NFTs. On pourra les visiter par l’intermédiaire de son avatar et même y acheter des œuvres. Notre société Art Can Die va créer un métavers destiné à produire, promouvoir et sauvegarder un art intemporel de qualité.
C’est plus clair ?
Vous avez encore des difficultés à vous imaginer un métavers ? Laissez-moi vous immerger dans un métavers où il est possible d’acheter des parcelles de terrain où l’on peut se balader, construire, louer et revendre.
Metavers Group, qui se présente comme le premier et le plus important agent immobilier virtuel a fait l’acquisition d’une parcelle de plus de 500 mètres carrés en plein cœur de la « Fashion Street » du métavers Decentraland pour 2 millions de dollars. Une somme qui semble astronomique pour un terrain qui n’existe que sur des serveurs!
Voici cependant ce qui peut rationnellement justifier une telle somme : « Fashion Street » est destinée à devenir l’équivalent dans Decentraland de l’avenue des Champs-Elysées à Paris ou de la Fifth Avenue à New York. On peut y acheter des parcelles de terrain, y construire des appartements, des bureaux, des magasins, des galeries d’art, des emplacements publicitaires.
Ce sera l’avenue huppée de Decentraland que des centaines de millions de personnes du monde entier pourront visiter en 3D grâce à leur avatar.
Dérive ou merveille technologique
Il fait froid et pluvieux aujourd’hui. Confortablement installés chez vous avec votre épouse vous mettez vos lunettes 3D développées par Ray-Ban. Vous êtes désormais immergés dans le métavers Decentraland. Vous n’êtes pas devant un écran, vous êtes dans l’écran.
Vos avatars descendent sur Fashion Street à bord de votre nouvelle voiture pour y faire quelques achats. Vous pourrez aussi y visiter une galerie d’art Art Can Die, discuter avec les avatars d’amis américains croisés par hasard dans la rue ou négocier et signer un contrat avec une compagnie asiatique installée dans un des nombreux bureaux de ses buildings.
Les plus grandes entreprises du monde réel auront leur équivalent virtuel dans le quartier et leur chiffre d’affaires pourrait dépasser le chiffre d’affaires du monde réel tant il sera facile de s’y rendre et d’y commercer car une simple connexion internet 5G suffira.
Les métavers ne remplaceront pas le monde réel, fort heureusement. Ces mondes coexisteront. Pour certains ils resteront une dérive technologique inutile, pour d’autres ils seront une opportunité extraordinaire pour développer et rendre accessible au plus grand nombre le commerce international, l’éducation, l’information, la culture et l’art.