4 mois après le début de la guerre, l’UE se réveille et bannit les lobbyistes des géants russes de ses locaux, mais il y a encore un mais…

Si l’Union européenne a pris de nombreuses sanctions à l’égard de la Russie et de ses oligarques, elle a longtemps laissé ses lobbyistes continuer à arpenter les couloirs du Parlement, de la Commission et du Conseil. Cette semaine, voilà qu’une fumée blanche est aperçue à Bruxelles.

Il y a un mois, le média d’investigation Follow the Money révélait que les lobbyistes (ressortissants de l’UE) représentant les intérêts de plusieurs géants russes (Gazprom et Lukoil, pour ne citer qu’eux) étaient toujours accrédités pour accéder aux bâtiments du Parlement, de la Commission et du Conseil de l’UE. C’est d’ailleurs peut-être l’une des explications aux difficiles et nombreuses tractations qu’il a fallu pour que les États membres de l’UE se mettent d’accord sur des sanctions vis-à-vis de l’énergie russe: un embargo sur le pétrole a été décrété fin mai. Quant au gaz, c’est plutôt Moscou qui est à présent occupé à fermer le robinet elle-même.

Pourtant, il est apparu que, dès le 7 mars, la présidente du Parlement européen et ses vice-présidents s’étaient réunis pour discuter d’une possible suspension des accréditations accordées aux lobbyistes représentant les intérêts russes. Un accord avait rapidement été trouvé. Encore fallait-il également convaincre la Commission et le Conseil de l’UE. La première avait donné son feu vert assez rapidement, le deuxième, présidé par la France, n’avait pas répondu…

De quoi rendre furax le Groupe des Verts/Alliance libre européenne, l’un des plus décidés à interdire aux lobbyistes représentant les intérêts russes d’accéder aux bâtiments des institutions européennes. Le groupe politique, visiblement exaspéré, s’était même fendu fin mai d’une lettre publique visant à mettre la pression sur les principaux décideurs.

La présidence française du Conseil sort du silence

Ces multiples négociations avaient abouti à une décision début juin. Du moins auprès du Parlement, qui avait finalement pris une décision qui n’engageait que lui. Sa présidente, Roberta Metsola, avait indiqué que « les représentants des entreprises russes » ne seraient « plus autorisés à entrer dans les locaux « .

« Nous ne devons leur accorder aucun espace pour répandre leur propagande et leurs versions fausses et toxiques sur l’invasion de l’Ukraine », avait commenté Mme Metsola.

Cette semaine, soit quatre mois après le début de la guerre en Ukraine, le Conseil de l’UE et la Commission européenne se sont aussi décidés à bannir ces lobbyistes des bâtiments des institutions européennes, rapportait Politico mercredi. L’accord a été trouvé lors d’une réunion entre ambassadeurs des États membres organisée la semaine dernière à l’initiative de la présidence française du Conseil. Les « personnes qui représentent un intérêt russe » se verront désormais refuser l’entrée aux bâtiments du Conseil et de la Commission, ont confirmé ce jeudi leurs représentants auprès de l’AFP.

La mise en œuvre de cette décision « est en cours », ont précisé les deux institutions. Elle concerne tous les représentants des intérêts russes inscrits sur le registre de transparence de l’UE pour avoir accès aux locaux des institutions afin de rencontrer les commissaires, leurs collaborateurs et les élus européens.

Il y a encore des portes dérobées

« Les lobbyistes russes de l’énergie sont les vendeurs de la machine de guerre de Poutine », a commenté l’eurodéputé vert allemand Daniel Freund. « Les interdire est essentiel pour soutenir nos amis ukrainiens et mettre fin à l’influence russe dans notre politique ».

Globalement, le Groupe des Verts/Alliance libre européenne est donc très satisfait. Toutefois, ce n’est pas le cas de tout le monde. Ainsi, certaines ONG estiment que ces décisions ne vont pas assez loin. C’est notamment le cas de Greenpeace.

La semaine dernière, l’ONG de protection de l’environnement a adressé une lettre à la présidente du Parlement. Elle lui a notamment demandé d’interdire les associations de lobbying qui ont des membres et des clients russes (European Energy Forum, FuelsEurope, Brussels Energy Club, …), et d’empêcher les fonctionnaires européens de prendre la parole lors d’événements financés par l’État russe (World Nuclear Exhibition, par exemple). Greenpeace craint que des entreprises comme Gazprom, Rosatom ou Lukoil puissent encore se faire entendre auprès des élus européens via ces voies.

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