Valérie Pécresse regarde à droite: « Ceux qui ont le pouvoir en Europe, ce sont les ONG et les Allemands »

En petite forme à deux mois du premier tour de la présidentielle, Valérie Pécresse a abattu – de façon assez surprenante – une nouvelle carte, cette semaine. Elle a attaqué l’Allemagne de face.

Ces déclarations ont été très peu relayées par les médias hexagonaux. Pourtant, elles étaient fortes. En début de semaine, nous apprend Politico, Valérie Pécresse a organisé un déjeuner de chefs d’entreprise dans un club des élites parisiennes. Elle a profité de l’occasion pour envoyer quelques piques, acérées, à l’Allemagne.

« Je vais vous dire, le sentiment que j’ai quand je regarde l’Europe, c’est que ceux qui ont vraiment le pouvoir, ce sont les ONG et les Allemands », a-t-elle affirmé. « Je veux que les Français reprennent le dessus, il faut aller défendre les intérêts français en Europe », a-t-elle ajouté.

Pour étayer ses dires, la candidate des Républicains a rappelé deux récentes initiatives de l’UE qui, selon elle, ont été encouragées par l’Allemagne au détriment de la France:

  • La taxe carbone aux frontières européennes. Laquelle « devait rapporter 15 milliards d’euros et financer le plan de relance [de l’UE], mais nous ne recevrons que 800 millions d’euros », a déploré Pécresse. « Pourquoi ? Probablement parce que les industries allemandes polluent plus et ont fait pression pour la faire baisser. » Etonnamment, la candidate française a été vue tout sourire deux jours plus tard aux côtés du chef de file des chrétiens-démocrates allemands (CDU), Friedrich Merz, pourtant diamétralement opposés à elle sur ce plan. Ses propos n’avaient toutefois pas encore été rendus publics.
  • La taxonomie verte de l’UE. Ficelée le 31 décembre et votée début février par la Commission, elle inclut le gaz et le nucléaire parmi les énergies « durables » autorisées à bénéficier d’investissements, en vertu de plusieurs critères. De quoi, a priori, satisfaire, respectivement, l’Allemagne et la France. Pécresse estime toutefois l’accord trop à l’avantage de Berlin. « Il n’est pas normal que les Allemands parviennent à donner une meilleure image de leurs centrales à gaz que nous ne le faisons pour le nucléaire, une industrie qui est décarbonée », a-t-elle souligné.

Coup d’éclat manqué sur la migration

La France et l’Allemagne sont les deux poids lourds de l’UE. Bien qu’ils soient loin d’être toujours d’accord, les deux pays évitent toutefois ce genre d’attaque frontale, afin de maintenir une certaine – toute relative, bien sûr – harmonie au sein du bloc. Les propos de Valérie Pécresse sont donc loin d’être anodins.

D’autant plus lorsqu’on les rapproche de ceux – plus médiatisés – qu’elle a soutenus dimanche dernier sur le plateau de France TV au sujet de la migration au sein de l’Union. Elle a ainsi affirmé – à tort, son équipe a d’ailleurs tenté de l’excuser plus tard – que 40 millions de migrants étaient entrés illégalement dans l’UE en 2021, évoquant une « bérézina migratoire ».

Au cours de la même intervention, la candidate des Républicains a déclaré que l’Europe avait « le droit de choisir qui elle accueille », ajoutant que « pour protéger ses frontières extérieures, il ne faut pas exclure la construction de murs. »

Qu’espère-t-elle ?

Par le passé, Valérie Pécresse n’avait jamais semblé être si radicale sur ces deux thématiques. C’est d’ailleurs en partie à cause de divergences avec Laurent Wauquiez, dont elle jugeait l’attitude trop populiste, qu’elle avait quitté Les Républicains en 2019.

Selon les analystes, le tournant qu’elle semble aujourd’hui emprunter pourrait lui servir à reprendre une partie des voix qui se dirigent vers Marine Le Pen et Eric Zemmour, les deux candidats d’extrême-droite, tous deux ultra-critiques envers l’Allemagne et la politique européenne en matière de migration.

Du côté des Républicains, par la voix du député Paul-Henri Dumont, on se défend de cette tentative de récupération, arguant qu’être critique face aux récents choix de l’UE n’empêche pas d’être europhile. Il a préféré expliquer que Pécresse voulait surtout s’éloigner d’un ton « euro-idéaliste », porté par Emmanuel Macron.

Un temps donnée adversaire de Macron au second tour, Pécresse est de moins en moins rassurée par les sondages. Le Pen est revenu à sa hauteur, parvenant même à la dépasser de justesse. Tandis que l’avance qu’elle a sur Zemmour se réduit progressivement.

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