Web Analytics

Trop centrées sur leur nombril, les banques centrales alimentent les risques de ralentissement mondial : « Elles vont trop loin »

Trop centrées sur leur nombril, les banques centrales alimentent les risques de ralentissement mondial : « Elles vont trop loin »
Getty Images

Alors que l’inflation mondiale continue de grimper, les banques centrales de nombreux pays tentent de freiner la machine en augmentant leur taux d’intérêt. Une réaction plutôt logique – bien que critiquée par certains, notamment pour l’agressivité ou la lenteur de leur réaction –, mais qui manque de concertation, selon des économistes.

Ces derniers estiment en effet que les banques centrales oublient de prendre en compte l’impact collectif de leur décision sur la demande mondiale, alors que le nombre de hausses des taux directeurs a été le plus élevé en juillet dernier depuis 1970, rapporte la Banque mondiale. Chaque semaine, de nouvelles hausses plus ou moins importantes des taux d’intérêt sont annoncées par différente banque nationale.

L’objectif derrière ses augmentations est simple : freiner la demande de biens et de services tout en rassurant les ménages et entreprises sur les mesures prises pour maîtriser l’inflation dans l’année à venir.

Egocentrisme

Sauf que certains craignent que les banques centrales se concentrent sur des réponses nationales à un problème mondial de demande excédentaire et de prix élevés, rapporte le Wall Street Journal. Certains économistes s’inquiètent qu’elles aillent trop loin et donc, qu’elles poussent l’économie mondiale dans un ralentissement plus profond que nécessaire.

« Le danger actuel… n’est pas tant que les mesures actuelles et prévues ne parviennent pas à juguler l’inflation. C’est qu’elles aillent collectivement trop loin et entraînent l’économie mondiale dans une contraction inutilement sévère », a écrit Maurice Obstfeld, ancien économiste en chef du Fonds monétaire international, dans une note.

Vision biaisée

Le fait est qu’il y a peu de signes qui montrent que les banques centrales des différents pays s’inquiètent de l’impact de leur décision sur leur homologue. Lors de la dernière réunion de la Fed, la Réserve fédérale américaine a une fois de plus souligné qu’elle continuerait d’augmenter ses taux d’intérêt tant que cela est nécessaire et prévoit de nouvelles hausses, de l’ordre de 1 à 1,25 point de pour cent au cours de ses deux prochaines réunions.

Et il devrait en être de même pour le Canada, le Mexique, le Chili, la Colombie, le Pérou, la zone euro, la Hongrie, Israël, la Pologne, la Roumanie, l’Australie, la Nouvelle-Zélande, la Corée du Sud, l’Inde, la Malaisie et la Thaïlande, dans une moindre mesure, estiment les économistes de JPMorgan.

Or, en se concentrant sur l’adéquation de l’offre et de la demande à l’échelle nationale, les banques centrales renforcent le resserrement excessif à l’échelle mondiale, ce qui pousse d’autres banques centrales à augmenter leur taux d’intérêt, tel un serpent qui se mange la queue.

« Les effets cumulés des retombées internationales du resserrement hautement synchrone des politiques monétaire et budgétaire pourraient causer plus de dommages à la croissance que ce à quoi on pourrait s’attendre d’une simple addition des effets des actions politiques de chaque pays », s’inquiète la Banque mondiale.

La question est de savoir s’il ne serait finalement pas préférable de s’accorder sur une stratégie commune pour faire face à un problème qui est intrinsèquement mondial ?

Une coordination internationale

Ce risque pourrait être réduit si les différentes banques centrales se coordonnaient pour affronter l’inflation mondiale, comme elles l’ont fait par le passé, notamment en 1985 et en 1987, lorsque les économies avancées ont agi ensemble pour faire baisser puis pour soutenir le dollar.

Mais le cadre n’est pas le même qu’à ces époques, selon Jerome Powell, le président de la Fed. « Nous sommes dans des situations très différentes », a-t-il indiqué lors de la dernière réunion, précisant que les banques centrales mondiales étaient en contact, mais que cela se limitait à un partage d’informations plutôt qu’à une possible coordination.

Reste que les décideurs politiques nationaux devraient prendre en compte les « retombées potentielles des politiques nationales synchrones à l’échelle mondiale », conseille la Banque mondiale. « Une coordination informelle serait bénéfique », a déclaré Philipp Heimberger, économiste à l’Institut d’études économiques internationales de Vienne. « Une réflexion systématique sur l’impact des hausses de taux d’intérêt devrait tenir compte de ce que font simultanément les autres banques centrales. Cela changerait la donne. »

Pour ce dernier, la Réserve fédérale américaine sous-estime – et néglige – l’impact de ses décisions économiques sur les autres pays du monde. Elle devrait donc « examiner sérieusement les implications de son cycle de hausse des taux d’intérêt » sur la stratégie adoptée ailleurs.

Il est vrai que tous les regards sont tournés vers la Fed lorsqu’une nouvelle réunion est annoncée, et ce, davantage que lorsque c’est la Banque centrale européenne qui se réunie.

Plus d'articles Premium
Plus