Pour laisser la Suède intégrer l’OTAN, la Turquie lui réclame 120 Kurdes. Problème : Stockholm n’a aucune idée de qui Erdogan parle

Depuis de nombreux mois, la Turquie fait barrage à l’entrée de la Suède dans l’OTAN. Principale pomme de discorde : la présence dans le pays scandinave de ressortissants kurdes considérés comme des terroristes par Ankara. Et si le nœud ne semble pas se dénouer, c’est que la Suède dit n’avoir aucune idée de l’identité des personnes à extrader.

Pourquoi est-ce important ?

Peu après le déclenchement de la guerre en Ukraine, la Suède et la Finlande se sont empressées de demander à intégrer l'OTAN. Une demande très bien accueillie par la quasi-totalité des membres de l'Alliance, mais pas par la Turquie. Si elle a fini par donner son feu vert à la Finlande, elle bloque toujours la candidature suédoise. Cela crée forcément des tensions au sein de l'OTAN... ce qui n'est pas pour déplaire à la Russie.

Dans l’actu : 120 personnes à extrader, mais lesquelles ?

  • Selon les informations du Wall Street Journal, si la Suède ne satisfait pas la demande de Recep Tayyip Erdogan d’extrader 120 militants kurdes, c’est qu’elle n’a aucune idée de qui il s’agit.
  • Une situation surréaliste qui explique le blocage total observé ces derniers mois.

Une demande « impossible à satisfaire »

Le détail : la Suède ne comprend pas.

  • En mars dernier, alors en pleine campagne électorale, Erdogan indiquait avoir fourni à la Suède une « liste d’environ 120 terroristes ». « Nous leur avons demandé de les envoyer en Turquie« , avait-il ajouté.
  • Ces personnes sont, selon Ankara, affiliées au Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), une organisation terroriste en conflit, notamment, avec les autorités turques.
    • A priori, ce n’est donc qu’une fois qu’elle aura extradé ces 120 personnes que la Suède pourra espérer obtenir le feu vert turc pour son entrée dans l’OTAN.
  • Quelques semaines avant cette déclaration, le Premier ministre suédois Ulf Kristersson avait déclaré que son pays avait satisfait certaines demandes turques, mais qu’Ankara voulait également des choses que « nous ne pouvons pas et ne voulons pas leur donner ».
  • Il semblerait désormais que ce que la Suède ne « peut pas » donner, ce sont ces 120 individus.

Les explications : une attitude qui plaît aux électeurs.

  • C’est le Wall Street Journal, se basant sur les confidences d’un haut responsable suédois, qui l’affirme ce vendredi dans ses colonnes.
  • La Suède n’aurait aucune idée de l’identité des 120 personnes ciblées par Erdogan. Et elle n’aurait en réalité même pas reçu une telle liste. Il lui est donc impossible de répondre à la demande du président turc.
    • Quand bien même Stockholm savait de qui Erdogan parlait, l’extradition de ressortissants étrangers devrait être décidée par la Cour suprême suédoise, qui agit indépendamment du monde politique.
  • « La manière dont Erdogan a publié ces chiffres a été un peu aléatoire », a confirmé Alper Coskun, ancien directeur général des affaires de sécurité internationale au ministère turc des Affaires étrangères et actuel membre du Carnegie Endowment for International Peace à Washington.
  • Si elle peut sembler lunaire, l’attitude d’Erdogan est intimement liée à l’élection présidentielle qui se tient ce mois-ci dans son pays. Opter pour une ligne dure sur ce sujet est particulièrement populaire.

Vers un relâchement post-électoral ?

Et maintenant : à quand un déblocage ?

  • Tout porte à croire qu’Erdogan remportera le second tour de l’élection ce week-end.
  • Selon certains analystes, une fois qu’il aura rempilé pour un nouveau mandat, il pourrait lâcher quelque peu lâcher la bride, pour le plus grand bonheur de la Suède.
  • Toutefois, sa ligne ne s’adoucira pas du jour au lendemain. À Stockholm, on doit s’attendre à patienter jusqu’au prochain sommet de l’OTAN, qui se tiendra à la mi-juillet à Vilnius.
  • En attendant, pour préparer le terrain, le parlement suédois a décidé ce mois-ci de renforcer les lois antiterroristes du pays.
    • Cela permettra notamment aux autorités suédoises d’annuler plus facilement un permis de séjour s’il s’avère qu’une personne a collecté des fonds pour le PKK par le biais d’une entreprise, comme un restaurant.
  • Notons qu’en plus de la Turquie, la Suède attend aussi le feu vert de la Hongrie. Budapest n’a jamais digéré les critiques suédoises sur son bilan démocratique et y a vu un bon moyen de tenir sa revanche.
    • L’obstacle hongrois semble toutefois moins difficile à franchir que le turc. Budapest s’était montrée tout aussi vindicative vis-à-vis de la Finlande plus tôt cette année, mais son parlement lui avait finalement donné son accord après quelques discussions.
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