La N-VA, qui ne veut pas entendre parler d’une sortie du nucléaire en 2025, accentue sa pression politique. Terrain de jeu: un refus de permis pour la construction d’une centrale à gaz au niveau provincial. Explications.
Dans l’actualité: la province du Brabant flamand a refusé d’accorder un permis à Engie-Electrabel pour la construction d’une nouvelle centrale à gaz à Vilvorde.
- La justification ? Le projet se heurte au plan climat de la ministre de l’Energie Zuhal Démir (N-VA). Selon le député provincial N-VA Gunther Coppens, qui s’est fait porte-parole du refus, la centrale à gaz d’une capacité de 870 MW émettrait trop d’azote, de CO2 et d’Amoniac.
- Or, un avis de l’administration que la VRT a pu consulter est favorable à la livraison de ce permis. La porte-parole de la ministre fédérale de l’Énergie, l’écologiste Tinne Van der Straeten (Groen) le confirme à l’Echo: « L’avis était positif sur toute la ligne, c’est la députation provinciale qui a décidé de refuser le projet. » Ce genre de refus alors que l’avis est positif n’interviendrait que dans 2% des cas.
- Même Engie se dit étonné par cette décision. Sa nouvelle centrale à gaz serait dernier cri, très performante en termes de limitation d’émissions de CO2.
L’essentiel. Ne nous méprenons pas. Ce qui se joue ici au niveau provincial est une bataille politique.
- Dès l’annonce du refus, le président de la N-VA Bart De Wever s’est empressé de tweeter: « Assez de temps et d’argent gaspillés par la procrastination. Assez d’incertitude créée à cause du dogmatisme. Annulons la sortie du nucléaire et concentrons-nous pleinement sur une politique énergétique durable, fiable et abordable avec l’énergie nucléaire. »
- La ministre de l’Énergie a déclaré à De Ochtend ce lundi refuser d’entrer « dans cette bataille politique ». Et argumente: « Si des centrales nucléaires sont fermées c’est parce qu’elles sont trop vieilles, parce qu’elles ne peuvent pas être prolongées, parce qu’elles présentent des fissures par exemple, qu’est-ce qu’il y a de dogmatique là-dedans? Rien. » Il est vrai que 5 des 7 réacteurs sont régulièrement à l’arrêt et sont déjà condamnés pour cause d’investissments jugés trop élevés pour assurer leur sécurité. La question de la sortie du nucléaire concerne donc principalement les deux derniers réacteurs les plus en activité, Doel 4 et Tihange 3.
The big picture. La N-VA attaque les écologistes sur leur terrain.
- On le sait. Pour compenser la fermeture des deux réacteurs restants, il est prévu de construire des centrales à gaz. Une solution provisoire qui sert d’argument récurrent pour les pros nucléaires: comment arriver à atteindre les objectifs de réduction de carbone en 2030 et 2050 en construisant des sites de production plus polluants sur papier en termes de CO2 ?
- En prétextant que la nouvelle centrale à gaz de Vilvorde va contre les ambitions climatiques de la Flandre, la N-VA met les écologistes face à leurs contradictions.
- Le même débat existe au sud du pays. Le MR n’a pas la même vision de la sortie du nucléaire qu’Ecolo et le PS. Interrogé en mars dernier sur la construction d’une centrale à gaz à Manage, Willy Borsus (MR), ministre wallon de l’Économie, ne voyait pas de bonne solution: « Accueillir de nouvelles centrales au gaz avec des obligations de compensations partielles (subsides) et, dans le même temps, fermer les centrales nucléaires, qui garantissent la stabilité et l’emploi, ça me conduit à croire qu’il est rigoureusement impossible de fermer les deux dernières centrales nucléaires si on veut respecter nos ambitions. »
- Dans les faits, la sortie du nucléaire est actée depuis 2003. Les écologistes regrettent que les gouvernements successifs n’aient pas pris les devants. Pour eux, la date butoir de 2025 doit nous contraindre à faire encore beaucoup plus pour le renouvelable.
- La fermeture des deux réacteurs restants est toutefois conditionnée à l’évaluation par l’Europe du CRM (le mécanisme de rémunération de la capacité), qui doit assurer la sécurité d’approvisionnement en électricité. Lancé en 2021, il permet, au moyen d’enchères annuelles, d’apporter un soutien aux unités qui peuvent fournir de l’électricité par d’autres moyens que le nucléaire ou économiser de l’électricité. En d’autres termes, les centrales à gaz pourraient être subventionnées.
- Pour l’heure, le renouvelable ne permet pas de compenser la sortie du nucléaire. La conséquence la plus vraisemblable est que nous devrons nous approvisionner à l’étranger. Parfois là où les centrales nucléaires continueront de tourner (ex: France et Pays-Bas), ou quand l’énergie est issue de production fossile (ex: Allemagne et son charbon).
- La sécurité d’approvisionnement ainsi qu’une éventuelle flambée des prix est souvent évoquée par ceux qui sont contre la sortie du nucléaire. Un clou sur lequel la N-VA frappe depuis longtemps. Ici, elle instrumentalise une province pour appuyer là où ça fait mal pour les écologistes: la construction de centrales à gaz émettrices de CO2 pour compenser la sortie du nucléaire. Par ce biais, elle entend bloquer le fédéral.
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