Si l’UE ne signe pas d’accord avec Moderna, les premiers vaccins européens pourraient être envoyés à l’autre bout du monde

Le patron de la société américaine de biotechnologie Moderna a prévenu mardi les Européens que le prolongement des négociations pour acheter des doses de son vaccin contre le Covid-19 risquait de ralentir les livraisons, d’autres pays étant prioritaires car ils ont signé depuis des mois.

‘On a des discussions, mais on n’a pas de contrat’, a dit Stéphane Bancel à l’AFP depuis Cambridge, dans le Massachusetts, où la société est basée.

Des ‘discussions avancées’ ont bien été annoncées avec la Commission européenne le 24 août pour l’achat de 80 millions de doses du vaccin, mais aucun engagement ferme n’a été signé depuis. Entre temps, Moderna a signé avec le Canada, le Japon, Israël, le Qatar, le Royaume-Uni… Sans compter les 100 millions de doses promises début août aux Etats-Unis.

‘C’est qu’il y a plein de choses administratives, les dossiers, des trucs, des alignements entre les pays et c’est juste compliqué à gérer quand vous êtes 27 par rapport à quand vous êtes tout seul’, dit Stéphane Bancel. Il compare au Canada: entre les premières discussions avec les médecins de Moderna et la signature du contrat, ‘ça a mis deux semaines’.

La conséquence: ‘C’est clair que d’avoir pris du retard, ça ne va pas limiter la quantité totale, ça va ralentir la livraison’, dit-il. Pour tous les pays hors Etats-Unis, la production se fera en Suisse, dans les usines du groupe Lonza, et la mise en flacons à Madrid, chez le groupe Rovi.

Suisse, Japon, Israël, Canada, etc.

Si jamais le vaccin était autorisé par l’Agence européenne du médicament avant la fin de l’année, mais qu’aucun contrat n’était encore signé, ‘les allocations des premières livraisons ne comprendraient pas d’Europe. Donc, ça partirait en Suisse, ça partirait un petit peu au Japon, en Israël, au Canada, donc aux pays qui en ont commandées. Mais ceux qui n’ont pas commandé, je ne vais pas leur envoyer des produits’.

‘Plus ils attendent, plus ce sera décalé dans le temps’, insiste Stéphane Bancel. Selon lui, les discussions ne bloquent pas sur le prix, mais il refuse d’en dire davantage publiquement.

Il compare les tergiversations européennes à l’anticipation du gouvernement américain. Dès le 2 mars, lui-même et les patrons de grands laboratoires étaient à la Maison Blanche autour de Donald Trump.

Opération Warp Speed

Les Etats-Unis ont accordé un demi-million de dollars à Moderna dès avril, pour financer les essais cliniques. Au total, la biotech a reçu 2,5 milliards de dollars d’argent public américain, sous l’égide de l’opération Warp Speed, lancée officiellement le 15 mai.

‘L’opération Warp Speed a été l’une des choses les plus efficaces’, souligne le patron. ‘On a commencé à discuter avec plusieurs pays européens au mois de mai. On n’a eu aucune aide pour payer aucune étude clinique. Tout a été pris par le gouvernement américain et heureusement qu’ils l’ont fait, sinon on n’aurait pas pu développer le vaccin à ces vitesses-là, comme vous le savez on est une société qui n’a jamais fait un euro de profit, et l’étude clinique a coûté 1 milliard de dollars’, poursuit-il.

Résultat, les premiers américains seront sans doute vaccinés avant le Nouvel an: ‘On a déjà plusieurs millions de doses en magasin aux Etats-Unis’, confirme Stéphane Bancel.

Dix millions de doses devraient être en stock avant la fin novembre, et ‘on aura d’ici la fin de l’année les 20 millions de doses’.

Ces 20 millions de doses seront exclusivement destinées aux Etats-Unis. Moderna prépare en outre depuis des mois la chaîne logistique avec le gouvernement américain pour livrer les doses dès que l’Agence américaine des médicaments (FDA) aura autorisé le vaccin, une décision attendue en décembre. Le but, dit-il, est que dès le feu vert de la FDA, Moderna puisse ‘charger les camions et partir’.

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