La ville est un pion important sur l’échiquier économique mondial. Son activité économique est à l’arrêt, ou tourne au ralenti, selon les secteurs, et cela touche toute l’économie mondiale.
Depuis plus de deux semaines, la ville de Shanghai est placée sous cloche, pour endiguer une nouvelle vague de cas covid. Plus de 25 millions de personnes sont sommées de rester cloîtrées chez elles, et la ville est à l’arrêt. Mais Shanghai joue un rôle éminemment important dans l’économie mondiale, et un tel confinement ne va pas sans impact sur le reste du monde.
Les impacts peuvent toucher l’économie de trois manières différentes, rapporte CNN Business. Il s’agit du transport et de la logistique, de la manufacture et de la technologie, et du monde des affaires.
Le port à conteneurs le plus actif du monde
La Chine est un pays qui exporte énormément de biens, et ce partout dans le monde. Plus d’un dixième de tout commerce extérieur chinois passe par Shanghai. Son port est le port le plus affairé du monde, en termes de conteneurs déplacés. Sur l’année 2021, l’équivalent de 47 millions de conteneurs de 20 pieds y a transité. Il s’agit de 16,7% des envois chinois de conteneurs, en 2021.
A côté du port, les aéroports de la ville (Pudong et Hongqiao) sont également très actifs : en 2019, 122 millions de passagers y ont transité. Le ciel de la ville est ainsi le quatrième le plus affairé du monde, après Londres, New York et Tokyo.
Malgré la vague d’infections et le confinement, les activités portuaires peuvent continuer – pour l’instant. Les travailleurs sont souvent installés dans des systèmes de « boucle fermée », coupée du reste du monde, pour éviter les contacts avec des zones contaminées et pouvoir continuer l’activité. Mais des cas peuvent toujours arriver, malgré tous les efforts, a-t-on bien pu constater ces deux dernières années. Et qui dit vague de contaminations, dit également équipes réduites le temps des quarantaines.
L’activité portuaire est donc au ralenti, ce qui aggrave une situation déjà tendue sur les chaines d’approvisionnement depuis près de deux ans. Selon les données du secteur, à la fin du mois de mars le nombre de bateaux qui attendaient pour entrer dans le port était en train d’exploser. Or, le confinement a commencé à la toute fin du mois de mars, donc depuis la situation de congestion risque bien de s’aggraver de jour en jour. Lundi, 457 porte-conteneurs attendaient pour entrer dans le port, soit 15% de plus qu’en mars. Les camionneurs rencontrent également des difficultés pour faire entrer ou sortir des conteneurs à temps du port, ce qui ajoute encore des problèmes de congestion.
Le cargo par avion n’est pas exempt de retards. Les vols avec passagers sont massivement annulés à cause du confinement, mais une part importante du cargo est transporté via ces vols commerciaux. Les vols par avion-cargo voient donc leur demande fortement augmenter, et les prix sont en hausse.
La manufacture du monde
Si le port reste opérationnel, ce n’est cependant pas le cas pour de nombreuses usines. Et la région de Shanghai compte énormément d’usines qui livrent partout dans le monde, notamment celles des fabricants de voitures Volkswagen, General Motors, Nio et Tesla avec sa gigafactory. Ford y tient un centre pour le design des voitures. Des fabricants de semiconducteurs y sont également installés, notamment le Taïwanais TSMC, et les Chinois SMIC et Hua Hong.
Depuis quasi deux ans, à cause du covid, les chaines d’approvisionnement des voitures et celles des semiconducteurs sont sévèrement congestionnées, et avec ce confinement les retards vont continuer à se creuser.
Une ville pour les affaires
Shanghai est souvent appelée la capitale économique de la Chine, et en tout cas la ville accueille la bourse chinoise (une deuxième, plus petite, se trouve à Shenzhen). Elle est la troisième plus importante du monde en comptant la valorisation des entreprises qui y sont cotées : 7.300 milliards de dollars. Elle se trouve derrière New York et Londres. Les négociations peuvent continuer, mais à un coût particulier : des cas d’investisseurs devant dormir dans leur bureau avaient fait le tour de l’actualité.
Les entreprises qui y sont cotées sont en grande partie de grandes entreprises publiques chinoises. Certaines ont des antennes partout dans le monde, comme la banque ICBC qu’on retrouve également en Belgique. Le fabricant de boissons alcoolisées le mieux coté au monde, Kweichow Moutai, y est également présent. Avec le confinement les valeurs baissent généralement, mais il est difficile de dire quel impact cela aura sur les autres marchés, qui n’ont pas vraiment de connexion directe avec la bourse de Shanghai. Mais il est sûr que les investisseurs étrangers seront impactés.
Shanghai est également la ville chinoise au plus important PIB du pays, avec 4.320 milliards de yuans (627 milliards d’euros), soit plus de 3% du PIB du pays. La ville est la place forte pour les entreprises étrangères qui veulent avoir un pied en Chine. Elle accueille par exemple les sièges chinois de plus de 800 multinationales, et plus de 70.000 entreprises étrangères y sont présentes, avec des boutiques et des bureaux. Elles subissent donc toutes, à échelle mondiale, les effets de ce confinement.
Zéro-covid
L’économie mondiale subira donc les effets de ce confinement, qui alimentera la pression de la demande sur l’offre, et donc l’inflation. La seule bonne nouvelle est que les prix du pétrole baissent dès l’annonce d’un confinement ou d’une prolongation d’un confinement en Chine. Mais tout de même, l’effet n’est que temporaire, et les prix restent relativement élevés à cause de la guerre en Ukraine et de la volonté à se débarrasser des produits pétroliers russes.
Au-delà des dommages pour l’économie mondiale, l’économie chinoise en souffre également. Pékin a déjà annoncé l’anticipation d’un taux de croissance particulièrement bas pour 2022, mais cette annonce était faite avant les confinements récents de zones économiquement importantes, comme Shenzhen également peu avant Shanghai.
C’est que la Chine maintient une stratégie stricte pour endiguer les vagues de covid, appelée zéro-covid. Selon des spécialistes de la banque Nomura cités par CNN, 45 villes sont en confinement, du moins partiellement, et un quart de la population, tout comme 40% de l’activité économique, en sont touchés. Certains y voient une vague impossible à endiguer (comme la vague omicron en Europe, qui a été la décrue du covid), et pensent que la Chine pourrait petit à petit arrêter cette stratégie. Mais dans l’immédiat, il n’y a pas de signes pour un relâchement, et personne ne sait quand la situation à Shanghai se déliera.