Semaine cruciale pour les négociations entre le gouvernement fédéral et Engie : d’abord la grand-messe de la mer du Nord à Ostende, puis la commande du combustible nucléaire

Du beau monde à Ostende aujourd’hui : entre autres, le Premier ministre britannique Rishi Sunak, le président français Emmanuel Macron ou encore le chancelier allemand Olaf Scholz. Ils sont tous invités au grand sommet de la mer du Nord où Alexander De Croo (Open Vld) joue le rôle d’hôte. Un moment important pour le Premier ministre : il peut à nouveau se montrer sur la scène internationale. « Ce n’est pas sans importance, compte tenu de ses plans de carrière », nous explique une source gouvernementale. Mais dans le même temps, De Croo et sa ministre de l’Énergie, Tinne Van der Straeten (Groen), s’occupent du dossier chaud avec Engie : la prolongation des centrales nucléaires. On joue désormais le temps additionnel. « Cette semaine, la décision doit être prise, car le combustible nucléaire doit être commandé », explique un initié. Mais le fait que tout ne tourne pas rond aurait beaucoup à voir avec Groen et Ecolo, si on en croit l’une de nos sources. « À Paris, ils n’ont pas apprécié la récente surenchère dans les déclarations des Verts », affirme un partenaire de la coalition, notamment celles du coprésident d’Ecolo, Jean-Marc Nollet. « Que nous ne voulions pas d’un accord est un mensonge de la pire espèce », a rétorqué Van der Straeten.

Dans l’actualité : « Aucun combustible n’a encore été commandé », a reconnu la ministre de l’Énergie Van der Straeten sur Radio 1.

Les détails : Cela met une pression réelle sur les négociations concernant l’extension de Doel 4 et de Tihange 3. Si ces centrales doivent être exploitées pendant les hivers 2026-2027, mais surtout 2025-2026, le nœud doit être délié cette semaine.

  • Money time dans les négociations avec Engie pour la Vivaldi. Le gouvernement fédéral a préparé une belle chronologie des dossiers à venir : aujourd’hui, le grand sommet de la mer du Nord, une grand-messe des relations internationales, pour la Belgique bien sûr, mais aussi pour Alexander De Croo. Mais après cela, il est impératif de terminer les négociations sur la prolongation des centrales nucléaires, puis sur les pensions et enfin sur la réforme fiscale.
  • C’est avec Van der Straeten, sa ministre de l’Énergie, que De Croo mène les négociations cruciales avec le géant français de l’énergie. « Chaque jour, on progresse », a déclaré la ministre avec enthousiasme sur Radio 1 ce matin, à propos d’une négociation qui traîne depuis plus d’un an. Elle reconnait toutefois les difficultés : « Les négociations sont très intenses, mais nous travaillons pour parvenir à un bon accord pour tous les Belges ».
  • La semaine dernière encore, une réunion avec Catherine MacGregor, la PDG d’Engie, a eu lieu à Bruxelles, ont confirmé des sources gouvernementales. En outre, de nombreux appels vidéo ont été organisés. « Les négociations ne peuvent aboutir que si l’on fait preuve de la discrétion nécessaire. Mais il s’agit essentiellement de deux points cruciaux : la sécurité d’approvisionnement et la facture des déchets », a déclaré Van der Straeten.
  • Par ailleurs, la ministre verte a répété « que pour elle, cette prolongation de la durée de vie est directement liée à la guerre en Ukraine » : c’est la seule raison pour laquelle les Verts et Ecolo ont cédé.
  • Les écologistes ne croient donc pas en l’énergie nucléaire, ce qui, ironiquement, correspond à la partie de l’autre côté de la table : Engie n’a que le parc nucléaire belge dans son portefeuille et est beaucoup plus axé sur les énergies renouvelables. Ils veulent essentiellement se débarrasser des risques liés à ces centrales et en particulier de la facture des déchets. Le plafonnement de la facture pour le démantèlement des centrales et l’élimination des déchets est en fait la seule chose qui les intéresse vraiment.
  • Cela rend les négociations très asymétriques : Engie n’a besoin de rien en plus et se penche en arrière sur sa chaise. La Vivaldi doit, elle, impérativement obtenir un accord. Et c’est là que la double attitude du camp belge joue un rôle crucial, selon des sources qui connaissent bien le dossier. « L’irritation à Paris est grande, suite aux déclarations répétées des Verts en Belgique », sait un initié de la Vivaldi. « Nous sous-estimons la gravité de la situation à Paris. »
  • Jean-Marc Nollet, le co-président d’Ecolo, serait directement concerné par le courroux d’Engie. Celui-ci était sur LN24 vendredi dernier, où il a laissé échapper quelques saillies :
    • « Ces négociations vont montrer une fois pour toutes le coût réel du nucléaire. Les déchets que l’on oublie toujours. Il faut des centaines de milliers d’années pour les nettoyer ».
    • « C’est pourquoi il faut appliquer le principe de pollueur / payeur. Sinon, ce sont les citoyens belges qui devront débourser des milliards. C’est pourquoi cela prend du temps. »
    • « Aujourd’hui, environ 14 milliards d’euros de provisions ont été constitués, mais c’est tout à fait insuffisant. Il faut plusieurs milliards d’euros en plus. »
    • « Mais si Engie ne conclut pas l’accord maintenant, il devra payer de toute façon. Nous n’allons pas nous laisser faire. »
    • Un levier d’action pour faire pression ? « Il s’agit d’une société cotée en bourse. Si les chiffres devaient être rendus publics, ce serait mieux pour eux qu’il y ait un accord. Il faut bien comprendre que pour eux, il s’agit de dettes. Un chantage ? Non, cela permet d’expliquer pourquoi les négociations prennent tant de temps. Soit ils trouvent un accord avec nous, soit l’endettement sera rendu public et pèsera sur le cours de bourse. »
  • Par ces déclarations, Nollet a considérablement compliqué les négociations, au grand dam des principaux négociateurs. La frustration persiste donc au sein de la Vivaldi, avec les mêmes accusations : veulent-ils vraiment un accord chez les Verts ? Ne sont-ils pas en train de faire du sabotage ? Ce matin, Van der Straeten a rejeté toute critique à ce sujet : « Que nous ne voulions pas d’un accord est un mensonge de la pire espèce. »

L’essentiel : l’horloge tourne contre la Vivaldi. Depuis des mois.

  • D’abord, Alexander De Croo voulait un accord pour l’été 2022. Cela n’a pas marché, et discrètement, la présentation d’un accord a été ajournée à la fin de 2022. Le Premier ministre a négocié au finish, jusqu’au 31 décembre, avant de rejoindre sa famille en vacances au ski à minuit. Finalement, De Croo n’a pu obtenir qu’un accord partiel qui n’engageait à rien. Le nouveau délai a ensuite été repoussé à la mi-mars, « avant l’examen du budget », mais toujours rien. Désormais, nous sommes fin avril, et c’est le money time.
  • Car la Vivaldi a toujours voulu garantir la sécurité d’approvisionnement, certainement pour les deux hivers problématiques. Et il y a une donne importante à ce sujet : « Le combustible nucléaire n’a toujours pas été commandé. Il faut que cela se fasse cette semaine, sinon il sera trop tard », a déclaré une source haut placée de la Vivaldi, en marge des discussions.
  • Van der Straeten n’a pas eu d’autre choix que de l’admettre sur Radio 1 ce matin : « Il est vrai que le combustible n’a pas encore été commandé, mais la situation n’est pas critique« , a-t-elle déclaré. « Nous sommes toujours sur la bonne voie pour l’hiver 26-27 et, de préférence, pour l’hiver précédent. »
  • Ce dernier point est certainement crucial : l’approvisionnement en électricité doit également être garanti pour l’hiver 25-26. Il a un moment été question de prolonger d’autres réacteurs, mais les discussions portent bien sur Doel 4 et Tihange 3.
  • La Belgique négocie quoiqu’il arrive avec le couteau sous la gorge, au sujet de la facture des déchets. Celle-ci a été budgétisée à plus de 40 milliards d’euros, alors que le fonds Synatom d’Engie, qui devrait payer cet assainissement, ne contient « que » 14 milliards d’euros, comme l’a souligné Nollet la semaine dernière.
  • Ainsi, le dossier nucléaire menace d’emblée de devenir le dossier à l’héritage financier au plus fort potentiel de la Vivaldi. Car les chiffres qui circulent indiquent une grande différence de position : le plafond pour Engie serait d’environ 20 milliards d’euros, soit la moitié de ce que les experts belges considèrent comme réaliste.

À l’ordre du jour aujourd’hui : Un sommet international important à Ostende.

  • Cela faisait longtemps que la reine des stations balnéaires n’avait pas reçu autant de monde : toute une série de chefs de gouvernement, de neuf pays au total, se sont retrouvés à Ostende pour un sommet de la mer du Nord : les Premiers ministres de Belgique, du Royaume-Uni, des Pays-Bas, du Luxembourg (qui se retrouve soudainement sur la mer du Nord), de l’Irlande, de la Norvège, du Danemark, ainsi que le chancelier allemand et le président de la République française. Préparez-vous à la dose nécessaire de « tapis rouge » dans les journaux télévisés belges.
  • Autre fait notable : tous ces Premiers ministres, le président et le chancelier ont rédigé ensemble un article d’opinion publié dimanche soir sur Politico. Il s’agit plutôt d’un communiqué de presse, contenant des phrases retentissantes telles que « la mer du Nord pourrait être la plus grande centrale électrique du monde » et « ensemble, nous mettrons l’Europe sur la voie de l’alimentation de notre économie, grâce à des centrales électriques offshore ».
  • Certes, avec Emmanuel Macron, De Croo pourra parler un peu du dossier Engie en marge du sommet : l’État français reste bien le premier actionnaire de l’énergéticien français.
  • En même temps, le sommet devrait devenir un « sommet d’action », comme l’a annoncé le gouvernement belge. Le rôle de Van der Straeten est de se concentrer sur le dossier de l’énergie. Pour ce faire, il faut que la mer du Nord dispose d’une puissance éolienne de 300 gigawatts d’ici à 2050, contre 30 gigawatts aujourd’hui. De quoi alimenter 300 millions de ménages européens. Et les choses doivent aller vite : d’ici la fin de la décennie, nous devrions atteindre un total de 120 gigawatts. La question est de savoir si ces chiffres sont réalistes : les objectifs les plus récents n’ont pas du tout été atteints.
  • Le ministre de la Mer du Nord, Vincent Van Quickenborne (Open Vld), est chargé de la section « sécurité » : après les attaques contre les gazoduc Nordstream et le récent passage d’un navire-espion russe au large des côtes belges, ce thème est particulièrement d’actualité.
  • Mais ce qui est aussi intéressant, c’est l’attrait international de ce sommet pour De Croo. Il est communément admis dans la rue de la Loi, et en tout cas dans son propre parti, que l’actuel Premier ministre ne restera pas dans la politique belge, s’il n’était pas en mesure de briguer un deuxième mandat au 16. Et compte tenu de la complexité de la formation d’un gouvernement, ainsi que de la part de chance dans la distribution des cartes, il est bien compliqué de faire un pronostic.
  • « Non, Alexander ne siègera plus à la Chambre s’il n’est plus Premier ministre. C’est ainsi que ça fonctionne pour n’importe quel Premier ministre », entend-on au sein du parti libéral.
  • Le Premier ministre envisage donc de partir à l’étranger, de préférence pour occuper un poste international de premier plan : il n’a qu’une quarantaine d’années et la moitié de sa carrière devant lui. « En effet, ce niveau n’est pas sans importance pour le Premier ministre, compte tenu de ses plans de carrière. Nous le pensons aussi », a déclaré en souriant une autre source gouvernementale.
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