Vendredi dernier a eu lieu un nouvel épisode dans la saga Musk/Twitter. Le conseil d’administration de l’entreprise a annoncé qu’il allait mettre en œuvre un plan connu sous le nom de « pilule empoisonnée ». Une tactique destinée à rendre la vie difficile à Elon Musk. Ce lundi, on en a appris davantage sur cette arme.
Dans un communiqué de presse publié vendredi, le conseil d’administration de Twitter a annoncé qu’il adoptait un plan de droits des actionnaires à durée limitée appelé « pilule empoisonnée ». L’objectif est clair: rendre plus difficiles les conditions d’achat de l’entreprise par Elon Musk. Qui, pour rappel, détient déjà 9% des actions de Twitter, et qui a fait jeudi une offre à plus de 42 milliards de dollars pour s’adjuger toutes les autres, évaluées dès lors à 54,20 dollars pièce.
Ce lundi, le plan autour de cette « pilule empoisonnée » a été détaillé dans un document déposé auprès de la Securities and Exchange Commission (SEC). Le principal mécanisme consiste à donner à tous les autres actionnaires de Twitter le droit d’acheter une action supplémentaire pour chaque action qu’ils possèdent avec une décote. Chacun d’entre eux qui voudra exécuter son droit d’acheter de nouvelles actions devra payer 210 dollars par action, tandis que Musk devra payer le double. Le plan sera exécuté à partir du moment où celui qui possède déjà Tesla et SpaceX portera sa participation dans Twitter à 15%.
Une fois déclenchée, la « pilule empoisonnée » restera en place pendant un an. Elle est aussi valable si un autre investisseur que Musk tente de faire main basse sur Twitter.
« Un combat de MMA pour Twitter »
Une seule chose est certaine: l’arme dégainée par le CA de Twitter va compliquer la tâche de Musk. Pour le reste, personne ne peut prédire ce qu’il va se passer, rapporte CNN. « La semaine prochaine (autrement dit, celle-ci, ndlr) sera probablement riche en événements, car nous attendons que les deux parties nous informent officiellement de leur prochaine action dans ce combat de MMA pour Twitter », a déclaré dimanche Dan Ives, analyste de Wedbush, dans une note aux investisseurs dimanche.
Théoriquement, cette « pilule empoisonnée » pourrait le stopper net. Mais Musk n’est pas du genre à abandonner si rapidement. C’est une option que peu d’analystes envisagent. D’autant plus qu’il a déclaré la semaine dernière qu’il avait un « plan B » si son offre n’aboutissait pas, sans en dévoiler davantage.
Certains experts estiment que Musk pourrait se lancer dans une offre publique d’achat conditionnelle. en subordonnant la vente des actions au retrait de la « pilule empoisonnée » par le CA de Twitter. Si les actionnaires offrent effectivement leurs actions à cette condition, théoriquement, le plan prévu ne pourra pas être activé. Il pourra dira au CA : « Écoutez, j’ai les actions prêtes à m’être données, la seule raison pour laquelle elles ne peuvent pas l’être est que vous, le conseil d’administration, bloquez la volonté des actionnaires », a expliqué Ele Klein, associé et chef du groupe des fusions et acquisitions et des valeurs mobilières du cabinet d’avocats Schulte, Roth & Zabel.
Négocier avec le CA ?
Il n’est pas non plus impossible que Musk se décide à entrer directement en négociation avec le CA de Twitter, bien qu’il lui soit hostile. Il pourrait lui exposer son plan de financement de l’opération et ce qu’il prévoit pour le futur de l’entreprise, afin d’obtenir leur adhésion. De cette façon, si le CA donne son accord, la « pilule empoisonnée » ne sera pas mise en œuvre.
Pour l’instant, cette piste n’a que peu de chances d’aboutir, estiment les analystes. Car les membres du CA n’ont pas vraiment confiance en Musk, lequel a lui-même qualifié jeudi son opération de rachat de « difficile », reconnaissant « ne pas être sûr d’être en mesure de acquérir [Twitter]« . Bien qu’il soit l’homme le plus riche du monde, beaucoup se posent des questions sur la façon dont il trouverait les liquidités nécessaires pour financer cette transaction.
Pour se monter plus convaincant, Musk pourrait s’associer à une société de capital-investissement. Cela l’aiderait à clarifier la façon dont l’opération serait financée. Et cela pourrait aussi potentiellement augmenter le prix de son offre. Mais il faudrait bien sûr que Musk accorde ses violons avec son (voire ses) partenaire(s). Ce qui ne sera pas une sinécure, tant le dossier étant complexe.
Ou alors, une attitude agressive
Parmi les autres options qui s’offrent à Musk, il y a également la possibilité pour lui de contester cette « pilule empoisonnée » devant les tribunaux. Il pourrait justifier une telle poursuite en arguant que la stratégie adoptée par le CA de Twitter va à l’encontre de l’intérêt des actionnaires. Cela ferait entrer le dossier dans un contexte encore plus tendu. Mais n’oublions pas que, globalement, Musk n’entretient pas spécialement des relations cordiales avec les régulateurs. Et qu’il y a même déjà une plainte à son encontre dans le cadre de sa prise de capital dans Twitter, qu’il a divulguée avec du retard par rapport aux délais imposés par la SEC.
Enfin, Musk pourrait tout simplement continuer à faire pression sur le CA de Twitter depuis l’extérieur pour que celui-ci l’adoube. En dégainant les arguments démontrant pourquoi son rachat serait bénéfique pour les actionnaires – et que c’est ce que ceux-ci veulent à tout prix.
Vous l’aurez compris, les pistes qui s’offrent à Musk sont multiples et comportent chacune leur lot d’avantages et d’inconvénients. Mais il s’était sans doute préparé au fait que le CA sorte la « pilule empoisonnée » de son chapeau. Et personne ne doute qu’il saura faire rebondir la saga dans les prochains jours (voire les prochaines heures).