Après plusieurs mois de chute, l’euro a rebondi face au dollar ces derniers jours. Mais selon l’économiste Eric Dor, directeur des études économiques à l’IESEG School of Management, la reprise de l’avantage de l’euro sur le dollar devra encore attendre.
Pourquoi un euro fort par rapport au dollar n’est pas attendu avant des mois

Pourquoi est-ce important ?
Un euro faible par rapport au dollar favorise nos exportations. Mais il a beaucoup d'autres désavantages, à commencer par créer de l'inflation. En effet, de nombreuses matières premières ainsi que les énergies fossiles se négocient en dollar, ce qui place l'Europe, et les économies émergentes, dans une situation délicate.Dans l’actu : l’euro a repris du poil de la bête.
- Le dollar a chuté de 4% en novembre par rapport à un panier de six autres devises, dont l’euro. La cause est à aller chercher du côté des chiffres de l’inflation, moins importants que prévu.
- Il ne faut toutefois pas crier victoire trop vite pour l’euro. Car au cours des 24 derniers mois, l’euro a lâché plus de 10% par rapport au dollar, passant de 1,2 dollar pour 1 euro, à 0,96 dollar, au plus bas, en septembre. Deux mois plus tôt, en juillet, la parité avait été atteinte pour la première fois en deux décennies et l’introduction de l’euro.
- L’euro est remonté à 1,04, vendredi, pour connaitre un nouveau tassement ce lundi à 1,02, au moment de la rédaction de cet article.

Le contexte : pourquoi cette chute et puis cette remontée de l’euro ?
- La chute de l’euro par rapport au dollar est le fruit d’un retard de la BCE par rapport à la Fed, la banque centrale américaine. Son président, Jerome Powell, a levé les taux d’intérêt plus tôt et plus fort que Christine Lagarde.
- Les marchés étaient d’avis que cet écart allait rester substantiel pour un certain temps : car l’économie européenne n’était pas aussi solide que l’économie américaine. La source de l’inflation aux États-Unis est surtout à aller chercher du côté d’une économie et d’un marché du travail en surchauffe. En Europe, c’est essentiellement le fruit des prix de l’énergie.
- Et puis il y a cette peur, en Europe, de connaitre une nouvelle crise de la dette : c’est pourquoi la BCE s’est montrée d’emblée plus prudente (trop, diront certains).
- « Il était donc logique pour les investisseurs internationaux de préférer acheter des actifs libellés en dollar plutôt qu’en euro, et donc à acheter du dollar », explique Eric Dor, économiste à IESEG de Lille. Face à une économie européenne plus fragile et touchée de plein fouet par la crise énergétique, le dollar a joué son meilleur rôle : celui de valeur refuge.
- Et puis le tournant, depuis le mois d’octobre : les investisseurs sentent arriver le pic de l’inflation aux États-Unis, ce que sont venus confirmer les chiffres. Les marchés anticipent une baisse progressive de la hausse des taux d’intérêt outre Atlantique. L’Europe devrait rattraper son retard sur les États-Unis.
Pas d’euro fort avant 6 mois
L’enjeu : il n’est peut-être pas très prudent de parier sur une forte reprise de l’euro à court terme.
- « La poursuite de cette appréciation de l’euro est très incertaine, en tout cas au cours des prochains mois », explique Eric Dor. En effet, l’Europe voit arriver en pleine face à la récession pour ce 4e trimestre.
- Ce qui signifie que la BCE pourrait adoucir sa politique monétaire plus rapidement que prévu. Au contraire de certains gouverneurs de la Fed qui estiment qu’il est trop tôt pour desserrer le frein à main. La conséquence est qu’un gros écart pourrait subsister entre le taux américain et le taux européen.
- « Une grande volatilité des taux de change va donc persister assez longtemps, sans qu’il soit aisé de déceler une orientation très précise à moyen terme », estime l’économiste. « On pourrait avoir à attendre une bonne demi-année, à condition que la situation géopolitique se calme, avant qu’une forte appréciation de l’euro contre le dollar puisse commencer.