Plus écologique et moins cher que les fusées: une gigantesque fronde pour partir dans l’espace

Alors que les propulsions traditionnelles sont accusées d’être fort polluantes, des ingénieurs réfléchissent à de nouvelles méthodes pour envoyer vers l’espace une charge utile. Et on n’est parfois pas très éloigné d’un roman de science-fiction un peu rétro, comme avec SpinLaunch, qui mise sur une centrifugeuse électromagnétique pour propulser un véhicule vers le ciel. Sauf que les premiers tests sont vraiment concluants.

Le trafic se multiplie autour de notre petite planète : entre le tourisme spatial en plein essor et les réseaux de satellites que veulent mettre en place plusieurs grands opérateurs privés, il est loin le temps où les lancements se limitaient au ravitaillement régulier des résidents de la Station spatiale internationale. Or, envoyer des gens ou du matériel dans l’espace, ou même en orbite basse, à un coût certain et un impact non négligeable sur les émissions de gaz à effet de serre : quand Jeff Bezos s’envole tutoyer les étoiles, il émet plus de carbone en quelques dizaines de minutes que certains habitants de la planète sur toute une vie.

La technologie de la fronde, mais avec l’électricité

Dans ce contexte, chercher des moyens alternatifs pour s’arracher à l’attraction terrestre n’est pas à négliger. La firme américaine SpinLaunch travaille à une solution qui semble plutôt prometteuse : une centrifugeuse. L’idée est de placer le projectile que l’on désire expédier dans un milieu sous vide, puis de le faire accélérer dans la boucle de la machine jusqu’à lui faire atteindre des vitesses supersoniques. Il suffit ensuite de lâcher l’obus dans une tuyère pointant vers la direction souhaitée, et il s’envolera… Comme une fusée. C’est le principe de la fronde : tirer parti de l’énergie cinétique accumulée avant de lâcher le projectile en direction de sa cible. Une technique que l’humanité maîtrise depuis l’aube de la civilisation, du moins pour ce qui concerne la chasse aux petits oiseaux ; pour faire décoller un engin spatial, c’est quand même un peu plus compliqué, mais avec la technologie électromagnétique, il est maintenant possible de faire atteindre de très grandes vitesses à un très gros projectile, un peu comme avec un railgun.

Et les tests sont prometteurs : le 22 octobre dernier, l’équipe de SpinLaunch a testé à grande échelle sa centrifugeuse au centre de lancement de SpacePort America, au Nouveau-Mexique. Avec une centrifugeuse de 50 m de haut, soit un tiers de moins que celle que la firme envisage de construire pour une utilisation commerciale, elle a pu faire accélérer jusqu’à « plusieurs milliers de kilomètres par heure » un véhicule réutilisable de 3 mètres de long et lui permettre ainsi d’effectuer un vol suborbital. Une démonstration des plus impressionnantes, selon Jonathan Yaney, le PDG de SpinLaunch: « C’est une façon radicalement différente d’accélérer des projectiles et de lancer des véhicules à des vitesses hypersoniques à l’aide d’un système au sol. » Selon lui, ces résultats n’ont été obtenus qu’à 20% des capacités de la machine.

Placer des satellites en orbite

Le projet SpinLaunch est en tout cas scruté avec beaucoup de sérieux par les acteurs de l’aérospatiale : la firme avait récolté plus de 80 millions de dollars d’investissement en janvier 2020, de la part de donateurs aussi prestigieux que Google Ventures ou Airbus Ventures. Une bourse qui a depuis encore gonflé pour atteindre les 110 millions de dollars.

L’équipe espère, dans un futur assez proche, mettre au point une centrifugeuse capable d’envoyer à 60 kilomètres d’altitude un engin doté d’un moteur, celui-ci prenant ensuite le relais, dans une gravité déjà fort atténuée, pour emmener le véhicule jusqu’à l’orbite où il pourra placer une charge utile de 200 kg, un satellite par exemple. Une trentaine de lancements en test sont envisagés avant de passer aux choses sérieuses.

Quant à envoyer des humains dans l’espace via cette technique, mieux vaut toutefois ne pas y penser : personne de sain d’esprit n’a envie de se retrouver dans une centrifugeuse aussi puissante. On préfèrera encore un bon moment la fiabilité d’une bonne vieille fusée à propulsion chimique.

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