Les 27 se réunissent en visioconférence ce jeudi pour trouver une ébauche de compromis. Le but est d’établir une stratégie de relance économique. Il n’y aura toutefois pas de déclaration formelle, car il faut d’abord apaiser les tensions. Pas sûr que les sorties de plusieurs eurodéputés français sur les Pays-Bas servent la cause.
C’est la 4e fois que les chefs d’État et de gouvernement se réunissent depuis le début de la crise du coronavirus. Une crise sanitaire qui a fait resurgir les vieux démons de l’Europe sur fond de tensions nord-sud.
Tous les États européens sont affectés économiquement. Mais certains plus que d’autres – on cite régulièrement et sans surprise l’Italie et l’Espagne.
Tout d’abord, il y a toujours de grands désaccords sur le futur budget européen 2021-2027. En principe, la Commission doit faire une nouvelle proposition pour le 29 avril. ‘Ambitieux’, peut-on entendre dans les diplomaties. Car il faut d’abord se mettre d’accord sur une relance économique en bonne et due forme. Un plan de sauvetage à 500 milliards d’euros a déjà été arrêté par les ministres des Finances de l’UE le 10 avril dernier. Mais la BCE planchait plutôt sur une relance trois fois plus importante à 1.500 milliards d’euros.
Solidarité allemande
‘Dans un esprit de solidarité’, l’Allemagne s’est dite prête à ‘des contributions beaucoup plus importantes’ au budget, rapporte l’AFP. Ces contributions seraient toutefois apportées sur ‘une période limitée’, a ajouté Angela Merkel, la chancelière allemande.
Dans une économie imbriquée comme l’est celle de l’UE, chacun a intérêt à ce que ses voisins se portent bien. Mais la solidarité a ses limites pour certains, celles de la bonne gestion intérieure des finances publiques. Les Pays-Bas, mais aussi l’Autriche ou les pays nordiques sont de ceux-là. Sans oublier l’Allemagne qui veille au grain.
Il faut encore trouver un financement du plan de relance et des fonds de solidarité (240 milliards d’euros). Ce dernier cristallise les tensions, car, forcément, il ne distribue pas les provisions de la même manière. Certains pays se sentent lésés, d’autres comme des vaches à lait. En Belgique, la N-VA a d’ailleurs plusieurs fois répété son agacement sur cette répartition. Et puis il y a le champ d’application : que fait-on de tout cet argent ?
Le double-jeu des Pays-Bas
Parmi le ‘club des radins’, comme il est moqué par les commentateurs européens, les Pays-Bas tiennent le haut du pavé. Il faut dire que son Premier ministre, Mark Rutte, et son ministre des Finances, Wopke Hoekstra, font beaucoup pour se rendre détestables en dénigrant les pays d’Europe du Sud, ‘le club Med’. ‘Un discours répugnant’, fustigeait à l’époque le Premier ministre portugais, Antonio Costa, dans des mots d’une violence rare, entre chefs d’Etat du Vieux Contient.
Du côté français, l’entourage du président Macron et d’autres députés européens ne masquent plus leurs reproches. C’est peu de le dire: ‘Ce n’est pas une légende, ce sont bien les Pays-Bas qui bloquent tout. L’ironie de la situation, c’est qu’on parle d’un des pires paradis fiscaux qui vient maintenant donner des leçons de solidarité alors qu’il est l’incarnation même de l’égoïsme européen’, fustige l’eurodéputée insoumise Manon Aubry, dans des propos rapportés par le Huffington Post.
Pour le plus centriste eurodéputé LREM Pieyre-Alexandre Anglade, ‘il est très clair que l’union sera menacée si les pays les plus riches tels que l’Allemagne et les Pays-Bas ne font pas preuve de davantage de solidarité’.
L’eurodéputé des Verts David Cormand ne prend pas plus de pincettes: ‘C’est un État (Pays-Bas) qui a toujours été historiquement pingre, qui ne veut pas mettre au pot commun en pensant que le retour sur investissement n’est pas assez bon. C’est un double-jeu scandaleux, car les Pays-Bas sont un paradis fiscal.’ En somme, ce que résumait déjà Philippe Lamberts, coprésident des Verts européens, le 18 avril dernier: ‘Le prix à payer d’un marché unique et d’une monnaie unique, c’est la solidarité économique’.
Mais la crise sanitaire étant ce qu’elle est, les Pays-Bas sont de plus en plus isolés sur la ligne dure des pays de l’Europe du Nord. Car, comme mentionné, tout le monde est finalement affecté. Et chaque chancellerie commence à se dire qu’il vaut mieux un trop-plein de solidarité qu’un trop peu. Chacun y a intérêt: ‘Qui peut croire au nord du continent que la prospérité de leur pays survivrait à la ruine de ceux du sud de l’Europe ?’, rappelle Anglade.
Sur ce point, Angela Merkel et l’Allemagne lui donneront raison. Le commerce intra-UE représente 59 % des exportations de l’Allemagne (2018), contre seulement 9% vers les États-Unis et 7% vers la Chine. Le constat est encore plus parlant pour les Pays-Bas: le commerce intra-UE représente 74 % des exportations des Pays-Bas, contre 4 % vers les États-Unis et 2 % vers la Chine.
Pas besoin de faire un dessin.