Ce jeudi marquait la fin de la visite de Vladimir Poutine à Pékin. L’occasion, pour Moscou, de donner de nouveaux chiffres sur les exportations de pétrole de la Russie vers la Chine. Et d’utiliser le conflit israélo-palestinien pour rappeler que Pékin a tout intérêt à continuer à lui faire confiance.
Quand la Russie surfe sur le conflit israélo-palestinien pour vanter les mérites de son pétrole auprès de la Chine

Pourquoi est-ce important ?
La guerre en Ukraine a métamorphosé l'échiquier énergétique mondial. Honnie en Europe, la Russie a rapidement trouvé d'autres débouchés pour son énergie. Sa voisine chinoise accueille son pétrole à bras ouverts : Moscou ne pouvait pas rêver mieux.Dans l’actu : le pétrole russe coule à flots en Chine.
- Ce jeudi, Rosneft a mis à jour ses chiffres d’exportations vers la Chine. Le pétrole russe y a dépassé le saoudien.
Les détails : déjà beaucoup plus que l’an passé.
- Selon les données divulguées par le géant russe du pétrole, cette année, la Russie a déjà livré 75 millions de tonnes de pétrole à la Chine. C’est 25% de plus par rapport à l’année passée, selon le patron de Rosneft, Igor Setchine.
- Grâce à ces livraisons record, la Russie a dépassé l’Arabie saoudite, a-t-il ajouté. Elle est désormais le premier fournisseur de la Chine.
- Une réalité confirmée par l’OPEP dans son dernier rapport sur les marchés pétroliers. Selon elle, en août, la Russie représentait 20% des importations chinoises de pétrole, l’Arabie saoudite 15% et la Malaisie 11%.
- Setchine a également indiqué que l’énergie représentait désormais « plus de 75% des exportations russes à destination de la Chine ».
- Enfin, le CEO de Rosneft s’est réjoui du fait que les exportations de gaz russe vers la Chine allaient elles aussi atteindre un « maximum historique » cette année. « Plus de 30 milliards de mètres cubes de gaz seront livrés » a-t-il annoncé, cité par le Moscow Times.
Pour le pétrole, la route entre la Russie et la Chine serait plus sûre
Les déclarations : une liaison « beaucoup plus fiable ».
- Setchine a fait ces différentes annonces à l’occasion du forum énergétique russo-chinois, à Pékin. En plus de se gargariser du raffermissement des liens énergétiques entre les deux pays, il a souligné que cette relation était bien plus sécurisante pour la Chine.
- « Dans le contexte des événements qui se déroulent actuellement au Moyen-Orient, il est important de noter la sécurité des approvisionnements en pétrole russe vers la Chine », a-t-il déclaré, dans des propos rapportés par l’agence russe Interfax.
- Et Setchine de préciser ses propos : « Ce pétrole est acheminé via l’oléoduc ESPO, qui dans la situation actuelle nous semble être un canal de transport beaucoup plus fiable que le transport par pétroliers via le détroit d’Ormuz ou le canal de Suez en raison de l’instabilité géopolitique croissante de ces régions », a déclaré Setchine.
- ESPO, pour « Eastern Siberia–Pacific Ocean« , part de Taïchet (Sibérie) pour rejoindre la Chine par le nord-est.
- Vladimir Poutine lui-même a participé au forum, dans le cadre de sa première visite en Chine depuis le début de la guerre en Ukraine. L’occasion, là aussi, de bomber le torse.
- « Les relations dans le cadre du partenariat global et de la coopération stratégique entre la Fédération de Russie et la République populaire chinoise ont atteint un niveau sans précédent et continuent de se développer de manière dynamique », s’est félicité le président russe. « L’un des domaines clés de cette relation est la coopération énergétique, qui devient de plus en plus active. »
- Selon Interfax, la Russie et la Chine ont aussi discuté de la possibilité d’augmenter les investissements des entreprises chinoises dans les projets de carburant et d’énergie russes.
- Depuis plus de dix ans, la Russie est déjà le deuxième pays envers lequel la Chine consacre les plus gros investissements énergétiques, après le Pakistan, rappelle CNN.
Pékin appelle au calme
Contexte : la Chine n’a de toute façon aucun intérêt à voir le Moyen-Orient s’embraser.
- Depuis qu’elle exporte beaucoup moins son énergie vers l’Europe, la Russie compte beaucoup sur l’Asie, et en particulier sur ses deux mastodontes que sont la Chine et l’Inde. 80% de ses exportations de pétrole allaient vers ces deux pays en juillet, selon l’AIE. Ceux-ci ont donc fortement contribué aux 15,3 milliards de dollars de recettes pétrolières enregistrées par Moscou ce mois-là.
- Du côté de la Chine, une bonne partie des importations énergétiques proviennent donc d’un pays qui fait la guerre (Russie) et d’une région instable (au Moyen-Orient, surtout l’Arabie saoudite et le Qatar, mais aussi l’Iran). Il est donc logique de voir Pékin jouer la carte de l’apaisement dans le conflit entre Israël et le Hamas.
- « La Chine s’est empressée de souligner, par tous les moyens, sa solidarité avec les principaux pays producteurs de pétrole et de limiter toute retombée qui pourrait déstabiliser davantage l’origine, perturber l’approvisionnement en pétrole et faire monter les prix de l’énergie », a ainsi analysé auprès de CNN Eswar Prasad, professeur à l’Université Cornell et ancien chef de la division ‘Chine’ du FMI.