« Non, il n’y a pas 17% de travailleurs de nationalité étrangère en Belgique »

L’économiste Philippe Defeyt, de l’Institut du développement durable, démonte une récente étude de Partena qui indiquait que 17% des travailleurs en Belgique était d’origine étrangère. L’ancien mandataire écolo parle « d’amateurisme statistique ». Voici son raisonnement.

Partena Professionnals a publié le 22 octobre 2021 une étude intitulée Le marché de l’emploi se diversifie : 16,9% des travailleurs en Belgique sont de nationalité étrangère.

Comme déjà dénoncé dans la note de l’IDD Des études comme outil de relations publiques des entreprises (28.08.2019), ce type d’études, qui relève plus de la communication d’entreprise que de l’analyse scientifique, pose nombre de problèmes méthodologiques. En l’occurrence, il y en a deux essentiels :

  • qu’entend-on par travailleurs ? ;
  • quelle est la représentativité de l’échantillon de travailleurs utilisé par Partena ?

Combien de travailleurs de nationalité étrangère ?

Première conclusion de la Brève n°58 de l’IDD, la proportion de travailleurs de nationalité étrangère calculée sur base de la BCCS (12%) est nettement inférieure à celle avancée par Partena.

Si la population couverte par Partena n’est pas claire, on peut néanmoins supposer qu’il s’agit des salariés. Partant de cette hypothèse on peut estimer que l’approche de Partena conduit à surestimer d’environ 210.000 le nombre de salariés de nationalité étrangère. Fin 2019, il y avait environ 460.000 salariés de nationalité étrangère d’après l’IDD (estimation basée sur les données de la Banque Carrefour de la Sécurité Sociale ) contre 670.000 environ pour Partena. A ce niveau d’écart, on peut parler d’amateurisme statistique, dommageable.

Les deux sources convergent néanmoins pour montrer que les proportions de travailleurs de nationalité étrangère ont augmenté depuis 2012.

Quelques caractéristiques des travailleurs de nationalité étrangères

Les données de la Banque Carrefour de la Sécurité Sociale permettent de préciser les contours de la population des travailleurs de nationalité étrangère.

  • Les deux contingents les plus importants – les travailleurs ayant la nationalité des quatre pays limitrophes ou de l’UE de l’Est – représentent plus de 50% des travailleurs de nationalité étrangère.
  • La proportion totale de travailleurs de nationalité étrangère varie selon le lieu de domicile. On ne s’étonnera pas de constater qu’elle est plus importante à Bruxelles ; elle y est en particulier importante pour ce qui est des indépendants (43,7% contre 31,7% pour les salariés).
  • On constate ainsi que les travailleurs dont la nationalité est est-européenne sont sur-représentés à Bruxelles et en Flandre par rapport à la Wallonie tandis que les travailleurs dont la nationalité est sud-européenne sont sur-représentés en Wallonie.
  • Enfin, la proportion de travailleurs de nationalité étrangère chez les hommes (13,0%) est supérieure à celle chez les femmes (10,0%) ; il y a proportionnellement plus de travailleurs de nationalité étrangère chez les moins de 50 ans que chez les 50 et plus ; la plus grande proportion chez les hommes est vérifiée pour chacune des grandes catégories d’âge.

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