« Tu casques ou on se casse » : les subsides verts américains, un moyen de faire chanter l’Europe

L’Inflation Reduction Act des États-Unis permet aux entreprises de toucher des fonds aux USA. Mais il attire aussi des sociétés européennes, qui menacent de partir « là-bas » si l’Europe n’ouvre pas son portefeuille à son tour. Des menaces initiées par lobbyistes, mais qui font leurs émules à échelle politique.

Pourquoi est-ce important ?

Avec ces subsides verts américains, l'Europe craint un désinvestissement voire un exode des entreprises, au profit des États-Unis. L'Europe est devant le choix cornélien : mettre le paquet en termes de subsides (et autres mesures protectionnistes) ou respecter l'idéal derrière sa création qu'est le libéralisme ? Nombre d'entreprises essaient en tout cas de faire pencher la balance vers le premier choix.

Les faits : les subsides verts des États-Unis, dans ce qu’ils appellent l’Inflation Reduction Act (IRA). Une enveloppe de 369 milliards de dollars pour les technologies vertes produites sur place, avec des matières premières en grande partie américaines.

  • Dès l’adoption du texte en août dernier, les politiques européens ont tiré la sonnette d’alarme, et continuent toujours de le faire. Il y a une semaine, la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen était à la Maison Blanche pour obtenir des concessions.
  • Le risque, craignent-ils : que les entreprises préfèrent investir de l’autre côté de l’Atlantique plutôt que de ce côté-ci. Un appel d’air qui mènerait à un exode industriel. Volkswagen (qui bénéficierait de subsides à hauteur de 10 milliards de dollars) et Northvolt vont par exemple construire une usine aux États-Unis, tout comme le belge Solvay.

Terrain de jeu des lobbyistes

L’essentiel : l’occasion de traire la vache à lait qu’est l’Union européenne.

  • Dans ce contexte d’IRA, nombre d’entreprises ne se gênent pas à demander des fonds à l’Europe, en menaçant de partir aux États-Unis si les sommes ne sont pas obtenues, rapporte Politico.
  • Au niveau politique, la pratique a de quoi exaspérer. « Ces demandes ne cessent d’affluer », se plaint un diplomate auprès du média. « Parfois, nous nous demandons vraiment si ces demandes sont légitimes ou si les entreprises profitent de l’occasion pour tester jusqu’où elles peuvent aller. »
  • De l’autre côté, un lobbyiste répond que ces menaces font en effet partie des stratégies utilisées. D’autres, du secteur automobile, affirment que faire « le shopping » des subsides « est le jeu ».

Le détail : la réponse européenne à l’IRA.

  • Néanmoins, l’IRA semble en effet jouer son rôle et attirer les entreprises et les investissements. L’Europe craint donc de perdre des emplois et des recettes fiscales, à terme. Elle élabore ainsi sa réponse à l’IRA, ce qui ne devrait pas déplaire à ces lobbies. Les menaces de désinvestir l’Europe ont peut-être joué un rôle, peut-on imaginer, mais il est difficile de dire à quel degré.
  • L’UE a par exemple déjà facilité le cadre des subventions que les pays membres peuvent donner. Il y a aussi le Net Zero Industry Act, un texte en cours d’élaboration qui veut qu’une bonne partie des panneaux solaires et éoliennes utilisées sur le continent soient made in Europe.
    • Faudra-t-il doter le texte d’un paquet de subventions ? Certains pays et commissaires plaident pour, d’autres sont contre et craignent un effet de « Karl Marx sous stéroïdes« , et avancent que distribuer des subsides à foison, « ce n’est pas l’UE », bâtie sur les principes du libéralisme.
    • Bref, il y a là une fenêtre où lobbies et entreprises peuvent encore venir plaider pour l’introduction de fonds.
  • Mais ces fonds supplémentaires sont-ils vraiment nécessaires ? Le think tank français CEPII a récemment publié une étude qui passait les subsides européens et américains à la loupe. Les fonds européens existants sont en réalité plus élevés que ceux du fameux IRA, conclut l’étude.
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