Doit-on vraiment craindre le grand exode des entreprises européennes vers les USA ? Une étude pointe l’impact limité de l’IRA

L’IRA est cette loi américaine qui donne d’importants subsides aux technologies vertes, si elles sont fabriquées aux États-Unis. Elle fait craindre le pire à l’Europe, avec un risque de délocalisation. A raison ?

Pourquoi est-ce important ?

L'Europe s'indigne sur le plan "déloyal, anticoncurrentiel et protectionniste" de Joe Biden, et craint un grand exode de ses entreprises. Mais il pourrait finalement s'avérer moins terrible que ce qui est craint.

Dans l’actu : une étude du Centre d’études prospectives et d’informations internationales (CEPII), un think tank français qui dépend du gouvernement, sur l’impact de l’IRA sur l’économie européenne.

  • L’étude se base sur plusieurs points : les critères stricts pour avoir les subsides américains et les subsides européens déjà en place.
  • Et d’avancer : la loi a une « efficacité limitée pour attirer les entreprises des filières vertes ».

Le contexte : un texte « déloyal, anticoncurrentiel et protectionniste ».

  • C’est comme ça que de nombreux politiciens européens décrivent l’Inflation Reduction Act, depuis qu’il a été adopté, en août de l’année dernière. Le volet sur les subsides (396 milliards de dollars) donnés aux entreprises actives dans les technologies vertes déplaît aux Européens.
    • Ils craignent un exode massif des entreprises vers les États-Unis. Pour être éligible à ces subsides, il faut en effet produire sur place.
  • Cette étude du CEPII vient donc relativiser cette grande crainte.

Montant des subsides

L’essentiel : « une efficacité limitée ».

  • Ces près de 400 milliards de dollars de subsides seront distribués sur 10 ans. Par an, ils représentent 0,17% du PIB américain, calcule le CEPII.
  • L’UE fait déjà plus, en termes relatifs, continue le think tank. À savoir : 0,5% du PIB, tous les ans, en moyenne. La France par exemple fait aussi plus, avec des subventions à hauteur de 2% du PIB sur dix ans (soit 0,2% par an), comme convenu dans son plan France 2030.
  • Pour un ordre de grandeur : en 2021, les énergies renouvelables ont été subventionnées à hauteur de 84,5 milliards de dollars, en Europe.
  • Du point de vue politique : dans les discussions sur une réponse à donner à l’IRA, les Pays-Bas et l’Allemagne répètent cet argument de subsides européens déjà élevés. D’autres pays, comme la France, veulent mettre plus de subsides sur la table pour rester attractif.
    • Début février, la Commission a donné son avis sur la question, avec une proposition de donner plus de libertés aux pays qui veulent donner des subsides. Mais cela sans nouveaux financements : il faudrait plutôt réorienter les fonds.

Les clauses très strictes

  • Autre bâton dans les roues de l’IRA : les clauses strictes qui peuvent en limiter la portée.
  • Pour l’étude, la plus emblématique concerne les véhicules électriques. Les consommateurs peuvent avoir une réduction d’impôt de 7.500 dollars si un pourcentage élevé de minerais viennent des États-Unis ou de pays avec lesquels il existe un accord de libre échange. Pareil pour les composants des batteries.
  • C’est contraire aux lois de l’OMC, selon le think tank. Mais il y a un autre problème : « L’US Treasury Department a établi en août 2022 que seulement 20 % des véhicules produits aux États-Unis en 2022 et 2023 respectent tous les critères pour être éligibles au crédit d’impôt », note l’étude. Or, la part de minerais et de composants locaux utilisés pour être éligibles va augmenter dans les années à venir. « Il sera de plus en plus difficile pour les entrepreneurs de respecter ces critères. »
  • À cela, il faut ajouter que ces matières premières ne peuvent pas venir de Chine et de Russie. Mais ces pays sont des producteurs importants et presque incontournables pour certains matériaux.

Conclusion : Ces éléments relativisent l’idée que la loi américaine « provoque une vague de délocalisations au détriment de l’UE ». Le think tank souligne qu’il y a des éléments positifs à retenir dans ce texte, malgré l’indignation suscitée en Europe. « C’est la première grande loi fédérale américaine en faveur de la lutte contre le changement climatique et les États-Unis sont responsables d’une part significative des émissions de gaz à effet de serre. » Il déconseille également à l’Europe de suivre les Etats-Unis dans la voie du protectionnisme et l’encourage à rester fidèle aux règles de l’OMC.

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