« Du Karl Marx sous stéroïdes » : le plan pour sauver le « made in Europe » est loin de faire l’unanimité

La présidente de la Commission a été chargée de dresser un plan pour sauver l’industrie européenne. Pas une mince affaire, à 27, avec un risque de fragmentation du marché intérieur.

Pourquoi est-ce important ?

L'Europe fait face à deux grands obstacles pour sauver son industrie : le protectionnisme (américain et chinois) et les coûts de l'énergie. Certains estiment qu'il faut sortir la planche à billets, déjà bien usée après deux crises successives. La plupart refuse un trop grand interventionnisme qui n'arrange personne : ni les gros, ni les petits.

Dans l’actu : le plan de von der Leyen très froidement accueilli, rapporte Politico.

  • La présidente de la commission doit présenter ce mercredi son plan pour sauver le « made in Europe ».
  • Il consisterait à assouplir les règles en matière « d’aides d’Etat » des gouvernements, mais aussi des institutions européennes. La possibilité de créer un nouveau fonds souverain européen a également été évoquée par Charles Michel, président du Conseil européen. Von der Leyen préfèrerait réallouer les montants des plans précédents.
  • Pas encore sorti, le plan de la commission suscite déjà de nombreuses réactions par voie diplomatique. En résumé : il y a « un risque de fragmentation du marché intérieur », créé par un déséquilibre entre les plus grands (Allemagne, France), aux poches plus larges, et les plus petits.
    • Tout le monde a encore en tête le plan allemand à 200 milliards d’euros pour faire face à la crise énergétique.
  • De l’autre côté, il y a l’idée d’un nouveau fonds de relance. L’ambassadeur des Pays-Bas, pays du nord de l’Europe, peu interventionniste, n’y a pas été par quatre chemins : cette nouvelle politique de planche à billets est du « Karl Marx sous stéroïdes ».

Le contexte : l’Europe face à deux obstacles.

  • Bien que le protectionnisme chinois ne soit plus à démontrer, c’est le plan d’aide à la transition énergétique américain – l’Inflation Reduction Act – qui a fini par secouer le cocotier européen. Près de 400 milliards d’aides pour les technologies « vertes », à commencer par les véhicules électriques.
  • Le danger, c’est le risque de délocalisation. Entreprises internationales et même européennes sont invitées à produire aux États-Unis.
  • Ce qui met l’Europe face à son 2e obstacle : le coût de l’énergie et plus fondamentalement sa dépendance énergétique. Le gaz et le pétrole russe bon marché, c’est terminé. Il faut désormais passer par le couteux GNL américain, norvégien et qatari.

L’enjeu : une nouvelle planche à billets ?

  • Entre janvier 2020 et novembre 2021, la BCE a injecté quelque 3.400 milliards d’euros pour sortir l’Europe de la pandémie, sous forme d’aides directes et de prêts à taux très favorables. De l’argent gratuit qui contribué à alimenter l’inflation.
  • Après avoir nié les faits pendant longtemps, la BCE n’a eu d’autre choix que de sortir son arme fatale, après une crise énergétique qui est venue s’ajouter à la pile inflationniste : la montée des taux d’intérêt.
  • En conséquence, beaucoup se questionnent : un nouveau plan à plusieurs centaines de milliards d’euros est-il la meilleure solution à l’heure actuelle ? Rappelons qu’il existe déjà les plans REPowerEU et NextGenerationEU qui comptent plusieurs milliers de milliards d’euros.
  • Pour les pays les plus libéraux, c’en est assez. Lors du Forum économique mondial, Olaf Scholz a rappelé que « 80% des 700 milliards d’euros destinés à la relance post-pandémie n’ont pas encore été dépensés. »
  • Les plus petits pays ont, eux, peur que l’assouplissement des règles ne profitent aux pays aux plus larges poches. 7 pays membres ont déjà fait savoir au commissaire au Commerce, Valdis Dombrovskis, qu’ils ne voulaient de la levée des restrictions sur les aides d’Etat : le Danemark, l’Estonie, la Finlande, l’Irlande, l’Autriche, la Slovaquie et la République tchèque. L’Italie a rappelé que 77 % des aides d’État approuvées dans le cadre de la crise énergétique actuelle sont « concentrées dans deux États membres » – la France et l’Allemagne.
  • Bref, face à une Europe complètement divisée, voire carrément contre, il n’y a pas de grande chance de voir aboutir un tel projets à brève échéance. Certains nourrissent encore l’espoir de trouver un accord avec les États-Unis.
Plus