L’Europe aussi se joint à la course à la construction de fusées réutilisables

L’industrie spatiale a été secouée ces dernières années par un développement majeur : des entreprises comme SpaceX et Blue Origin, mais bientôt toute une série d’autres, utilisent de plus en plus de fusées réutilisables. Cette technologie rend les voyages dans l’espace beaucoup moins chers, et également plus respectueux de l’environnement. L’Europe aussi se joint désormais à la course.

ArianeGroup, la société mère française d’ArianeSpace, le développeur du principal lanceur européen, Ariane 5, a fait une présentation remarquée au Congrès international d’astronautique (IAC) à Paris cette semaine. Le conglomérat développe SUSIE (abréviation de Smart Upper Stage for Innovative Exploration), un étage de fusée entièrement réutilisable.

L’étage de la fusée est développé avec un objectif ambitieux. Après tout, il doit transporter des satellites et d’autres cargaisons ainsi que des astronautes dans l’espace, après quoi il peut se poser sur Terre à la verticale. Bien que SUSIE soit encore en phase de conception, ArianeGroup semble vouloir construire une version opérationnelle.

L’Europe veut rattraper son retard

Il semble donc qu’après de longues hésitations, l’Europe entre enfin dans la course au développement de fusées réutilisables. En effet, en 2014, l’Europe a choisi de développer des fusées non réutilisables pour servir de principal lanceur à l’Agence spatiale européenne (ESA), mais en 2021, les responsables politiques ont admis que ce choix signifiait que l’Europe commençait à prendre du retard dans la nouvelle course à l’espace.

L’année dernière encore, le ministre français des finances, Bruno Le Maire, a déclaré que l’Europe « essayait de rattraper un mauvais choix stratégique fait il y a dix ans ». Il parlait alors d’un autre projet de fusée réutilisable, le projet Maize, mais sa déclaration reste plus que jamais d’actualité.

L’inverse de SpaceX

Cette conception distingue déjà la société de ses concurrents privés comme SpaceX, qui ne peut actuellement faire atterrir que le « booster », l’étage inférieur de la fusée. Le Crew Dragon (ou SpaceX Dragon 2), le vaisseau spatial de transport de personnes de la société d’Elon Musk, n’atterrit pas par ses propres moyens, mais doit être repêché en mer.

ArianeGroup semble donc adopter la démarche inverse. Bien que SUSIE soit capable de se poser et soit réutilisable, il utilisera toujours des fusées Ariane comme premier étage, qui ne sont, elles, pas réutilisables. Même l’Ariane 6, le prochain modèle de la société qui sera lancé pour la première fois en 2023, ne pourra pas le faire et sera à usage unique.

Des fusées entièrement réutilisables

En fin de compte, ArianeSpace souhaite toutefois faire davantage pour développer la technologie réutilisable. En juillet, par exemple, elle a obtenu le feu vert de la Commission européenne pour lancer deux projets visant à développer un lanceur réutilisable d’ici 2026.

Pour les projets (maladroitement nommés) SALTO (reuSable strAtegic space Launcher Technologies & Operations) et ENLIGHTEN (European iNitiative for Low cost, Innovative & Green High Thrust Engine), quelque 56 millions d’euros ont été débloqués par la Commission européenne. En collaboration avec l’ESA, cette technologie est maintenant prête à décoller dans les années à venir, au sens propre comme au sens figuré.

« Pour la première fois, l’Europe aura accès à un lanceur réutilisable. En d’autres termes, nous aurons notre propre SpaceX, nous aurons notre propre Falcon 9 », avait déclaré M. Le Maire à l’époque. Le ministre français a également souligné que l’Europe est actuellement très en retard par rapport aux entreprises américaines et doit maintenant rattraper le temps perdu.

SpaceX et Blue Origin

M. Le Maire a surtout parlé de SpaceX, sans doute l’entreprise spatiale privée la plus connue au monde. L’entreprise d’Elon Musk est actuellement de loin le leader de la nouvelle course à l’espace, effectuant d’innombrables vols chaque année. La grande majorité de ces fusées (au moins le premier étage de la fusée, appelé booster) atterrissent sur Terre et peuvent être réutilisées après quelques travaux de maintenance.

Blue Origin, la société de Jeff Bezos, cadre supérieur d’Amazon, commence également à se faire connaître. L’entreprise développe également des fusées réutilisables qui sont également capables d’emmener des personnes aux confins de l’espace. Bezos envisage un avenir où des millions de personnes vivront et travailleront dans l’espace, un rêve partagé par Musk.

D’autres entreprises, comme Rocket Lab, commencent également à voir le salut dans la technologie réutilisable. Bien que l’entreprise n’ait jusqu’à présent travaillé qu’avec des fusées jetables, elle prévoit de lancer prochainement une nouvelle fusée réutilisable.

Ce choix n’est pas difficile à comprendre : selon certains scientifiques, les fusées réutilisables rendent les vols spatiaux jusqu’à 20 fois moins chers.

MB

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