Pêché d’orgueil ? ‘Les pays riches pensaient être suffisamment bien armés pour affronter l’épidémie sans trop de dommages’

En marge de la 73e Assemblée mondiale de la santé, le médecin sénégalais Ibrahima Socé-Fall, sous-directeur général chargé des interventions d’urgence à l’OMS, a fait le point sur l’évolution de la pandémie dans le monde, et plus particulièrement en Afrique.

‘Cette pandémie est toujours en phase d’expansion’, explique d’emblée ce médecin militaire, titulaire d’un doctorat en santé publique, dans un entretien accordé au journal français Le Monde.

Avant de passer en revue l’état d’avancement de la propagation du virus dans les différentes régions du monde: ‘Il y a une stabilisation dans l’ouest de l’Europe, mais la courbe est ascendante dans l’est de l’Europe ; en expansion en Asie du Sud-Est et en diminution dans la région Pacifique’, pointe-t-il. ‘Le nombre de malades est en hausse dans les Amériques, où les pays sont de plus en plus touchés et où les Etats-Unis constituent actuellement l’épicentre de la pandémie’, note-t-il également.

Ibrahima Socé-Fall estime que si les pays développés ont été aussi durement touchés par la crise sanitaire, c’est principalement parce qu’ils ont réagi avec beaucoup de retard aux mises en garde formulées par l’OMS. ‘Les Etats les plus riches pensait être suffisamment bien armés pour affronter sans trop de dommages l’épidémie et ont considéré que le danger concernait surtout les pays les plus fragiles. Beaucoup ont été surpris et ont connu des difficultés pour affronter une épidémie de grande ampleur qui a touché toutes les villes, ce qui est rare dans les pays développés. (….) Tout a reposé sur leur système hospitalier’, souligne également l’expert sénégalais.

L’Afrique ‘de plus en plus atteinte’

Ancien directeur des situations d’urgence de l’OMS dans la région africaine, Ibrahima Socé-Fall est bien placé pour évaluer la situation sur ce continent qui est, selon lui, ‘de plus en plus atteint’.

‘Le nombre de nouveaux cas et celui des décès continuent d’augmenter plus rapidement’, prévient-il.

Mais malgré des systèmes de santé et des capacités hospitalières limitées, le scientifique se montre pourtant relativement optimiste quant aux capacités de l’Afrique à faire face à l’épidémie de SARS-CoV-2, notamment grâce à son expérience dans la gestion de pareilles crises. ‘Le continent connaît des alertes fréquentes et les pays écoutent attentivement les conseils prodigués par l’OMS. Car l’Afrique est confrontée à beaucoup d’épidémies.’

Ibrahima Socé-Fall explique au Monde que pendant les quatre années durant lesquelles il a occupé le poste de directeur chargé des situations d’urgence, l’OMS a eu à gérer plus de 500 épidémies en Afrique. ‘La plupart non médiatisées’, dit-il. ‘Et au cours desquelles il a fallu déployer une surveillance de l’apparition des cas et un suivi des contacts. Lors de la dernière épidémie d’Ebola en République démocratique du Congo (RDC), un suivi de plus de 250.000 contacts a été mis en place.’

Le fameux contact tracing, progressivement mis en place en Belgique et en Europe, et qui fait partie des mesures recommandées pour maintenir l’épidémie sous contrôle. La surveillance des décès et la recherche active de cas sont également des points intégrés par le continent, affirme Ibrahima Socé-Fall.

Trois scénarios pour l’avenir

Pour la suite de la pandémie, l’ancien médecin militaire pointe trois scénarios principaux: ‘celui d’une fin d’épidémie classique qui régresse et disparaît, celui d’une transmission qui persiste longtemps à un niveau bas, et enfin l’éventualité de petites flambées épidémiques qui peuvent prendre de l’importance.’

Mais il prévient, en guise de conclusion, que ‘cela dépendra de la capacité des différents pays à prendre toutes les mesures nécessaires pour combattre la pandémie.’

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