Les algorithmes ont pris le contrôle de la Bourse

Le trading à haute fréquence, ces algorithmes capables de passer automatiquement des milliers d’ordres en quelques millisecondes à peine, a changé toute l’écologie du marché financier. Pas forcément pour un mieux.

Pourquoi est-ce important ?

Dans l’étude High-frequency trading and networked markets récemment publiée par des chercheurs des universités de Turku et de Palerme, il ressort que le trading algorithmique déséquilibre de façon plus marquée que prévu la concurrence sur le marché. Leurs résultats montrent que les places financières sont trop fragmentées, et les acteurs trop fortement interconnectés, les traders à haute fréquence ayant visiblement même tendance à se ghettoïser. Cela soulève la question de la concurrence déloyale de ces « robots investisseurs » par rapport aux humains, mais souligne surtout la nécessité d'une enquête minutieuse sur l’équité et l’efficacité des transactions financières.

Les années 2000 ont marqué de profonds changements dans le fonctionnement des marchés financiers. Avec notamment de nouvelles réglementations relatives à la négociation des titres et la prolifération de nouvelles places financières fragmentant le marché. Mais l’innovation technologique a certainement tout autant bouleversé l’écosystème financier.

Parmi ces évolutions technos, le trading à haute fréquence (HFT) a pris une importance considérable. Le montant des transactions effectuées par les HFT est aujourd’hui estimé à environ 50% sur la plupart des marchés. Des chercheurs de l’Université de Turku et de l’Université de Palerme ont alors étudié le rôle de ces programmes informatiques investissant à la vitesse de l’éclair de considérables sommes d’argent.

  • En utilisant l’analyse statistique des données et les méthodes modernes de la théorie des réseaux, l’étude permet de voir comment les actions des membres du marché et leurs réactions aux actions des autres membres ont changé au fil du temps.
  • Sur la base des données, les chercheurs ont construit les réseaux de négociation des traders à haute fréquence. En d’autres termes, les résultats montrent que ces algorithmes du marché ont des préférences pour réagir à l’ordre d’achat ou de vente d’autres membres du marché. Mais qu’ils évitent aussi de négocier avec certains, estimés plus lents, moins efficaces.
  • L’une des principales conclusions est que les marchés sont devenus beaucoup plus interconnectés, car les échanges sont devenus plus rapides grâce au développement technologique. Le caractère en réseau a considérablement augmenté au fil des ans.
  • Il y a eu une nette augmentation de la préférence des traders à haute fréquence pour d’autres acteurs de la Bourse.

Plus contraignant que prévu

  • Ayant la capacité d’effectuer des opérations stratégiques inaccessibles aux investisseurs, ces algorithmes influencent de manière significative la liquidité des marchés.
  • « Nous observons des preuves statistiques solides que la liquidité des HFT n’est pas fournie d’une manière proportionnelle aux intérêts commerciaux des investisseurs agissant sur le marché, mais plutôt que les HFT dirigent de manière sélective une partie statistiquement importante de leur liquidité fournie vers des ordres soumis par des membres spécifiques du marché », notent les auteurs Federico Musciotto, Jyrki Piilo et Rosario N. Mantegna.
  • La structure en réseau (on parlerait presque de cartel s’il s’agissait d’humains) et la concurrence entre algorithmes de trading à haute fréquence ne sont pas nécessairement les solutions optimales pour le meilleur fonctionnement des marchés.

Arguments pour une nouvelle réglementation
« Il est possible de proposer et d’explorer des contraintes réglementaires qui pourraient minimiser le type et le degré de persistance de ces relations en réseau. Nos résultats montrent la nécessité d’une enquête minutieuse sur l’aspect fondamental de la négociation d’actifs sur un marché financier contemporain pour assurer une négociation juste et efficace des actifs financiers », ponctuent les chercheurs.

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