Interrogé par la télévision grecque, le porte-parole des talibans a émis une demande à l’égard de nombreux pays, y compris les Etats-Unis et ceux de l’Union européenne. D’après lui, ils doivent absolument apporter leur aide financière à la reconstruction de l’Afghanistan.
Suhail Shaheen (photo), porte-parole des talibans, a accoré une interview à la chaîne de télévision grecque MEGA TV ce dimanche. Il estime qu’il est nécessaire d’organiser une conférence internationale avec la participation de tous les pays pour décider d’apporter une aide financière au peuple afghan.
« Les pays de l’Union européenne, les pays entourant l’Afghanistan et les pays musulmans voisins, ainsi que les États-Unis, qui ont participé à la destruction de l’Afghanistan, je pense qu’ils ont une plus grande obligation d’aider à reconstruire le pays », a-t-il déclaré.
Le porte-parole des talibans a ajouté que la Chine, la Turquie et le Qatar auront un « rôle spécial » pour le futur de l’Afghanistan.
En outre, M. Shaheen a indiqué que les talibans vont interdire la culture du pavot à opium. Le Wall Street Journal a d’ailleurs rapporté que ceux-ci avaient averti les agriculteurs que la production d’opium est désormais interdite, ce qui a provoqué une flambée des prix.
Lors de son interview à la télévision grecque, M. Shaheen a également été interrogé sur la place qu’ils donneraient aux femmes dans leur société. Il a tenu à dire que celles-ci auront tous les droits d’accès à l’éducation et au travail. Toutefois, le port du hijab deviendra obligatoire.
« Ils mentent »
Sur le même média, droit de réponse a été donné à Crystal Bayat, militante afghane et défenseuse des droits de l’homme. Pour elle, ces déclarations n’ont aucune valeur.
« Ils mentent. Ils veulent juste attirer l’attention de la communauté internationale en faisant ces fausses déclarations. Ce que des millions de femmes et moi-même voyons en Afghanistan, c’est qu’ils [les talibans] ne permettent pas aux filles d’aller à l’école, de travailler », a-t-elle dénoncé.
La militante a pu fuir le pays il y a quelques jours grâce aux Américains et aux Français. Elle a profité de son passage sur une télévision d’un pays membre de l’UE pour appeler à poursuivre ces missions d’évacuation.
« Je veux lancer un humble appel à la communauté internationale et aux grandes puissances pour qu’elles ne laissent pas l’Afghanistan seul », a-t-elle déclaré.
Le ministre de la Santé tire la sonnette d’alarme
Si la demande d’aide financière lancée par le porte-parole des talibans porte sur la « reconstruction du pays », il apparaît qu’un soutien est également nécessaire sur le court terme.
Depuis que les talibans ont repris le pouvoir il y a deux semaines, une bonne partie des soutiens financiers internationaux à l’Afghanistan ont été retirés. La Banque mondiale a notamment annoncé cette semaine qu’elle cesserait d’aider le pays. Elle a engagé plus de 5,3 milliards de dollars dans des projets en Afghanistan depuis 2002, selon la BBC.
Une cessation de soutien financier qui a un effet immédiat sur le bon fonctionnement des infrastructures sanitaires afghanes. La situation serait déjà très grave. D’après le Dr Wahid Majrooh, ministre de la Santé publique, qui a conservé son poste malgré l’arrivée des talibans au pouvoir, le système de santé afghan est « en danger d’effondrement ».
« Nous avons un système de santé résilient, mais il est trop dépendant de l’aide », a déclaré le Dr Majrooh, interrogé par Business Insider. « Lorsque nous entendons des messages de la Banque mondiale ou des donateurs du Fonds fiduciaire pour la reconstruction de l’Afghanistan – qu’ils disent qu’ils ont mis nos fonds en attente, ou qu’ils les ont gelés – ce que cela signifie pour moi, c’est que 3700 établissements de santé vont s’effondrer. Que la santé de 35 millions de personnes va s’effondrer », a-t-il alerté.
Fuite des cerveaux
Un message également relayé par le Dr Richard Brennan, directeur régional des urgences de l’OMS. Pour lui, le pays va très bientôt manquer de fournitures médicales, autrefois apportées de l’étranger par les airs. « Avant l’effondrement du gouvernement, nous avions trois vols prévus pour apporter des fournitures dans le cadre de notre soutien au programme régulier et aux besoins croissants du pays. Mais ils n’ont pas été acheminés car il n’y a pas de vols commerciaux dans le pays », a-t-il déclaré.
Enfin, en plus de ces manquements financiers et matériels, l’Afghanistan doit faire face à une « fuite des cerveaux ». De nombreuses personnes qui travaillent dans des établissements de santé ont quitté ou tentent de quitter le pays. Parmi ceux qui sont toujours sur place, certains n’osent pas prendre le chemin du travail, celui-ci étant trop dangereux. Sans oublier la détresse de certaines femmes qui, en fonction des régions, peuvent être interdites de pénétrer dans les hôpitaux pour y travailler.
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